"L’année 2020 a démontré plus que jamais la force de la décentralisation bancaire" (Crédit Agricole Centre-Est)

GRAND ENTRETIEN. En pleine période de clôture des résultats annuels au sein du tissu bancaire -le réseau Crédit Agricole décryptera lui-même ses résultats le 11 février-, le Crédit Agricole Centre-Est (3.000 collaborateurs) amorce une nouvelle année avec des résultats qu’il estime solides. Selon son directeur général, Raphaël Appert, la crise aurait conforté le modèle de la banque coopérative en régions. Il en profite également pour revenir sur certains sujets clés (plan de transformation de ses agences, rénovation de son siège en cours, accompagnement des jeunes et des PGE, etc) avec une conviction : il faudra aider davantage les jeunes.
Nous avons mis sur pause près de 100 millions d'euros de crédits l'an dernier, et 80 % de ces clients ont été capables de remettre ensuite en marche leurs tableaux d'amortissements en fin d'année, confirme le dg du Crédit Agricole Centre-Est, Raphaël Appert.
"Nous avons mis sur pause près de 100 millions d'euros de crédits l'an dernier, et 80 % de ces clients ont été capables de remettre ensuite en marche leurs tableaux d'amortissements en fin d'année", confirme le dg du Crédit Agricole Centre-Est, Raphaël Appert. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE AURA - Vous venez de clôturer vos résultats annuels, en parallèle à ceux de l'ensemble du réseau Crédit Agricole qui doivent encore être annoncés le 11 février prochain, après une année 2020 marquée par la pandémie : quels enseignements en tirez-vous pour le modèle de banque coopérative que vous défendez ?

RAPHAEL APPERT - Le modèle de proximité que défend le Crédit Agricole est attractif. La première démonstration en est la progression du nombre de nos clients, qui sont désormais 1,265 millions, dont 50.000 nouveaux clients qui nous ont rejoints l'an dernier. Nous sommes présents sur six départements, dont trois que nous partageons avec la caisse régionale Sud Rhône-Alpes.

Nous avons près de 300 agences qui font l'objet d'un plan de transformation et de rénovation, aujourd'hui engagé depuis cinq ans à plus de 60%, pour un montant de 100 millions d'euros.

Cette enveloppe nous permet de nous transformer pour répondre à l'attente de nos clients, afin de traiter l'ensemble de leurs besoins désormais physiques et digitaux, mais également, d'en faire des espaces plus collaboratifs pour nos équipes.

Nous comptons près de 3.000 collaborateurs, dont les deux tiers sont en contact direct avec nos clients dans nos agences et centres d'affaires, ce qui est aussi une particularité.

Comment avez-vous géré vos ressources humaines sur une telle période, marquée au sein du tissu économique par les mesures de chômage partiel ?

L'an dernier, nous avons poursuivi notre politique d'embauches. Notre turn-over naturel est très faible, mais nous continuons d'embaucher près de 200 personnes par an. Il s'agit d'un élément de vitalité très important de notre caisse régionale.

Durant cette période, nous avons également maintenu nos engagements en recrutant 35 stagiaires en 2020, ce qui constitue un élément important au sein de la période actuelle, où les jeunes ont du mal à trouver des entreprises qui les accueillent. C'est la même chose avec l'alternance, où nous avons continué d'embaucher 115 jeunes cette année.

Car il est aussi important d'assurer le renouvellement de nos équipes et d'offrir des possibilités aux jeunes sous différents aspects.

Comment s'est traduit le dispositif du PGE au sein de votre caisse régionale ?

Ce sont près d'un milliard d'euros de PGE qui ont été attribués (950 millions d'euros très exactement) à 8.000 entreprises du territoire, l'an dernier, par le Crédit Agricole Centre-Est.

Il était important pour nous que les professionnels de proximité ainsi que nos clients agriculteurs, puissent bénéficier de ces mesures, tout autant que des PME et grandes entreprises. C'est d'ailleurs là où l'on voit l'importance et l'intérêt d'une structure décentralisée. Dans chaque agence, nos conseillers se sont assurés d'ouvrir l'accès à tous ceux qui avaient besoin de mesures d'aides complémentaires, comme un gel des échéances de prêts, ou des prêts complémentaires pour d'autres.

Nous avons d'ailleurs mis sur pause près de 100 millions d'euros de crédits l'an dernier, et 80 % de ces clients ont été capables de remettre ensuite en marche leurs tableaux d'amortissements en fin d'année. Début 2021, nous avons réouvert cette possibilité est près de 30 millions d'euros de crédits sont actuellement sur pause à nouveau.

Comment adressez-vous plus spécifiquement la question de l'accompagnement des jeunes, dont les perspectives d'emploi, mais également la situation financière, s'avèrent fortement touchées par la pandémie actuelle ? Etes-vous favorable à la proposition de Stanislas Guérini (LREM), qui a proposé la mise en place d'un « prêt » de 10.000 euros à taux zéro pour les jeunes, remboursable sur une longue durée (30 ans) et qui pourrait selon lui concerner plus de 5 millions de personnes ?

