A Lyon, le plan de la métropole écologiste pour développer sa "résilience alimentaire"

MANGER AUTREMENT (1/5). Dans le cadre du plan de relance national, un coup d'accélérateur a été donné aux Projets alimentaires territoriaux (PAT) des collectivités. Première de notre série, la Métropole de Lyon, qui va déposer un dossier, d'ici le 15 avril, pour obtenir une labellisation de l'Etat. Placé sous le signe de la "résilience et de la justice alimentaire", son plan pensé par les écologistes, veut conjuguer maitrise du foncier et soutien à l'agriculture biologique.
La Métropole, aux commandes d'une nouvelle phase de son plan alimentaire territorial, a voté une programmation pluriannuelle d'investissements (2021-2026) qui consacre 9,3 millions d'euros à l'agriculture et l'alimentation.
La Métropole, aux commandes d'une nouvelle phase de son plan alimentaire territorial, a voté une programmation pluriannuelle d'investissements (2021-2026) qui consacre 9,3 millions d'euros à l'agriculture et l'alimentation. (Crédits : iStock)

La Métropole de Lyon se prépare à déposer un dossier pour la mi-avril, afin d'obtenir la labellisation son Projet alimentaire territorial (PAT). Un projet qui repose sur la "résilience" et la "justice" alimentaire, selon Jérémy Camus, vice-président de la Métropole à la politique l'agriculture, l'alimentation et à la résilience du territoire.

En octobre 2014, la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt introduisait le dispositif des PAT. Ces "feuilles de route locales" de l'alimentation et de l'agriculture s'appuient d'abord sur un diagnostic puis, avec en concertation avec l'ensemble des acteurs de l'alimentation (allant de la production à la distribution) déjà en action sur le terrain, veillent à assurer ensuite une meilleur optimisation et à monter des projets en commun.

Dans le cadre de France Relance, 80 millions d'euros ont été mis sur la table afin d'accélérer le déploiement de ces PAT. Avec, fin décembre, un volet de 7,5 millions d'euros débloqué notamment pour "développer des projets en faveur d'une alimentation saine, locale et durable au cœur des territoires".

9,3 millions d'euros d'investissements pour l'agriculture et l'alimentation

Un travail à ce sujet avait déjà été engagé à Lyon par la précédente équipe métropolitaine : une vaste étude ainsi qu'une grande concertation entre les acteurs du territoire avait été menée. De ces nombreuses rencontres, étaient sortis des chiffres et des éléments de cadrage, mais pas d'aboutissements concrets. Dans les documents de restitution, la mise en œuvre était clairement laissée sous la houlette de la nouvelle mandature à venir.

"Le PAT que nous préparons se veut plus opérationnel, affirme en ce sens Jérémy Camus. Le diagnostic était plutôt bon, mais l'idée est désormais de le décliner en actions."

Ce PAT se déclinera d'abord en six objectifs : "faire du patrimoine agricole un bien commun, ancrer la coopération des acteurs de la production, distribution et restauration, faire de la restauration publique une vitrine de l'alimentation soutenable, faire reculer la précarité alimentaire, encourager les pratiques alimentaires saines et responsables et avoir une gouvernance alimentaire."

Dans sa PPI 2021-2026 (Programmation pluriannuelle d'investissements), votée en janvier dernier, la Métropole envisage de consacrer ainsi 9,3 millions d'euros aux champs de l'agriculture et l'alimentation. Elle compare ce budget à celui de la mandature précédente, qui avait consommé 2,4 millions d'euros sur l'agriculture et l'alimentation.

Dans la nouvelle enveloppe, près d'un million d'euros sont ainsi fléchés pour soutenir l'agriculture biologique, 2,3 millions d'euros pour le foncier agricole et créer des espaces pour tester de nouvelles pratiques de cultures, 1,5 millions d'euros pour une centrale d'achat commune pour les cantines scolaires entre la Métropole et d'autres communes.

Un tiers des ménages n'ont pas les moyens de manger correctement

L'étude menée en 2019 auprès de 650 grands-lyonnais, lors de l'ancienne mandature, a permis de dégager plusieurs pistes de travail, notamment sur la question de l'accessibilité à une alimentation de qualité.

Il en est ressorti qu'un tiers des ménages n'ont pas les moyens de s'alimenter correctement, tandis que 33 % donnent la priorité à la proximité du lieu d'achat et au choix du lieu d'achat, contre 32 % le prix.

Au regard de ces chiffres, la priorité sera donc de résorber les déserts alimentaires et "d'arriver à ce que les gens aient accès à une alimentation saine et durable au pied de leur immeuble", selon Jérémy Camus.

