Les librairies de la région espèrent encore le "click and collect"

Les librairies, forcées de refermer à nouveau leurs portes, alors que la France se reconfine ? En l’attente de précisions sur les conditions du reconfinement qui doit démarrer dès ce vendredi, les librairies d’Auvergne Rhône-Alpes connaissent un raz de marée de leurs ventes de dernière minute. Si elles ne devraient pas faire partie de la liste des commerces jugés «essentiels », des questions demeurent sur la possibilité d'offrir du « Click and collect », un outil qui a déjà fait ses preuves lors de la première vague.
(Crédits : DR)

Faire le plein de livres et de culture pendant qu'il est encore temps, avant un confinement qui pourrait durer « au moins quatre semaines ». Depuis quelques jours, les rayons de librairies d'Auvergne Rhône-Alpes enregistrent un nouveau rebond de leur activité. « On voit bien que les clients se préparer à l'hypothèse d'un nouveau reconfinement », note Maya Flandin, propriétaire de la librairie Vivement Dimanche à la Croix rousse (Lyon). Un autre établissement contacté en Isère notait la même tendance, avec un boom de l'activité très marqué depuis le début de semaine. Ce jeudi, il avait même atteint le même niveau de chiffre d'affaires que l'an dernier à la mi-journée.

Alors que les décrets visant à préciser les conditions du reconfinement ne sont pas encore publiés, la filière du livre ne se fait cependant pas trop d'illusions. Et ce, malgré l'appel de l'ancien président de la république, François Hollande, qui demandait ce matin au gouvernement de reconsidérer sa position sur les bibliothèques et les librairies, « des lieux où on a envie de liberté ».

Si elle refuse de parler de « bataille », Maya Flandin, également vice-présidente du Syndicat de la librairie française (SLF) rappelle : «la filière avait entamé des discussions avec les autorités dès le printemps dernier, à la suite d'une déclaration de Bruno Le Maire qui avait affirmé que l'on pourrait réfléchir à l'ouverture des libraires ».

Mais à cette époque, comme elle le rappelle, le contexte était totalement différent : « Lors de la première vague, les libraires n'avaient pas souhaité rouvrir de manière anticipée face aux manques d'équipements de protection, qui ne leur permettaient pas d'assurer la sécurité des salariés ni des clients ». Quelques semaines plus tard, la situation aurait cependant fortement évolué à l'approche de ce second reconfinement :

« Nous avons désormais les masques, le gel et les protocoles nécessaires, qui ont d'ailleurs été portées par le syndicat de la librairie, présentées aux autorités de santé et déployées dans l'ensemble des librairies », atteste Maya Flandin.

Capitaliser sur les outils de la première vague

Les professionnels du livre sont donc désormais, comme beaucoup d'autres secteurs, dans l'attente des précisions qui devraient être fournies ce soir par l'exécutif. Avec, pour commencer, la durée annoncée de leur fermeture, puisque le président de la République, Emmanuel Macron, s'était engagé ce mercredi à réévaluer la situation « au bout de deux semaines », à l'égard des représentants du commerce de proximité fortement impactés par ces fermetures notamment.

En attendant, les libraires se préparent : d'autant plus qu'ils peuvent désormais capitaliser sur l'expérience et les outils déployés lors de la première vague. Ils espèrent notamment un geste de la part de l'exécutif sur la possibilité de proposer le retrait de commandes, qui pourraient être réalisées sur internet, en click and collect par exemple.

« Nous avons vu que le confinement a entraîné une profonde mutation des comportements, avec des clients qui ont soutenus leurs librairies et qui étaient prêts à venir retirer leurs commandes réalisées sur internet sur place. Mais pourra-t-on proposer un tel service sur rendez-vous par exemple, sans que les rayons du magasin ne soient accessibles par exemple, ou faudra-t-il trouver un autre endroit pour le faire ?», se questionne Maya Flandin.

L'enjeu de la digitalisation, en partie relevé

Bien que le retrait des commandes en « drive » puisse être avancé comme une possibilité pour limiter les contacts en période de crise sanitaire, le click and collect ne pourra cependant pas constituer l'unique voie de salut des librairies indépendantes.   « Ceux qui ont pu le mettre en place lors de la première vague n'ont ainsi réalisé que 10% de leur chiffre d'affaires grâce à ce modèle, tout au plus », note la vice-présidente du syndicat de la librairie française.

