En Isère, deux futurs champions de l'apnée du sommeil ?

FILIERE. Dans la région grenobloise, une nouvelle spécialité serait-elle en train de se dessiner autour de l’apnée du sommeil ? C’est ce que suggère l’émergence de deux acteurs innovants sur cette filière. Avec, d’un côté, la technologie Sensapnea du belge Sunrise, actuellement en essais cliniques à Grenoble avec des partenaires locaux (laboratoire du sommeil, CHU et Université Grenoble Alpes). Et de l’autre, un acteur historique, Sleepinnov, qui lance cette semaine son premier appareil de traitement qui se veut simplifié et « made in France ».
L'isérois Sleepinnov vient d'annoncer le lancement de son premier appareil de traitement de l'apnée du sommeil, qui se veut simple d'utilisation et surtout « made in France ». (Crédit : Gilles Galoyer, Studio Jamais Vu !)

Caractérisée par des pauses de la respiration de 10 à 30 secondes durant le sommeil, pouvant se répéter plus de 10 fois par heure, l'apnée du sommeil est désormais reconnue comme un trouble respiratoire qui altère la qualité du sommeil, mais aussi la qualité de vie. Avec des conséquences de fatigue extrême en journée, ainsi que des risques de troubles cardiovasculaires et métaboliques.

Alors que près d'un milliard de personnes dans le monde en souffre, seul 20 % des cas sont diagnostiqués, en raison d'un diagnostic qui nécessite généralement un appareillage lourd, la polysomnographie, proposés dans des centres spécialisés ou à domicile.

Un terrain sur lequel la région grenobloise semble néanmoins disposer d'une longueur d'avance, avec son laboratoire du sommeil, dont la liste d'attente s'allonge. "Nous avons actuellement 1.200 patients qui ont besoin d'un enregistrement de sommeil et qui n'y ont pas accès dans des délais raisonnables", pointe Jean-Louis Pépin, responsable du laboratoire du sommeil de Grenoble.

Positionné dans le domaine de l'apnée du sommeil depuis sa création en 2003, l'isérois Sleepinnov se prépare à officialiser le lancement de son premier appareil de traitement de l'apnée du sommeil, Haloa, à l'occasion du Congrès de la société française de recherche et médecine du sommeil (SFRMS), qui se réunit cette semaine en format digital.

Bien que la crise de la Covid-19 lui ait fait prendre un peu de retard, son nouvel appareil devrait être disponible à compter de janvier 2021. Le résultat de trois années de R&D, de « plusieurs millions d'euros d'investissements », et d'un positionnement que la société de neuf salariés a d'abord amorcé sur le terrain du diagnostic.

« Nous avons commencé par commercialiser en 2005 nos premières appareils de dépistage et de screening pour cette pathologie, puis une application de télémédecine faisant remonter les résultats de différents capteurs mesurés au domicile sur une tablette, ainsi qu'un boîtier de télésuivi que nous avons vendu après de 9.000 exemplaires », résume son PDG, Jérôme Argod.

Un appareil de traitement « made in France »

C'est en poussant cette fois vers le champ du traitement que Sleepinnov annonce aujourd'hui le lancement de son premier appareil respiratoire à pression positive continue (PPC), avec un positionnement de challenger, campé sur le « made in France ».

« Nous avons voulu nous distinguer de ce qui se faisait déjà sur ce marché, par quelques gros acteurs principalement étrangers, avec l'idée de proposer un dispositif très simple d'utilisation, ou toute la technologie est invisible pour le patient, puisqu'elle se trouve à l'intérieur de la boîte », reprend Jérôme Argod.

L'autre spécificité que défend Sleepinnov est celle d'un approvisionnement local, puisque son appareil est fabriqué uniquement en France, auprès de sous-traitants hexagonaux. Il s'appuiera notamment sur un sous-traitant en Saône-et-Loire, un autre dans le Vaucluse, ainsi qu'une chaîne d'intégration et de montage à Valence (Drôme), tandis que les tests finaux seront réalisés au siège de l'entreprise à Moirans (Isère).

« Nous nous inscrivons plus globalement dans une volonté de relocalisation, que l'on observe désormais dans un certain nombre de secteurs d'activité. Nous ne nous battrons donc pas sur le terrain des prix, mais plutôt de la valeur ajoutée au niveau local », illustre le fondateur de Sleepinnov.

