A Clermont-Ferrand aussi, Just Eat ne jure plus que par ses livreurs en CDI

Début janvier, Just Eat annonçait le lancement de son service de livraison de repas, opéré par des livreurs-salariés en CDI, avec le recrutement de 4.500 livreurs en France. Dont une centaine à Clermont-Ferrand, où le groupe est en passe de doubler ses effectifs. Le sujet avait d'ailleurs déjà mobilisé certains élus comme à Grenoble, où le maire EELV avait tenté de convaincre Deliveroo et Uber Eats de faire de même.
Une soixantaine de villes françaises (dont une quarantaine de communes autour de Paris) bénéficieront de ce nouveau service de livraison, effectué par des salariés en CDI au cours des prochains mois, dont la ville de Clermont-Ferrand, qui compte ainsi doubler ses effectifs.
Une soixantaine de villes françaises (dont une quarantaine de communes autour de Paris) bénéficieront de ce nouveau service de livraison, effectué par des salariés en CDI au cours des prochains mois, dont la ville de Clermont-Ferrand, qui compte ainsi doubler ses effectifs. (Crédits : DR)

Just Eat ne veut plus rimer avec une image de livraison low-cost : après des mois de confinement où son activité s'est intensifiée, cet acteur de la livraison urbaine a renforcé sa stratégie en faveur d'une livraison plus "responsable", en annonçant en janvier dernier le recrutement d'environ 4.500 livreurs en CDI à l'échelle de l'Hexagone, par le biais de son entité de livraison Just Eat Takeaway.com.

Six mois plus tard, près de 2.000 recrutements ont d'ores et déjà été effectués au sein de 10 grandes villes françaises. A Lyon par exemple, Just Eat a déjà recruté 200 livreurs en CDI, sur un objectif de 500 postes à pouvoir d'ici fin 2021.

Même chose à Clermont Ferrand, où près de 50 livreurs en CDI ont déjà été déployés pour le lancement de ce service inédit, qui se placent désormais au service des restaurateurs auvergnats ne disposant pas de leur propre flotte de livreurs. Et d'ici la fin de l'année, la plateforme compte même doubler ce chiffre, en recrutant au total plus de 100 livreurs en CDI, afin de renforcer ses effectifs.

Avec un pari : "Avec ce nouveau service inédit, la plateforme offre à présent une qualité de service optimale en maîtrisant l'ensemble de la chaîne de livraison, de la prise de commande à la remise de celle-ci au consommateur final", explique Meleyne Rabot, directrice générale de Just Eat France à La Tribune.

A travers cette annonce, Just Eat suit ainsi le chemin de sa maison-mère Takeaway.com, une plateforme de livraison de repas à domicile entrée à son capital au printemps dernier, et qui s'était déjà convertie à l'emploi de livreurs salariés depuis 2016. Elle emploie en effet depuis cette date un effectif de 22.000 salariés au sein de 140 villes et 12 pays, notamment en Europe et en Israël.

« Notre objectif est de proposer une alternative de livraison de repas plus responsables, en proposant à nos livreurs des CDI qui donnent accès à tous les avantages du salariat, tout en assurant un meilleur service aux utilisateurs et aux restaurateurs », illustre Meleyne Rabot.

Clermont-Ferrand, un tissu local dynamique pour la livraison

Une étape qui ne souffrirait pas du déconfinement, désormais bien entamé, de l'industrie de la restauration :

« Maintenant que la réouverture est lancée, les restaurants ont plus que jamais besoin de livreurs professionnels et formés pour respecter et garantir l'équilibre entre le service en salle et les commandes en livraison. Nous sommes fiers d'investir à Clermont-Ferrand avec une solution qui permet d'accompagner au mieux nos restaurateurs partenaires et nos livreurs, et ainsi contribuer à notre niveau, au développement économique de la ville. »

A Clermont-Ferrand, la livraison de repas s'est définitivement ancrée dans les habitudes de consommation : en témoigne le nombre d'établissements partenaires de la plateforme Just Eat, au nombre de 120 désormais, et dont plus de la moitié ne disposaient pas de leur propre flotte de livreurs.

A travers le salariat, Just Eat fait donc un double pari : professionnaliser le métier de livreur tout en offrant une meilleure qualité de service aux restaurateurs ainsi qu'aux consommateurs finaux :

« Notre volonté est également de rendre accessible ce mode de livraison plus responsable jusqu'au consommateur final. A date, les frais de livraison sont entièrement pris en charge par nos services et nous étudions actuellement les possibilités pour conserver cette gratuité ou d'appliquer de faibles frais de livraison, sur le long terme », ajoute Méleyne Rabot.