De même que la digitalisation, bien qu'en croissance au sein du marché du livre, pose encore un certain nombre de questions à l'égard des investissements nécessaires pour les outils numériques, mais aussi des frais de livraisons, dont les montants demeurent jugés trop élevés par rapport au prix à l'unité des livres. « D'autant plus que nos librairies font partie des commerces de proximité, qui se doivent de garder une forme de contact et de rôle de conseil », reprend Maya Flandin.

Et à ce titre, Auvergne Rhône-Alpes aurait même un temps d'avance puisqu'elle a été la première région française à lancer une plateforme de réservation de livres, Chez mon librairie, sous l'égide de l'association du même nom, qui regroupe désormais près de 130 librairies. Avec l'objectif de renforcer le commerce de proximité et d'offrir une solution digitale clé en main aux librairies indépendantes, Chez mon librairie a elle aussi été un outil du premier déconfinement, période durant laquelle elle a enregistré un bond de 500% du nombre de ses visites. Depuis, elle observe quotidiennement des niveaux de fréquentation supérieurs à l'année précédente (+100 à 150%) et un engouement croissant de la part de nouveaux utilisateurs.

A travers de nouveau confinement, elle pourrait même à nouveau faire partie de la solution, puisque sa déléguée générale, Marion Baudoin, espère aider les librairies à conserver un niveau d'activité plus haut que lors de la première vague. « Bien entendu, ce ne sera pas la même chose que d'aller en magasin, où l'on retrouve aussi des livres que l'on n'était pas venus chercher en flânant dans les allées », ajoute-t-elle.

Des librairies déjà fortement éprouvées par le Covid-19

Seule certitude : sans une reprise rapide de leur activité, les librairies indépendantes, dont les marges demeurent de l'ordre de 1%, se retrouveront rapidement au bord du gouffre. Leur survie pourrait à nouveau dépendre des aides de l'Etat, qui devront être à la fois générales, mais également d'aides plus ciblées.

« Lors de la première vague, nous avions eu la chance de bénéficier des mesures de chômage partiel, des prêts à taux zéro, voire de reports de certaines échéances (loyers, fournisseurs, etc), en fonction des cas. Le Ministère de la Culture nous avait octroyé une aide déterminante par le biais du Centre national du livre (dans le cadre de son plan d'urgence au secteur du livre de 5 millions d'euros, ndlr), en nous proposant de remplir un dossier simplifié pour nous aider à couvrir nos charges fixes, avec une aide allant jusqu'à 2% de notre chiffre d'affaires », indique Maya Flandin.

Des mesures qui, couplées à une forte reprise de la consommation de livres enregistrée depuis la mi-mai, avaient déjà permis à la filière du livre de redresser une première fois la barre. Et même plus rapidement qu'anticipé : « Grâce à un retour des consommateurs en magasin, nous avions rattrapé notre mois de mai et enregistré même des progressions de l'ordre de 14% en juillet et 15% en août », atteste Maya Flandin.

Pour autant, la partie est loin d'être gagnée cette fois-ci, à l'approche des fêtes de Noël, qui représentent habituellement jusqu'à 25% du chiffre d'affaires des librairies, rien que sur les mois de novembre et décembre. « On peut déjà se douter que la situation va être difficile, car même si l'on pouvait rouvrir en décembre, nous ne pourrons pas accueillir les jauges et événements habituels, qui font de Noël une période si particulière », ajoute la vice-présidente du Syndicat de la librairie française.

Des éléments d'inquiétudes pour une filière qui, selon le dernier Baromètre régional de l'économie du livre publié en 2020, regroupe près de 286 libraires indépendantes au sein de la région Auvergne Rhône-Alpes, pour un chiffre d'affaires qui atteindrait 140 millions d'euros. Un secteur qui demeure également, comme le soulignait cette étude, très morcelé, avec un grand nombre de petites structures indépendantes, dont les marges sont très faibles, face à des poids lourds comme l'enseigne Decitre, « qui représente, à lui seul, plus d'un tiers du CA (54 millions d'euros) à travers ses 8 points de vente ». Sans parler de la concurrence des ventes en ligne représentée par le géant du secteur, Amazon.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.