Nutri-Perso, cet "alter ego" lyonnais qui veut rendre le Nutri-Score "personnalisable" et plus digeste

Le fromage ou certains produits réputés gras ou trop sucrés, comme le chocolat noir ou le jus de fruits, sont-ils pour autant à bannir ? Le lyonnais My Label affine depuis 2019 son Nutri-Perso, un "alter ego" du Nutri-Score gouvernemental, mais en plus personnalisable. Objectif affiché : adapter l'évaluation nutritionnelle des aliments à des critères d'âge et de sexe de leur utilisateur. Une manière de consommer différemment et de consolider (aussi) le modèle économique de cette application mobile.
L'application compte à ce jour 75.000 téléchargements, dont deux tiers des personnes qui la conservent sur les téléphone dans la durée.  Objectif affiché : moins faire culpabiliser les consommateurs et apporter de la nuance à leurs choix nutritionnels.
L'application compte à ce jour 75.000 téléchargements, dont deux tiers des personnes qui la conservent sur les téléphone dans la durée. Objectif affiché : "moins faire culpabiliser les consommateurs" et "apporter de la nuance" à leurs choix nutritionnels. (Crédits : DR My Label)

Aujourd'hui, une majorité de produits alimentaires présents en grandes-surfaces arborent un Nutri-Score indiquant leur qualité (ou leur pauvreté) nutritionnelle.

Depuis son instauration en 2017, des grandes firmes de l'alimentation mais aussi des labels locaux de qualité, notamment des filières fromages et charcuterie, s'y étaient opposés. Ces derniers regrettant la méthodologie, qui pénalise par exemple plus le gras - quel que soit sa nature - que les additifs et le degré de transformation.

A l'origine, le Nutri-Score attribue une note de A à E pour des portions de 100 grammes ou 100 millilitres, en fonction des nutriments à favoriser (fibres, protéines...) ou au contraire à limiter. De son côté, le lyonnais My Label entend personnaliser encore ce score à travers le Nutri-Perso en y ajoutant d'autres variables, comme la qualité nutritionnelle, respect des conditions de travail, bien-être animal, impact carbone, présence d'OGM, de pesticides ou d'huile de palme...

L'application compte déjà à ce jour près de 75.000 téléchargements, "dont les deux tiers ont déjà choisi de la conserver, sur leur téléphone, dans la durée", souligne la jeune pousse.

Un score "personnalisable", mieux adapté à la consommation réelle

C'est d'ailleurs depuis janvier 2022 que le Nutri-Perso a ajouté une fonction permettant à chaque utilisateur de renseigner également son âge et son sexe. Après avoir scanné un aliment, l'application lui indiquera alors "la qualité nutritionnelle des produits en l'adaptant à son sexe, son âge et à la portion moyenne réellement consommée", avec un nouveau score personnalisé de 0 à 100 et retranscrit sous la forme d'un pictogramme de cinq couleurs.

Chaque consommateur ayant ses propres attentes et caractéristiques physiologiques, le Nutri-Perso ne sera pas le même en fonction de la personne qui scanne un produit. "Notre pari, c'est que pour changer les comportements, il faut partir d'où sont les gens", explique Christophe Hurbin, cofondateur et président.

Résultat très concret ? Pour une tablette de chocolat noir qui pourrait être classée E, en raison de la présence de sucres et de gras, l'application donnera cependant le feu vert s'il s'agit d'un carré de chocolat pour une femme âgée de 40 ans, par exemple. Même chose avec le fromage, dont le Nutri-Score s'avère toujours défavorable, là où Christophe Hurbin avait remarqué que la portion de 100 grammes prise en compte s'avèrerait en réalité "deux à trois fois supérieure à ce que l'on consomme généralement".

A l'inverse, les voyants seront au rouge avec certains jus de fruits et sodas, qui obtiennent le plus souvent un Nutri-Score B ou C pour une quantité de 100 ml, alors qu'un enfant en consomme généralement trois fois plus...