Accompagner les jeunes sur l'année à venir va en effet constituer un vrai sujet. Évidemment, nous sommes très préoccupés par leur situation, car il existe plusieurs types de précarité à prendre en compte, avec des sujets de précarité financière, mais aussi de santé morale, ainsi que d'accompagnement à l'emploi ou encore face à l'inégalité devant les outils numériques.

Le prix à payer par nos jeunes durant cette épidémie est très élevé. La piste d'un prêt de 10.000 euros peut à ce titre être intéressante à étudier, mais à condition que les amortissements de ces crédits se fassent sur une très longue durée avec le coût le plus faible possible.

Il faut que ces solutions soit acceptable pour les jeunes et qu'elles n'occultent pas leur avenir. Il existe également aujourd'hui des solutions à mettre en place en termes d'appui numérique, d'accompagnement psychologique, mais également budgétaire avec des dispositifs comme Passerelles, ainsi que des questions de logement... Notre caisse sera très attentive à accompagner les jeunes sur cette période.

Malgré le spectre d'un troisième reconfinement toujours incertain à ce stade, êtes-vous confiant pour la reprise attendue en 2021 ?

Nous vivons dans une région dont le dynamisme économie demeure très fort. Les chefs d'entreprises vont continuer d'investir. La meilleure preuve, c'est que nous avons engagé l'an dernier près de 5 milliards de réalisation crédits, soit un montant au moins équivalent, voire même légèrement supérieur aux années passées.

Ce recours aux prêts affectés par l'Etat, mais aussi par aux prêts classiques de trésorerie, n'est-il c'est pendant pas un élément d'inquiétude pour des entreprises françaises déjà lourdement endettées par rapport à leurs homologues européennes ? Cette crise sanitaire a-t-elle accru de manière importante leur capacité d'endettement ?

Je crois que tous nos clients chefs d'entreprise sont très raisonnables. Seuls la moitié de nos clients ont eu recours au PGE, et près de 50% d'entre eux annoncent qu'ils rembourseront totalement ou partiellement à l'issue de la première année.

Évidemment, ceux qui l'ont mis en œuvre avaient un réel besoin. Même s'il faut demeurer très prudent face à la durée de la crise et à l'incertitude pour les années à venir, nous considérons que seuls 20 à 30% des contractants auront besoin de pouvoir rembourser sur des durées plus longues. Evidemment, la situation d'endettement mérite de l'attention, mais ces PGE étaient indispensables pour passer cette période.

Votre homologues comme la Caisse des Savoie a fait un point en début d'année sur l'impact des pertes enregistrées par le secteur de la montagne sur l'économie locale. De votre côté, quelles ont été les secteurs qui ont particulièrement pesé sur votre périmètre ?

Nous disposons d'une économie régionale très généraliste et diversifiée. A ce titre, on peut dire que presque que toutes les entreprises ont souffert dans cette période, même s'il est évident que certains secteurs ont été très touchés comme l'événementiel, l'hôtellerie restauration, le tourisme, l'aéronautique... Notre objectif demeure de soutenir tous les acteurs de l'économie. Il s'agit d'un élément fondamental afin que l'économie française puisse passer ce moment très difficile.

En tant que banque, on a beaucoup disserté sur le fait que les PGE sont garantis par l'Etat en grande partie, mais qu'en est-il de la partie du risque qui pèse sur vous, même si celle-ci demeure limitée. La perspective d'un troisième confinement pourrait-elle selon vous faire craindre pour la solidité des banques françaises, y compris la vôtre ?

Les banques françaises ont fait la preuve de leur solidité dans les moments très difficiles de la crise financière des années 2008. Le secteur français est déjà très concentré et solide, si bien qu'aujourd'hui, aucune banque française n'est en situation délicate.

Le Crédit Agricole est lui-même solide et l'a démontré tout au long de cette année encore. Nous avons notamment continué à consolider nos provisions en 2020, pour être capables de répondre et d'accompagner les situations les plus difficiles.

Vous venez justement de publier vos résultats annuels 2020, qui font état d'un PNB en légère hausse de +1,6% (à 735,7 millions d'euros) ainsi que d'un résultat net en léger recul (-5,5% à 225,5 millions d'euros) et une hausse de 54.400 clients. Que traduisent-ils selon vous ?

Notre PNB est en légèrement progression malgré la période, ce qui est plutôt positif dans le contexte que nous connaissons. Cela démontre que nous avons vraiment développé l'ensemble de nos activités qui ne sont pas uniquement attribuables aux crédits.

Nos activités de collecte, d'assurance, ainsi que d'investissement ont été très actives. Nous allons présenter un résultat en légère baisse par rapport à l'année passée, mais d'un excellent niveau pour la période actuelle.