Ses premiers clients seront d'abord les prestataires de santé à domicile, qui mettent ensuite leurs appareils à disposition des patients, sous la forme d'un forfait réglé par l'Assurance maladie et les mutuelles. « Au total, on parle d'une enveloppe de quelques centaines d'euros par machine », indique Jérôme Argod, qui préfère rester discret sur le prix de commercialisation.

Marqué CE, son dispositif est déjà prêt à être vendu en France et en Europe. « Les chiffres sont colossaux puisqu'on estime qu'il existe en France près de 2 millions de personnes concernées par l'apnée du sommeil, soit près d'un 1, 5 milliard de personnes dans le monde. Si nous parvenions à adresser déjà 5 à 10% du marché européen, ce serait bien », glisse Jérôme Argod.

L'Europe aux portes de Grenoble

L'Europe n'est pas si loin : la startup belge Sunrise a elle-même fait le chemin jusqu'à Grenoble pour participer à un projet européen, valorisant sa technologie, aux côtés de l'Inserm, du CHU de Grenoble et de l'Université Grenoble-Alpes. Financé par l'Institut européen d'innovation et de technologie (EIT), le projet Sensapnea est cordonné par le responsable du laboratoire du sommeil de Grenoble, Jean-Louis Pépin.

Son objectif : développer et commercialiser un dispositif de diagnostic à domicile du syndrome d'apnée du sommeil, en s'appuyant notamment sur le capteur de mouvement de Sunrise, qui se pose sur le menton et permet d'enregistrer ce que fait le cerveau pendant la nuit.

Le capteur Sensapnea

Laurent Martinot, PDG de Sunrise, souligne que Sensapnea est une solution qui permet de "sortir le diagnostic de l'hôpital", en mêlant le fonctionnement d'un capteur à l'intelligence artificielle, afin de donner accès à un résultat plus rapide, à l'issue d'une nuit de test. Plusieurs brevets ont été déposés, sur le capteur et sur la technologie dans son ensemble.

"Nous avons publié un essai clinique dans le Jama Network open, qui a permis de montrer sa qualité clinique et sa simplicité d'utilisation, auprès de 400 patients. Nous sommes en train de finaliser un article sur 1.000 patients et notre dispositif est déjà validé dans le champ de la pédiatrie", développe Laurent Martinot.

La présence d'un écosystème très favorable

Pour le fondateur de Sleepinnov, ce n'est effectivement pas un hasard si l'on retrouve en Isère deux acteurs appelés à prendre une place majeure sur ce marché en plein devenir. « Il existe actuellement tout un écosystème très favorable à Grenoble autour de la question de l'apnée du sommeil, avec la présence d'un laboratoire reconnue dirigée par les professeurs Pépin et Lévy, ainsi que des compétences en matière d'électronique au sein du CEA Grenoble et un ensemble de partenaires importants dans le domaine de la santé à domicile », remarque Jérôme Argod.

De son côté, Sunrise compte bien capitaliser sur ce projet pour déployer plus largement technologie : "Beaucoup d'étapes ont déjà été franchies : nous sommes désormais en discussions pour un développement en France et pour un remboursement", envisage Laurent Martinot. Avec l'espoir, d'ici un an, que son dispositif soit mis à disposition d'un grand nombre de patients en France. La pépite belge souhaite s'implanter ensuite au Royaume-Uni d'ici la fin de l'année, puis aux Etats-Unis au cours de l'année 2021.

Actuellement, son dispositif est entièrement fabriqué en Europe, un positionnement que Sunrise souhaite conserver. Après avoir levé un million d'euros début 2020, la jeune pousse belge pourrait même remettre le couvert début 2021 pour un second tour de table.

Car même s'il est selon lui encore trop tôt pour faire des projections chiffrées, mais son pdg rappelle que le jeu en vaut la chandelle, avec un marché de l'apnée du sommeil qui représente 20 milliards d'euros chaque année sur le segment du diagnostic. "En France, il y a 600.000 tests du sommeil réalisés annuellement. Nous avons l'ambition d'en réaliser 10 % d'ici 2024", prévoit-il.

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