Le vice-président estime qu'il faudra s'appuyer sur le réseau existant pour aller plus vite, comme Vrac (Vers un réseau d'achat en commun), par exemple. Cette association œuvre déjà, à travers 17 points de vente, pour "l'accès du plus grand nombre à des produits de qualité issus de l'agriculture paysanne / biologique / équitable à des prix bas, grâce à la réduction des coûts intermédiaires (circuits-courts) et superflus (limitation des emballages)", dans les quartiers prioritaires de la ville.

Pour Boris Tavernier, fondateur de Vrac, la Métropole de Lyon a elle aussi un rôle à jouer dans l'accompagnement à l'alimentation, "l'enjeu de l'accès c'est que les gens se réapproprient l'alimentation", il ne s'agit pas non plus de "faire pour, mais de faire avec".

Un volet sur l'éducation dans les écoles lui semble aussi incontournable : "les enfants sont les consommateurs de demain."

S'emparer de la question du foncier

Cela nécessitera aussi de réaliser un retour en arrière au sein de la chaîne alimentaire car avant de distribuer, il faut pouvoir produire. Ainsi, sur les 54.000 hectares de la Métropole, 12.000 sont dédiés à l'agriculture.

Le PLU (Plan local d'urbanisme), en cours de modification, est un des leviers d'action dans la politique foncière agricole. "Il est prévu de faire un rétro zonage, c'est-à-dire que les des zones à urbaniser vont passer en agricole", déclare le vice-président. En ville, "il est difficile d'installer des zones agricoles au sein des zones denses, mais on va essayer de le faire en modifiant le PLU."

En plus, le dispositif PENAP (Protection des espaces naturels et agricoles périurbains) permet déjà de "réglementer et sanctuariser un espace agricole et naturel."

En ce sens, un appel à projets, doté de 500.000 euros au total, a été lancé le 25 février pour soutenir et mettre en valeur les actions installées sur les 10.000 hectares en zone PENAP de la Métropole. "L'idée est de continuer, après le PLU, à sanctuariser ces zones."

Au global, 2,5 millions d'euros seront consacrés à ces projets en zones PENAP sur l'ensemble du mandat, avec un à deux appels à projet par an.

Aussi, trois espaces tests vont être développés dans la métropole pour "les exploitants qui veulent se lancer, mais ne savent pas comment. Ils auront trois ans pour tester et être accompagnés. Cette durée d'incubation nous donne le temps de maitriser le foncier et que les exploitants aient ensuite des débouchés."

La Métropole espère inaugurer, d'ici la fin d'année, un premier espace de test maraîcher vers Vaulx-en-Velin et un autre d'élevage dans les Monts-d'Or.

"Il y a suffisamment d'acteurs sur place avant de réinventer la roue"

En termes d'alimentation et d'agriculture, le territoire de la métropole est déjà riche de projets en tout genres. "On se donne cette responsabilité de créer un endroit où on peut coopérer et être mis en réseau. Il y a suffisamment d'acteurs sur place avant de réinventer la roue", avance Jérémy Camus.

Un appel à manifestations d'intérêts a été lancé fin 2020 en vue de recenser les acteurs et de voir les projets et enjeux à identifier. Sur ce point, la succession d'appels à projets ou à intérêts peut ralentir ou fatiguer certains acteurs du secteur, déjà en place, mais dépendants de financements publics.

Sur les prix à l'achat pour les consommateurs, la mutualisation s'avère cependant un levier efficace. "Une partie de la valeur part dans la logistique", affirme Jérémy Camus qui travaille pour intégrer l'alimentation dans le projet d'hôtel logistique urbain, mené par d'autres pôles du Grand Lyon.

La métropole compte aussi 80 collèges, ce qui représente environ 24.000 repas quotidiens. "On doit orienter la commande publique si on la veut cohérente", affirme le vice-président.

Mais il y a un obstacle : "Dans les marchés publics, les clauses de 'localisme' sont interdites, au nom de la libre concurrence européenne." Il faut donc trouver un outil qui permettrai de mutualiser les achats autrement.

Côté agriculteurs, la mutualisation et favoriser les acteurs locaux, il s'agit "de bon sens", selon Laurent Courtois est éleveur et responsable de la section viande à la FDSEA Rhône (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles).

L'éleveur a participé à une réunion sur l'élaboration du PAT : "Ce projet entre dans les revendications que l'on mène en ce moment, concernant le lien avec les acteurs du territoire. Les animaux sont élevés et consommés ici, et si l'on peut travailler avec des abattoirs locaux, c'est encore mieux."

En milieu d'année, l'association Vrac va ouvrir sa première "maison solidaire de l'alimentation" à Lyon, dans le 8ème arrondissement. Ce lieu sera dédié à la commande groupée, de cuisine collective et de restauration.

Dans cet arrondissement, Jérémy Camus souligne qu'il y a déjà un maraîcher urbain : "Il existe donc déjà des projets qui peuvent être une démonstration de ce que l'on souhaite impulser demain."

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