Une plateforme des HCL veut pérenniser sa production de fumagilline, un traitement plus produit depuis 2019

Grâce à la plateforme hospitalo-universitaire de fabrication, de recherche et d'innovation pharmaceutique Fripharm, 28 patients de toute la France ont pu être soignés avec de la fumagilline. Ce traitement, qui n'était plus produit depuis 2019, a été refabriqué par Fripharm à l'aide de matière première trouvée en Hongrie. La plateforme cherche désormais des laboratoires partenaires pour produire le principe actif et pérenniser sa production.

Implantée au sein de la pharmacie de l'hôpital Édouard-Herriot à Lyon, la plateforme hospitalo-universitaire de fabrication, de recherche et d'innovation pharmaceutique Fripharm s'occupe habituellement d'effectuer des préparations magistrales, en l'absence de forme ou de dosage adapté d'un médicament. Mais dernièrement, elle a aussi carrément refabriqué un médicament qui n'était plus du tout produit par les industriels, la fumagilline.

Fripharm a été mise à contribution par le Dr Noémie Laverdure, du service d'hépatologie, gastroentérologie et nutrition pédiatriques de l'hôpital Femme-Mère-Enfant de Lyon et par le Dr Meja Rabodonirina, biologiste spécialisée en parasitologie. Les deux médecins étaient confrontées aux troubles du transit à répétition de Raphaël, un jeune patient de 15 ans, greffé du foie le 30 juin 2020. Les analyses ont montré qu'il était contaminé par un champignon de la famille des microsporidies, Enterocytozoon bieneusi. Ce champignon provoque des diarrhées sévères qui peuvent engager le pronostic vital chez des patients immunodéprimés comme Raphaël. Seul traitement possible pour le guérir : la fumagilline, un antiparasitaire utilisé depuis les années 50.

Fin de production en 2019

Mais les médecins s'aperçoivent rapidement que la production de ce médicament a cessé en 2019 et que les derniers stocks de fumagilline des Hospices civils de Lyon ont été utilisés en mars 2020. Les pharmaciens de Fripharm sont alors sollicités pour trouver de la matière première afin de refabriquer ce traitement. "Normalement, nous partons d'une matière première et nous déroulons nos protocoles pour fabriquer des médicaments. Là, nous avons dû travailler beaucoup plus en amont, pour trouver de la matière première", raconte le Pr Fabrice Pirot, pharmacien et responsable de Fripharm.

"Nous avons contacté des fournisseurs indiens, chinois, européens. Nous avons fait le tour du monde pour essayer de trouver un stock de matière active !", complète le Dr Camille Merienne, pharmacien responsable du laboratoire de contrôle de Fripharm. L'équipe finit par apprendre qu'un stock de 300g de matière première destiné à la destruction est disponible en Hongrie. "Nous avons pu identifier un site de production qui détenait ce reliquat. Ils ont accepté de nous livrer la matière première en faisant un recontrôle total. Sans leur aide, nous n'aurions rien pu faire", souligne-t-il.

Doses individualisées

Avec cette matière première, les pharmaciens de Fripharm ont pu fabriquer un médicament personnalisé sous forme de suspension buvable conditionnée dans un flacon en verre. "La molécule est compliquée à produire et à travailler car elle est très sensible à la lumière et à la chaleur. Nous fabriquons des doses individualisées, patient par patient, ce qui nous évite d'avoir les difficultés de l'échelle industrielle, grâce à notre agilité", souligne le Pr Pirot. En août 2021, un an après les premiers symptômes, Raphaël peut enfin recevoir son traitement.

"Nous avions trois patients à Lyon qui étaient dans un état critique. L'un des trois est décédé le temps que nous trouvions la matière première. Pour les deux autres, après 15 jours de traitements, le parasite a disparu de leurs selles. Au bout d'un mois leurs muqueuses intestinales se sont reconstituées et au bout de trois mois ils ont repris un transit normal", détaille le pharmacien.

La nouvelle s'est ensuite répandue et d'autres patients de Lyon, Grenoble, Clermont-Ferrand, Paris, Bordeaux, Rennes, Nantes, ont pu être soignés grâce à la fumagilline fabriquée par Fripharm. "Sur 18 mois, nous avons pu traiter 28 patients", indique le Pr Pirot.

Mais les 300g de principe actif récupérés en Hongrie vont bientôt être consommés et les pharmaciens de la plateforme s'inquiètent de la pérennisation de cette fabrication. L'équipe a d'abord pensé à se mettre en quête d'une startup capable de l'accompagner dans la production de fumagilline, avant de se raviser.

"Le repositionnement de molécules existantes est un business compliqué. Le faire avec une startup ne semble pas le plus viable. Il faut une structure qui ait le matériel et les composants", estime le Dr Merienne. "Les étapes à venir sont de trouver un partenariat avec un producteur de principe actif. Une fois que nous l'aurons, nous savons faire la préparation", assure le Pr Pirot. Deux laboratoires de chimie se sont d'ores et déjà montrés intéressés. "Nous sommes actuellement en train d'effectuer des analyses de faisabilité. Ensuite, il faudra faire un chiffrage, puis trouver des financements", prévoit-t-il. "Quand nous aurons la matière première, nous pourrons refaire du médicament sur notre territoire, voire en proposer aux autres pharmacies européennes", envisage le Pr Pirot.

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