Recyclage du textile : en donnant une nouvelle vie aux fibres de polyester, Recy'Elit anticipe les cibles à venir

La startup, fondée en 2019 par les frères Medimagh, a remporté en début d'année un concours d'innovation de la filière textile pour ses travaux en matière de recyclage du polyester. Avec un procédé qui se veut peu énergivore, le nord-isérois Recyc'Elit compte bien s'implanter dans la chaîne de valeur du recyclage textile, elle-même amenée à se durcir au gré des restrictions européennes.
Alors que les bouteilles en plastiques devront déjà atteindre au moins 25% de part recyclée, Recyc'Elit se prépare déjà pour à des exigences similaires pour le textile d'ici à 2030.
Alors que les bouteilles en plastiques devront déjà atteindre au moins 25% de part recyclée, Recyc'Elit se prépare déjà pour à des exigences similaires pour le textile d'ici à 2030. (Crédits : DR Recyc'Elit)

La startup Recyc'Elit, basée à Chasse-sur-Rhône (Nord-Isère), a récemment été récompensée dans le cadre du Challenge Innovation, l'appel à projets de ReFashion, l'éco-organisme de la filière textile.

Recy'Elit travaillait depuis 2019 au recyclage chimique des plastiques et a depuis adapté son procédé à l'industrie du textile, en se penchant tout particulièrement sur le recyclage du polyester usagé.

La startup s'est associée au pôle de compétitivité textile Techtera et à Grenoble Alpes Métropole pour créer le consortium AURAreFIL. Objectif : "transformer des textiles à base de polyesters (purs et en mélange) usagés et jusqu'ici non-réutilisables en fils polyesters recyclés dans la région Auvergne Rhône-Alpes."

Dans le cadre de l'appel à projet, 75.000 euros ont donc été accordés pour soutenir l'innovation de Recyc'Elit "autour de l'éco-dépolymérisation des textiles usagés, un procédé de recyclage chimique pionnier en Europe", affirme ReFashion, qui n'a retenu que cinq candidats sur les trente sociétés françaises et internationales ayant participé.

Un procédé peu énergivore

Raouf Medimagh, professeur universitaire en chimie organique des polymères, a cofondé Recyc'Elit en 2019, avec son frère, Karim. "En 2018, il y a eu l'annonce du ban de l'importation des plastiques en Chine, il fallait donc trouver des solutions de recyclage. Mon frère était déjà entrepreneur avec un réseau", raconte Raouf Medimagh qui est aujourd'hui CTO de Recyc'Elit.

La société a depuis déposé trois brevets. "Depuis un an, on adapte notre procédé de recyclage chimique au textile, car on a constaté qu'il y avait une problématique au niveau des déchets et des chutes industrielles", poursuit Raouf Medimagh.

A ce jour, plus de 60 millions de tonnes de polyester sont produites par an. Recyc'Elit veut donc occuper un segment dans le marché du textile : "Aujourd'hui, à part la collecte et la réutilisation, le reste et incinéré ou enfoui. [...] La plupart des technologies ne sont pas sélectives et vont demander un sur-tri de la matière, ce que ne requiert pas notre procédé."

Recy'Elit a mis au point une technique permettant ainsi de transformer le polyester usagé en monomères. Ils sont ensuite récupérés, purifiés et retransformés en résine de polyester, puis, à termes, en fil.

"Par exemple, une bouteille peut être broyée, fondue et transformée en billes pour en refaire une bouteille avec un recyclage mécanique. Mais pour une barquette de salade en PET ou du textile, ça ne passe pas", précise Raouf Medimagh. Le textile représentant une certaine difficulté à cause du nombre de couleurs et d'additifs.

Le recyclage du textile proposé par Recyc'Elit est donc moléculaire et chimique. "On utilise un solvant et un réactif pour couper la matière jusqu'à ces monomères élémentaires. On peut le faire comme dans une sorte de cocotte, mais ça demande de l'énergie. Nous on fait la même chose, mais sans cocotte. Pour que le ciseau chimique fonctionne et que la matière relâche ses additifs."

Ce procédé est aussi sélectif au polyester, ce qui est un avantage car cela permet de ne pas sur-trier et d'épargner les autres types de résine.

Cette "éco-dépolymérisation" se fait donc à température ambiante et à la pression atmosphérique, le temps d'une nuit, ce qui rend le procédé peu énergivore. "Aujourd'hui il faut penser à l'éco-concepetion. [...] On attache de l'importance à l'aspect bas carbone", assure Raouf Medimagh.

"On va arriver à temps sur la chaîne de valeur"

Les 75.000 euros octroyés par ReFashion, sur un projet chiffré à près de 150.000 euros, vont lui permettre de développer trois objectifs : "travailler sur trois ou quatre sortes de textile en fin de vie (polyester, textiles mélangés...) et démontrer les possibilités de recyclage par dépolymérisation. Prouver la pureté du monomère et trouver un partenaire pour faire de la résine et du filage."

Le procédé doit aussi être affiné pour faire en sorte que les boutons, zip, ou autres accessoires des vêtements ne soient pas un blocage. Recyc'Elit ne s'occupe pas non plus de la repolymérisation. "On ne le fait pas nous-mêmes, car ce métier de polyméristeur existe déjà, on ne va pas réinventer la roue", un autre acteur de la chaîne fera par la suite le fil, d'où l'intérêt du partenariat avec Techtera. Dans ce trio, Grenoble Alpes Métropole prend en charge la collecte des textiles.

"On espère faire nos preuves et sortir ce fil pour ensuite continuer sur une plus grande échelle."  Raouf Medimagh est confiant : "Nous sommes en phase de maturation, nous allons arriver à temps sur la chaîne de valeur. Les réglementations européennes feront que les gens iront vers plus de recyclage. Par exemple, actuellement, les bouteilles doivent avoir au moins 25% de part recyclée, et ça va arriver aussi pour le textile d'ici 2030."

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