Vers une solidarité inter-entreprises insufflée par l'Etat... ?

Dans un contexte de crise économique exceptionnelle, en partie amplifiée par la gestion, sans doute perfectible de la crise sanitaire par l'exécutif, induisant notamment un confinement prolongé, il apparaît utile de s'interroger sur l'impact des mesures financières prises par l'Etat et celles restant à mettre en œuvre non pas pour surmonter cette crise (impensable) mais pour tenter de la limiter estime Stéphan Béraud, associé-fondateur du cabinet conseil Oxigen.
(Crédits : DR)

Parmi les différentes mesures annoncées (chômage partiel, report et éventuellement annulation de charges sociales et fiscales, diverses mesures plus spécifiques sur les loyers sur le versement d'indemnisations très limitées), on a pu évidement relever la mise en œuvre d'un dispositif majeur de financements bancaires garantis par l'état (PGE).

On le sait, ce soutien bien réel des banques est et sera accordé de manière nécessairement discriminante et non homogène sur le territoire dans la mesure où il est à la discrétion totale de celles-ci. Les entreprises les plus fragiles auront évidemment du mal à convaincre de leur capacité à rembourser et donc à obtenir les financements en question.

Cette mesure généra donc des effets bien réels et opportuns pour certaines entreprises mais fondamentalement limités et insuffisants.

675 milliards par an de crédit inter-entreprises

Au-delà des financements bancaires, il est important de préciser le poids du crédit inter-entreprises dans notre économie. Pour mémoire, le crédit inter-entreprises est la somme des crédits que les entreprises s'accordent entre elles afin de se donner des délais de paiement fournisseurs et des délais de paiement clients.

Le montant global du crédit inter-entreprises en France représente la source la plus importante de financement des entreprises. Il est évalué à environ 675 milliards d'euros annuels (à compenser avec les 33 milliards d'euros d'affacturage annuel) contre 240 milliards d'encours de crédits de trésorerie, accordés par les institutions financières.

On le voit, c'est sans doute sur ce levier qu'il convient de réfléchir et d'agir. La loi de modernisation de l'économie (LME) a instauré depuis le 1er janvier 2009 un plafond légal de paiement de 60 jours à compter de la date d'émission de la facture ou de 45 jours fin de mois. Cette loi a permis, on le sait, de redistribuer une partie de la trésorerie monopolisée par certains débiteurs rétenteurs. Pour information et pour donner la mesure des effets en jeu, en France, le nombre de jours de retard moyen s'élève à environ 11, ce qui représente 26 milliards de trésorerie à dégager chaque année pour les PME et ETI qui en pâtissent.

Conscient du poids du crédit inter-entreprises, le gouvernement a institué un comité de crise, le 23 Mars pour traiter ce sujet déterminant. Ce comité rassemble le médiateur des entreprises, celui du crédit, ainsi que plusieurs organisations patronales et la Direction générale de la concurrence, de la DGCCRF, etc.

Préférer la règle à la médiation

Il nous apparaît inopportun et insuffisants de gérer les problématiques que vont rencontrer bon nombre d'entreprises dans la gestion de leurs encours clients par un dispositif reposant sur la négociation / médiation. D'abord parce que le nombre de dossiers en question va submerger les instances mises en place. Mais aussi parce que la négociation est trop aléatoire et sujette à trop de lenteur et donc pas assez d'efficacité dans ce contexte de crise, pardon de guerre.

Il nous semble préférable de procéder par la voie législative ou réglementaire pour ajuster sans tarder les règles instituées en son temps par la LME en organisant un mouvement de réduction drastique du plafond de paiement en nombre de jours, mais en tenant compte bien entendu des capacités financières des entreprises ou des collectivités débitrices.

Il s'agirait donc d'instituer un régime différencié du dispositif (LME) en raisonnant, non comme c'est le cas aujourd'hui sur un nombre de jours imposé indistinctement à toutes les entreprises, mais sur une segmentation (15 / 30 / 45 jours) en fonction d'un ratio relatif aux liquidités dont dispose les entreprises débitrices.

Ainsi une société débitrice disposant de fortes liquidité associées à un faible endettement et à une profitabilité prévisionnelle se verrait contrainte de respecter un délai de règlement très limité ; et vice versa. Il s'agirait d'une contribution des sociétés et collectivités les plus solides financièrement et en termes de liquidités pour subvenir aux besoins des autres.

De nombreux grands groupes, ETI et collectivités disposent de réserves de trésorerie qu'il convient urgemment de réallouer. Nous savons également qu'aujourd'hui la loi LME n'est pas parfaitement respectée par un grand nombre d'entreprises. Cette évolution de la législation induirait également un renforcement significatif des contrôles pour s'assurer du respect scrupuleux des nouvelles règles.

L'élan de solidarité sociale suscité par cette crise doit nécessairement être complété par une réglementation innovante encourageant la solidarité économique inter-entreprises.

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Commentaire 1
à écrit le 26/05/2020 à 16:39
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Il est bien évident que le principal de la trésorerie se trouve en aval des chaînes de valeurs. Aucune entreprise solidaire n'aucun intérêt à ruiner ses fournisseurs excepté le cas où elle est elle-même en difficulté. La loi sur le credit interentrep...

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