Cosmethics : la filière régionale s’offre une seconde jeunesse en travaillant sur le modèle de la « peau idéale »

Le Cosmetic' Recherche Tour, mené par le CNRS et le pôle Cosmetic Valley, a fait étape à Grenoble fin avril. Et l'étape iséroise de ce "Tour de France" a été l'occasion de mettre en lumière un projet interdisciplinaire et innovant, Cosmethics, porté par l'Université Grenoble Alpes et lauréat d'une enveloppe Idex. Une occasion d'affirmer aussi que la filière pèse plus qu'anticipé dans le tissu régional, avec des compétences développées au sujet de la peau, du packaging ou des sciences humaines, malgré un manque d'identification encore bien réel de ce secteur exportateur.
Le projet Cosmethics se pose comme une illustration des forces du tissu présent en Auvergne Rhône-Alpes, qui abrite près de 300 entreprises de la cosmétique-parfumerie, pour 3.500 salariés et un chiffre d'affaires de l'ordre d'un milliard d'euros. De quoi en faire la 4e région exportatrice de ce secteur.
Le projet Cosmethics se pose comme une illustration des forces du tissu présent en Auvergne Rhône-Alpes, qui abrite près de 300 entreprises de la cosmétique-parfumerie, pour 3.500 salariés et un chiffre d'affaires de l'ordre d'un milliard d'euros. De quoi en faire la 4e région exportatrice de ce secteur. (Crédits : DR)

"Nous avons lancé un programme inédit et interdisciplinaire autour du sujet des cosmétiques, car ces produits se trouvent eux-mêmes à la confluence entre beauté et santé, jeunesse et vieillesse, corps et estime de soi", explique Anne-Marie Granet-Abisset, professeur émérite d'histoire contemporaine à l'UGA et chercheuse au sein du LARHRA (Laboratoire de recherches historiques Rhône Alpes).

C'est pourquoi elle est même devenue la coordinatrice du projet de recherche Cosmethics, qui, après avoir décroché un premier financement de 700.000 euros en 2017, a poursuivi sa route en remportant une nouvelle enveloppe de 500.000 euros, qui vient tout juste d'être débloquée par l'Université Grenoble Alpes (UGA), dans le cadre des appels à projets de recherche interdisciplinaires permis par sa labellisation IdEX (Initiative d'Excellence). De quoi sécuriser et accompagner ce projet sur les trois prochaines années.

Un programme qui se veut "unique"

L'objectif de ces travaux se veut bien plus large que la formulation d'un nouveau produit:

"Il s'agit d'affiner l'analyse des modèles sociaux et culturels de la jeunesse et de la peau idéale, bases du quatrième secteur économique français, qui n'est autre que la filière cosmétique. Pour cela, nous nous intéressons au sujet du mécanisme de la pigmentation de la peau, de la perception des produits par les différents acteurs", assure la chercheuse.

Mais pour ses instigateurs, ce programme, qui fait intervenir à la fois des chimistes, pharmaciens, chercheurs issus des sciences humaines et sociales représente aussi une occasion d'aller explorer des champs plus larges, allant même jusqu'à la cosmétovigilance.

"Une telle interdisciplinarité est unique en France sur la thématique des cosmétiques", assure la chercheuse. Car au total, ce sont bien huit laboratoires de l'UGA spécialisés en sciences humaines et sociales, en ingénierie, en santé et en sciences qui sont impliqués et collaborent avec le CEA, l'ESRF (synchrotron) et le CHU. Soit près d'une quarantaine de personnes.

Une première qui a d'ailleurs attiré l'attention du pôle de compétitivité Cosmetic Valley et du CNRS. Leur "Cosmetic' Recherche Tour", tour de France de la recherche appliquée au secteur de la cosmétique, a récemment fait étape à Grenoble. Il est même devenu l'une des mesures phares retenues, en octobre 2020, par les Etats généraux de la filière parfumerie-cosmétique, en vue de favoriser les synergies public/privé et de renforcer sa capacité d'innovation du secteur.

Ce tour prévoit en effet neuf étapes d'ici mi-2024 : deux se sont déjà déroulées, la première à Poitiers, en septembre dernier, et la seconde à Grenoble, fin avril. La prochaine étape est prévue pour septembre 2022, à Clermont-Ferrand, encore une fois en Auvergne-Rhône-Alpes. Signe que la région représente un territoire de poids pour la filière cosmétique.

La peau, les matériaux et les emballages : atouts de la région

"La région Auvergne Rhône-Alpes est une région majeure pour les cosmétiques", confirme Christophe Masson, directeur général du pôle de compétitivité Cosmetic Valley. "Elle arrive tout de suite après les territoires historiquement les plus importants comme la région parisienne, la région Centre Val de Loire et la Normandie. AURA est la quatrième région exportatrice de la filière".

Selon les chiffres fournis par le pôle de compétitivité, le tissu auralpin abrite en effet 300 entreprises du secteur de la cosmétique-parfumerie, pour 3.500 salariés et un chiffre d'affaires de l'ordre d'un milliard d'euros. "La région regroupe toutes les composantes de la filière : les producteurs d'ingrédients, les fabricants de packaging, les façonniers, etc".

En France, la filière cosmétique regroupe quant à elle 3.200 entreprises, 250.000 emplois directs et 45 milliards d'euros de chiffre d'affaires. 85% sont des PME, aux côtés des grands noms comme Dior, Chanel ou L'Oreal.

Le DG de Cosmetic Valley énumère d'ailleurs la présence de plusieurs acteurs  régionaux clés pour la filière (comme Greentech à Clermont-Ferrand, Bioderma, Gattefossé, Alpol, MS Beautylab à Lyon...) et pointe également trois sujets différenciants forts en AURA : la peau, la science des matériaux et le packaging.

"Plusieurs laboratoires sont à la pointe, à Lyon et Grenoble notamment, sur le sujet de la peau, avec la présence d'acteurs innovants majeurs dont CTI Biotech qui travaille sur l'impression de la peau ou encore Episkin". Pour le packaging, c'est plutôt le secteur d'Oyonnax qui tient la corde et fabrique l'emballage d'un bon nombre de produits cosmétiques français.

Une filière encore mal identifiée localement ?

Malgré tout, la filière régionale de la cosmétique est rarement mise en avant. Au profit d'autres secteurs comme la plasturgie, la mécanique ou la santé. Ainsi, Cosmetic Valley travaille depuis plusieurs années avec le CNRS pour financer et accompagner des laboratoires collaboratifs.

Une trentaine de projets seraient d'ailleurs désormais en cours dans la région. C'est beaucoup... et peu en même temps, puisque cela ne représente que 10% des projets de recherche à l'échelle nationale. "Il y a encore un gros travail d'identification et de structuration du secteur à réaliser dans la région", constate Christophe Masson.

L'enjeu est pourtant majeur, dans un contexte où les acteurs de la cosmétique se trouvent désormais confrontés à des défis environnementaux et technologiques, qui pourraient bénéficier de l'ADN de la recherche régionale, avec ses pôles dédiés à la recherche technologique à Grenoble, ou encore à la santé sur le bassin lyonnais.

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