25 millions d'euros. C'est le montant de la levée de fonds que l'entreprise grenobloise Absolut Sensing espère finaliser, début 2024. Ce montant doit lui donner les moyens de lancer la production de sa constellation de nanosatellites baptisés « GeSAT ». Ces petits engins spatiaux seraient en effet capables de détecter précisément les émissions de gaz à effet de serre. Le méthane dans un premier temps, puis le dioxyde de carbone et le protoxyde d'azote ensuite.

« Le sujet est majeur. Il existe aujourd'hui des solutions, mais elles permettent une observation globale. Nous serons capables d'identifier précisément des fuites de méthane émanant d'un site industriel spécifique. Ces satellites sont équipés de caméras innovantes développées pour cette application et de capteurs. Ces derniers nécessitent un système de refroidissement opéré par cryogénie. La combinaison de l'optique et du capteur refroidi permet d'obtenir une image très nette des pollutions », explicite Julien Tanchon, CEO du groupe Absolut.

C'est lui, cet ex-d'Air Liquide qui avait fondé le groupe Absolut il y a treize ans autour d'une pierre angulaire : la cryogénie. Pierre angulaire désormais déclinée, à des phases plus ou moins avancées, via des filiales applicatives : Absolut Sensing donc pour la détection de gaz à effet de serre via des satellites, Absolut hydrogène pour des applications innovantes de cryogénie autour de l'hydrogène liquide, Absolut Quanta pour les supercalculateurs. Au total, le groupe compte environ 150 salariés (chiffre d'affaires non communiqué), essentiellement basés dans la région grenobloise. Une équipe d'une vingtaine de personnes est par ailleurs installée à Toulouse et planche sur la caméra des satellites d'Absolut Sensing.

Un programme à 100 millions d'euros pour 25 satellites

Absolut Sensing prévoit d'envoyer dans l'espace un premier appareil pilote dès l'année prochaine, puis une douzaine en 2025 et une nouvelle douzaine deux ans plus tard. Budget global prévisionnel : 100 millions d'euros, avec le recrutement associé d'au moins une cinquantaine de personnes d'ici 2025. Il sera financé sur fonds propres et par la levée de fonds en cours. Celle-ci sera par ailleurs abondée par un financement de l'État : Absolut Sensing a en effet été retenue cet été dans le cadre de l'appel à projets « constellations » de France 2030 (volet spatial). Le détail n'est pas communiqué mais 40 lauréats se partageront une enveloppe globale de 266 millions d'euros.

L'investissement sera également appuyé par les premiers jalons commerciaux qu'Absolut Sensing est en train de poser. Et pas des moindres. L'entreprise grenobloise a été choisie il y a quelques semaines par la commission européenne et l'agence spatiale européenne dans le cadre du programme Copernicus, programme d'observation de la planète sous un angle environnemental et climatique.

« Ce programme représentera un chiffre d'affaires d'un million d'euros par an sur 5 ans, c'est un contrat de catégorie 1. Lorsque nous aurons lancé l'ensemble de notre flotte, nous pourrons passer à un contrat de catégorie 2 avec un chiffre d'affaires de l'ordre de 20 millions d'euros par an », détaille Julien Tanchon.

Lire aussiLe mois de juin devient le plus chaud jamais enregistré, selon l'observatoire Copernicus

Absolut Sensing a par ailleurs entamé des discussions avec de grandes entreprises du CA 40 ainsi qu'avec des organismes financiers ayant un intérêt à suivre l'empreinte carbone de leur portefeuille d'investissement. Des collaborations avec quelques gros industriels sont également engagées. En particulier, avec TotalEnergies, pour des démonstrations de performance sur la plateforme de Lacq dans les Pyrénées-Atlantiques. « Nous travaillons avec eux à la mise au point d'un système d'alerte », signale Julien Tanchon.

10 millions d'euros dans un nouveau bâtiment

D'un point de vue industriel, la caméra de ces nanosatellites sera fabriquée en interne, à Grenoble. L'intégration dans le satellite sera travaillée avec un partenaire.

Pour assurer sa montée en puissance, le groupe Absolut investit 10 millions d'euros dans un nouveau bâtiment de 4.000 m² à Eybens (38) dans lequel il devrait pouvoir emménager dans les prochains mois. Investissement soutenu pas son actionnaire, Vol-V, ainsi que par le programme « Première usine » de France 2030.

Des premières avancées dans les autres applications

En parallèle des avancées d'Absolut Sensing et de ses nanosatellites, le groupe avance ses pions dans ses autres domaines. Sur sa branche Absolut Quanta, il est aujourd'hui plutôt en phase amont. Son objectif est de parvenir à des supercalculateurs beaucoup moins énergivores. « Grâce à la cryogénie, nous pourrons refroidir les processeurs. Ils seront plus performants, ils permettront de faire 100 fois à 150 plus de calculs avec la même consommation énergétique ».

Sur sa filiale hydrogène, l'activité commerciale n'a pas encore démarré mais des accords de collaboration ont été signés avec Airbus et ZéroAvia (développeur anglo-américain d'avions électriques à hydrogène) afin d'avancer sur l'industrialisation et construire une solution globale à destination de l'aviation (arrivée du gaz, liquéfaction, transport etc...).