75 ans après, la success story du Petit Prince vit toujours à Lyon... et à travers le monde

Le mois dernier, Antoine de Saint-Exupéry aurait soufflé les 75 bougies de la parution de son conte philosophique, Le Petit Prince. Publiée d’abord aux Etats-Unis, cette histoire à la fois destinée au jeune public comme aux adultes n’a pas perdu sa résonnance en 2021. Bien au contraire : en plus de ses ventes qui n’ont pas faibli en temps de pandémie, le Petit Prince est toujours à la tête d’un imaginaire, mais aussi d’un business littéraire et de produits dérivés, et demain, d’un projet de musée nourri par la Région.
(Crédits : DR/Decitre)

L'année 2021 aurait pu être celle des hommages... mais avec la pandémie, ce sont surtout les rayons des librairies qui se sont lancées, aux quatre coins de la France, sur des opérations remettant Le Petit Prince au cœur de leurs allées.

D'autant plus que pour ses 75 ans, le personnage d'Antoine de Saint-Exupéry fait plus que jamais l'actualité : sortie d'un timbre officiel à l'effigie du héros, d'une monnaie spéciale 75 ans du Petit Prince, ainsi que de trois expositions françaises, dont l'une à la Sucrière de Lyon, près de son berceau d'origine, qui vient de réouvrir ses portes à l'issue d'un troisième confinement.

Car à l'aube de ce nouvel anniversaire, le conte écrit par le pilote lyonnais Antoine de Saint-Exupéry n'a pas pris une ride. C'est même plutôt le contraire : à Lyon, berceau de celui que l'on surnomme « Saint-Ex » et qui a même donné son nom à celui d'un aéroport international, est devenu l'un des best-sellers en temps de Covid-19.

Car alors que les librairies partaient en click and collect, la demande pour l'ouvrage n'a pas faibli et fait même office de « valeur refuge ».

« Durant la pandémie, les références au Petit Prince ont été fréquentes au sein des réseaux sociaux ou de la presse, tout comme à d'autres ouvrages intemporels, comme celui de Camus. Antoine de Saint Exupéry a probablement été davantage cité pour la question de l'isolement, et de la création du lien, comme d'un élément qui peut finalement se passer d'une présence réelle », illustre Alban Cerisier, attaché à la direction des éditions Gallimard, en charge de la gestion du patrimoine historique.

A Lyon, où la légende locale demeure toujours très forte, Dominique Lourignon, responsable du rayon jeunesse de Decitre Bellecour, affirme que le livre continue d'être acheté, 75 ans plus tard, par un large public : « grands-parents, parents, enfants, et même touristes étrangers... Car habituellement, Lyon est une ville très touristique et il n'est pas rare que les voyageurs repartent avec un exemplaire du Petit Prince dans leur valise ».

Si bien qu'avec la statue de Saint-Exupéry située non loin de son magasin, la légende continue de vivre à Lyon avec un peu plus de symbolique. « Ce titre n'a jamais vraiment connu de creux ».

Même impression au sein de la librairie indépendante Passages, à Lyon, où la codirectrice, Delphine Sablé, a elle-même vendu près de 1.500 exemplaires depuis son installation il y a deux décennies.

« On nous le demande encore énormément aujourd'hui, on ne voit pas ses ventes baisser. Très peu d'ouvrages parviennent à devenir comme celui-ci une mascotte littéraire », affiche la libraire.

En 2020, Le Petit Prince fait partie des ouvrages à ne pas avoir souffert de la crise, puisque ses ventes sont demeurées au niveau habituel, soit encore dans une fourchette comprise entre 250.000 et 270.000 exemplaires vendus en France chaque année par son éditeur historique, Gallimard.

La légende du pilote lyonnais ne se tarit pas, « le Thomas Pesquet de son temps »

Ecrit à New York pendant la Seconde Guerre Mondiale, à l'origine comme un conte de Noël, Le Petit Prince a d'abord été publié en anglais aux États-Unis en avril 1943, avant de paraître en France en avril 1946 sous le logo de Gallimard. Et ce, après la mort de son auteur, ce qui fait partie d'une démarche relativement peu commune.

Traduit en 455 langues et dialectes -ce qui en fait l'œuvre la plus traduite au monde-, plus de 200 millions d'exemplaires du Petit Prince ont été écoulés à travers le globe. Et 16 millions rien que pour son éditeur historique, Gallimard, à ce jour, sous une vingtaine de formats différents.

Un chiffre qui en ferait même plus largement l'un des livres les plus lus au monde derrière la Bible, et également un symbole de la culture littéraire française bien au-delà de nos frontières.

D'ailleurs, Le Petit Prince n'est pas qu'un livre : on ne compte plus les produits dérivés issus de ce personnage, représenté sous différentes formes, avec sa planète et ses étoiles (timbres, kits de papeterie, cartables, literie, coussins, etc...)

Si les produits dérivés sont aujourd'hui gérés et placés sous la responsabilité de ses ayant-droits -dont la succession aura été l'objet d'une bataille entre la branche de sa bien-aimée Consuelo, et celle des héritiers du camps Saint-Exupéry jusqu'en 2014-, les ouvrages littéraires publiés en France bénéficient toujours d'un contrat en cours avec les éditions Gallimard, signé par l'auteur avant son départ pour les Etats-Unis en 1938.