Des contrats plus vertueux que l'auto-entrepreunariat

En échange, ses salariés signent désormais des contrats de 10 à 35 heures par semaine et sont payés 10,30 euros brut de l'heure.

« Ils ont une bonification de quelques centimes lorsqu'ils livrent une commande. Donc quoiqu'il arrive, ils sont payés lorsqu'ils sont planifiés pour un service, alors qu'un auto-entrepreneur n'est pas sûr de gagner de l'argent », précise Méleyne Rabot qui précise que cette garantie de revenus a, en même temps, un effet vertueux sur plusieurs plans : « le code de la route est respecté, les livreurs seront aussi plus avenants avec les restaurateurs et les clients. »

Cependant, le profil des candidats n'est aussi plus tout à fait le même que lorsqu'ils étaient auto-entrepreneurs, constate la directrice générale.

Car en choisissant de s'offrir une meilleure responsabilité sociétale, Just Eat a également souhaité s'inscrire dans la démarche "1 jeune 1 solution" du gouvernement français, en vue de favoriser l'emploi des moins de 26 ans. "Ce public constitue désormais près de 75 % des contrats proposés par Just Eat, soit environ 1.500 salariés". De quoi leur permettre de  combiner flexibilité d'emploi du temps et protection d'un contrat de travail.

Ludovic Rioux, livreur et secrétaire du syndicat CGT Uber Eats/Deliveroo regrette cependant que, malgré que les livreurs soient effectivement embauchés en CDI plutôt que d'être entrepreneurs, ils n'aient pas accès à des locaux ou à des vestiaires, comme le prévoit la convention collective. Ils n'ont pas non plus de dépôt pour les vélos et restent d'ailleurs propriétaires de leur outil de travail.

"Nous proposons aux personnes en contrat 24 et 35 heures de louer un vélo électrique pour 30 euros par mois. Ils sont encadrés par un capitaine et par un responsable de groupe. Si besoin, ils peuvent s'appuyer sur une hotline aux Pays-Bas", rappelle Méleyne Rabot.

Un business modèle déjà expérimenté

Cette nouvelle mesure est-elle en passe de transformer le modèle des plateformes de livraison ? Pour Just Eat, l'objectif n'est cependant pas ouvertement de révolutionner ni de réglementer son secteur mais plutôt de s'offrir un avantage concurrentiel, à travers un modèle qui se veut aussi différenciant.

Car depuis son rachat par la plateforme de livraison de repas à domicile Takeaway.com en 2016, Just Eat s'appuie en réalité aujourd'hui sur un business modèle hybride : une marketplace historique répertoriant les restaurants qui opèrent leur propre livraison, un service de livraison de repas externe à Just Eat, proposé à tous les restaurateurs. Mais aussi désormais son propre service de livraison de repas, développé exclusivement pour les filiales du groupe, et déjà disponible dans une dizaine de villes sur le territoire français.

 "Le business model existait déjà chez notre maison-mère Takeaway.com, qui se positionne comme la principale plateforme en ligne de livraison de repas à domicile en Europe continentale et en Israël", rappelle Méleyne Rabot.

Bien qu'elle concède que "le coût du salariat est plus important que si nous passions par de l'auto-entreprenariat, c'est un investissement sur notre image et sur la qualité du service", affiche la directrice générale."Cela est rendu possible parce qu'historiquement nous sommes rentables, les bénéfices du groupe étant réinvestis dans les services de livraison".

Un modèle de livraison qui interpellait déjà dans la région

Récemment, le modèle des acteurs de la livraison à domicile avait justement interpellé un élu de la région : le maire EELV de Grenoble, Eric Piolle, ayant choisi d'adresser un courrier aux deux concurrents de Just Eat, Deliveroo et Uber Eats, en déplorant notamment « l'absence de protection sociale des livreurs » au sein du modèle de livraison traditionnellement offert.

« La situation actuelle des livreurs et des livreuses, créée par votre entreprise, allie grande précarité et rémunération à la course ce qui encourage les coursiers à circuler et conduire rapidement », écrivait Eric Piolle à ces deux plateformes concurrentes, estimant qu'un tel statut créait  « inévitablement un contexte dangereux en matière de sécurité routière ».

Il avait notamment appelé à ce que Deliveroo et Uber Eats communiquent à la municipalité « les mesures prises pour que les coursiers de votre entreprise puissent disposer dès que possible d'un ou plusieurs lieux de pause abrité, avec un accès à des sanitaires et à un minimum de convivialité ».

Et affirmait que la création d'un lieu de ressources, notamment juridique, était à l'étude dans la ville de Grenoble pour mieux outiller et accueillir les livreurs. Un sujet qui est donc, plus que jamais, d'actualité.

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