Il y aura de quoi conforter ainsi encore nos fonds propres, qui s'approchent des 5 milliards d'euros.

Cela est essentiel car en parallèle, nous avons continuer d'investir l'an dernier sur la rénovation de notre siège notamment et plus largement sur nos actifs immobiliers, avec la poursuite de notre plan de transformation de nos agences.

Justement, parmi les investissements, figure ce projet de rénovation de votre siège, qui était estimé à 70 millions d'euros d'ici fin 2022. Vous avez choisi en effet de demeurer, contre toute attente pour un groupe bancaire de votre taille, en banlieue de Lyon, à Champagne-les-Mont-D'or. Pourriez-vous nous expliquer comment ce choix s'inscrit dans votre stratégie ?

Il s'agit d'un projet d'entreprise qui a été pensé à dix ans. Nous avons beaucoup travaillé sur ce qui fait notre valeur ajoutée auprès de nos clients, avec la conviction que la proximité crée de la valeur. C'est tout l'intérêt pour nous de transformer nos agences, afin qu'elles apportent demain encore des réponses en termes de conseils et d'épargne, et puissent aborder plus largement tous les projets de vie de nos clients.

Le projet Campus, qui est la rénovation de notre siège, résonne un peu de la même façon. C'est beaucoup plus qu'un projet immobilier car il doit nous permettre de nous projeter dans l'avenir, puisque nous étions 1.000 collaborateurs sur ce site et nous serons, d'ici trois ans, 1.500.

Nous avons donc prévu de regrouper autour de nous les équipes de certaines filiales spécialisées en crédit-bail par exemple, ainsi que les structures informatiques qui nous accompagnent, celles spécialisées en immobilier ou en capital investissement. Le fait de les regrouper dans un campus ouvert nous permettra de créer un pôle de compétences et d'échanges. Une partie d'entre elles étaient présentes ici ainsi que sur nos sites de Dardilly et Ecully, en région lyonnaise.

Pour ce projet, vous avez fait le choix de confirmer votre implantation en dehors de la ville-centre, à Champagne les Mont-d'or. Un pari audacieux ?

Déjà à l'époque de sa construction, il était extrêmement original de penser que ce site pourrait accueillir le siège d'une banque importante, dans ce qui était à l'époque considéré comme "à la campagne".

Mais ce lieu présente plusieurs avantages, puisqu'il est facile d'accès tandis que les surfaces disponibles nous permettaient d'étudier toutes les options. Sans compter que cet endroit est magique, avec un parc de 10 hectares classé, qui nous semble le bon endroit pour échanger et recevoir nos clients ainsi que nos collaborateurs.

La crise a accéléré un certain nombre de tendances, que ce soit dans la façon de travailler sur site, mais aussi, dans la possibilité d'offrir un cadre de travail plus flexible, en facilitant les échanges entre les collaborateurs. Ce sont des éléments qui étaient déjà pensés à l'origine du projet il y a cinq ans, et que la crise n'a fait que confirmer.

Comment comptez-vous vous positionner sur un écosystème rhônalpin très dynamique en matière bancaire, et où certains de vos concurrents comme la Banque Populaire Aura, et désormais la Société Générale et le réseau du Crédit du Nord, ont entamé des procédures de rapprochement ?

Nous avons la chance d'être dans un environnement économique très dynamique, avec beaucoup d'entreprises ainsi que des secteurs très diversifiés sur le bassin, et où le marché est beaucoup plus grand que nous. Il est donc enthousiasmant de se développer sur ce territoire, où nous avons des concurrents très solides et sérieux.

Nous représentons tout de même plus de 20 % de parts de marché sur notre secteur, sans compter que la région AuRA comprend également quatre autres caisses (CA Sud Rhône-Alpes, CA Loire Haute-Loire, CA Centre France, CA des Savoie).

Au total, le réseau Crédit Agricole emploie ainsi près de 10.000 collaborateurs sur la région Auvergne Rhône-Alpes, pour 10 milliards d'euros de fonds propres.

N'est-ce pas justement là l'occasion d'envisager des regroupements à l'avenir, pour peser davantage voire obtenir des synergies ?

Je crois que 2020 a démontré plus que jamais la force de la décentralisation et de l'autonomie, quand celle-ci rime avec proximité.

Cela explique la réussite du réseau Crédit Agricole, en termes de parts de marché sur ce territoire, et c'est un élément pour nous très important que cette notion d'autonomie.

Nous avons un réseau de 39 caisses régionales en France, qui se double d'un fonctionnement collectif et puissant. C'est ce positionnement qui a d'ailleurs illustré sa valeur ajoutée durant cette période de crise, à travers la mise en place des PGE mais aussi, du développement des moyens technologiques. Cela nous a permis d'aller très vite tout en travaillant en commun et en proposant des solutions efficaces.

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