Pour son éditeur également, la légende du pilote lyonnais ne se tarit pas, bien au contraire : « L'un des grands moments pour ce livre a été le passage en format poche, qui s'est déroulé en 1979 pour la version jeunesse, et en 1999 pour les adultes, et qui a rendu le titre encore plus accessible », se souvient Alban Cerisier.

Malgré tout, une pléiade de nouvelles éditions (cartonnée, petit ou grand format, carrée, etc) continue de séduire les lecteurs, petits et grands. « Les ventes ont continué d'augmenter du fait du passage en poche. Il y a ensuite eu des années plus fortes que d'autres, lorsqu'elles sont par exemple marquées par un anniversaire ».

Car à sa manière, Le Petit prince continue de faire l'actualité.

« Il arrive encore aujourd'hui qu'apparaissent ou soient retrouvés de nouveaux éléments, car Saint-Exupéry avait confié un certain nombre de manuscrits à des amis, des proches... C'est une matière inépuisée, dont on ne cesse de découvrir la genèse et le sens, et qui donne encore lieu à de nombreuses expositions », ajoute Alban Cerisier.

La nature de l'oeuvre elle-même y contribue : tout d'abord par sa diversité, puisque Le Petit Prince est l'une des rares oeuvres de cette envergure à avoir été illustrée par son auteur. Mais aussi parce qu'à l'époque, l'auteur-navigateur lyonnais aurait lui-même recherché une forme d'intemporalité dans son ouvrage, allant jusqu'à gommer certaines références à la temporalité, ou à sa localisation, afin de nourrir aussi une forme d'engagement et de recherche de vérité.

« C'était un peu le Thomas Pesquet de son temps, mais qui était néanmoins horrifié par une certaine vision du modernisme et de la mécanisation du travail, alors qu'il voyait au contraire le travail comme un facteur d'épanouissement personnel », relate Alban Cerisier.

Bien qu'elle n'était pas perçue comme au coeur des enjeux à l'époque, l'éditeur souligne également la place centrale du respect de la terre et de l'environnement, qui demeurait une préoccupation forte de l'écrivain, et qui résonne d'autant plus fortement aujourd'hui.

Faire de Saint-Maurice-de-Remens un musée

Cet héritage encore prégnant autour du personnage de Saint-Exupéry et de ses ouvrages a même donné lieu, il y a peu, à un tout autre projet : la Région Auvergne Rhône-Alpes avait pris la décision de racheter le château d'enfance de Saint-Exupéry, situé à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Lyon, dans l'Ain, avec l'ambition de restaurer l'édifice existant pour en faire un musée. La transaction a même été officiellement signée en février 2020, soit tout juste un mois avant le démarrage de la crise Covid-19.

L'exécutif régional avait ainsi acquis le château de Saint-Maurice-de-Remens, construit en 1750 et son parc de cinq hectares aux mains de la petite commune, située dans l'Ain, pour la somme de 980.000 euros.

« L'ambition était de porter un projet culturel et touristique de haut niveau pour ce lieu, qui permette à la fois de présenter l'univers de Saint-Exupéry et d'accueillir des expositions temporaires », expliquait à La Tribune il y a quelques semaines Florence Verney-Carron, vice-présidente à la culture de la Région, qui rappelle que la littérature d'Antoine de Saint-Exupéry s'avère avant tout « un succès qui porte l'histoire de France, et où la région lyonnaise est souvent citée comme sa source d'inspiration ».

A l'origine, la vice-présidente à la Culture imaginait ainsi déployer une offre susceptible d'accueillir jusqu'à 100.000 visiteurs par année, avec une cible tournée à la fois vers les habitants et les scolaires, mais aussi, vers des touristes étrangers, en vue de valoriser la culture et la poésie française.

Même si ce chiffre est désormais remis en question à l'aune de la pandémie, la teneur des ambitions portées demeure intacte : « Pour nous, ce lieu a vocation à avoir un rayonnement régional et plus largement, au-delà de nos frontières. La crise sanitaire nous a fait prendre un peu de retard sur le développement de ce projet, mais nous avons mis sur pied un comité scientifique, qui sera chargé d'établir le projet scientifique et culturel de ce lieu, ainsi qu'un comité d'honneur, qui sera présidé par Stéphane Bern ».

La Région devra cependant, avant cela, boucler un budget pour lui permettre de mener à bien la rénovation de ce chantier, qui a été estimé à 30 millions d'euros.

L'exécutif régional a commencé à poser les premiers jalons avec la constitution d'une association de préfiguration, qui doit servir de socle à un groupement d'intérêt public (GIP) qui pourrait être composé de la Région, de communautés de communes et de la ville de Saint-Maurice-de-Remens.

« Un marché d'assistance à la maitrise d'ouvrage a été voté il y a quelques semaines, afin d'aider à proposer ensuite une délégation de services publique (DSP) pour la gestion du lieu, tout en sachant que le comité scientifique aura bien entendu la charge de déterminer un projet scientifique et technique pour ce lieu », reprenait la vice-présidente à la Culture.

L'ouverture, un temps imaginée en 2023, est désormais plutôt envisagée à compter de début 2025. Les travaux de mise en sécurité et de nettoyage du parc ont, quant à eux, déjà commencé.

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