Objectif : se rapprocher d'une consommation variée et diversifiée, et "moins faire culpabiliser les consommateurs" en "apportant de la nuance" à leurs choix nutritionnels, indique My Label.

Pour autant, il ne rejette pas le concept même du Nutri-Score, mais veut seulement l'adapter : "Le Nutri-Score reste utile pour comprendre le produit intrinsèque. S'il est rouge, il ne faut pas trop en manger. Nous, nous apportons de la simplification, par exemple, l'huile d'olive, c'est "vert"", poursuit Christophe Hurbin.

Avec toujours, l'espoir de faire évoluer les consommateurs vers un modèle plus vertueux. "Si l'on donne une information à quelqu'un, on peut ainsi modifier son choix d'achat." Même si, pour rejoindre les calculs qui lui sont proposés, le consommateur ne devra cependant pas excéder la portion moyenne consommée par ses semblables et présentée au sein de l'application.

Un modèle économique qui repose sur deux piliers

Créée en 2017, la société My Label s'est officiellement lancée sur ce marché en 2019. A cette époque, "il existait déjà des précurseurs comme Noteo, Open Food Facts, Mesgouts.fr, qui se sont positionnés sur trois modèles assez différents. Vers 2017, d'autres plateformes comme Yuka, ScanUp, I-Boycott sont apparues, on a été très nombreux à se poser ce type de questions", reconnait son cofondateur.

C'est pourquoi, pour se distinguer, My Label a a pris le parti d'être rapidement multi-critères, en étudiant trois axes principaux : "la santé, le social et la planète, ainsi que de proposer une évaluation de produit personnalisée", rappelle Christophe Hurbin.

Pour établir son score, My Label travaille avec des institutions comme l'INC (Institut national de la consommation) et le Credoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie. "Le gros du travail ça a été de construire la communauté", avance Christophe Hurbin.

L'entreprise s'est d'abord lancée avec des apports des fondateurs, des subventions, du corwdfunding et un prêt solidaire. Aujourd'hui, elle compte six salariés et un stagiaire et son modèle économique repose sur deux piliers : les données agrégées et sa grille de critères.

"On s'interdit de faire de la publicité ou de vendre des données individuelles pour en faire du ciblage." Malgré cette volonté, une partie des revenus de My Label repose toutefois sur les données, pas individuelles, certes, mais globales. "A travers l'application, on observe des attentes prioritaires des consommateurs et on les mesure en temps réel. On le voit arriver en variation très fortes et on le vend sous forme d'étude, c'est de la data agrégée."

La valeur de la data nutritionnelle

Par exemple, en agrégeant les données des utilisateurs, My Label est ainsi capable de dire si les hommes entre 40 et 45 ans ont été plus sensibles, ou non, à la nutrition pendant le confinement. Des données précieuses qui peuvent intéresser certaines entreprises. Elle est aussi capable de dire à une marque quels critères sont observés sur ses produits.

En arrivant sur l'application, l'utilisateur est anonyme et dans ce cas, ses données de sélection de critères sont agrégées. Toutefois, à partir du moment où il rentre son âge, son sexe, son mail ou son code postal, l'autorisation de les utiliser lui est demandée.

L'autre versant de son business model repose sur la grille de critères élaborés par My Label, qui peut ensuite être mise à disposition d'autres entreprises pour leur propre communication et marketing : "On permet à d'autres acteurs d'utiliser nos critères et de les afficher sur leurs produits, avec un gage de crédibilité supplémentaire".

C'est ainsi que My Label compte séduire notamment les sites de e-commerce, mais aussi les marques qui pourraient choisir d'apposer son Nutri-Perso, de manière volontaire, directement sur leurs emballages. Une initiative qui pourrait par exemple intéresser les producteurs de fromages AOP, vent debout contre les impacts du Nutri-Score sur leurs produits.

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