Echec entrepreneurial : pourquoi et comment il faut rebondir

Chaque année plus de 60 000 entrepreneurs échouent. Derrière ce chiffre, il y a des hommes et des femmes qui doivent se relever de cette mésaventure, dans un contexte français où l'échec est stigmatisé. Pourtant, le revers ne doit pas brider la fibre entrepreneuriale. Au contraire, s'il est "traité", il permettra au chef d'entreprise de rebondir, de grandir, en somme, de nourrir ses futures réussites. Par Philippe Rambaud, président de 60 000 rebonds.

Ayant eu la chance il y a 2 ans de rencontrer Luc Ferry en privé, je l'ai interrogé sur ce sujet de « l'échec » (nous devrions dire « le sentiment d'échec ») dans notre socio-économie contemporaine. Ce que ma mémoire en a retenu, rejoignant nos convictions au sein de l'association bénévole 60 000 rebonds, c'est la conjugaison de trois dimensions : en un, l'ancienneté du sujet (5000 ans, aussi intense que notre culture), synonyme probablement de sa complexité et de son inhérence à la nature humaine, en deux, le rôle crucial de l'éducation (familiale, scolaire, professionnelle, sociale,...) et, en trois, les mythes collectifs (d'hier et d'aujourd'hui) qui habitent notre conscient comme notre inconscient.

L'approche française aux antipodes de celle Américaine

Cette lecture, forcément simplificatrice, éclaire le sentiment très partagé d'un « échec » stigmatisé en France comme un signe d'incompétence et comme une faute (ouvrant à la punition), aux antipodes d'une pensée nord-américaine qui valoriserait l'échec comme un témoin du courage et de l'audace, et surtout comme un signe d'apprentissage essentiel dans une vraie vie d'homme (sportif, acteur, entrepreneur, politicien, ...). Les cicatrices comme signe de faiblesse et de limite d'un côté de l'Atlantique, et comme signe de séniorité et de légitimité de l'autre ?

Lire aussi : Philippe Rambaud : "En France, le tabou de l'échec est profond"

Ayant travaillé sur les deux continents, je ne peux que confirmer avoir ressenti cette différence de perception. Mais au-delà de cet écart de vision « géographique », nous sentons à peu près tous que notre rapport à l'échec est plus fondamentalement d'ordre « générationnel » et plus encore « sociétal ».

Apprendre de son échec pour grandir

Notre vie professionnelle (et personnelle) semble aujourd'hui habitée, à la fois, par un fort sentiment d'imprévisibilité ambiante, mais aussi par l'accélération de son rythme sinusoïdal « réussite-échec-réussite-échec-réussite... » qui limite la signification du passé pour anticiper notre avenir, et, enfin, par la brutalité des conséquences de nos échecs.

Ces perceptions nouvelles questionnent violemment, pour nous et encore davantage pour nos enfants, la question simpliste « suis-je un « winner » ou un « loser », à mes yeux et aux yeux des autres ?».

La question ne serait donc plus « comment naviguer vers la réussite et éviter les échecs » mais plutôt « anticiper que l'échec fera nécessairement partie de notre vie, que ce n'est pas grave, que ça ne dit rien de notre vraie valeur, mais qu'il faut apprendre à en faire un apprentissage incomparable pour grandir ».

L'échec, une forte probabilité, mais osons !

Appliquer cette vision contemporaine à l'entrepreneuriat éclaire d'un nouveau jour le véritable sens de cette superbe aventure. 50% des entreprises ne vivent pas plus de 5 ans, 80% pas plus de 8 ans. L'échec (60 000 dépôts de bilan et liquidations chaque année en France vs 240 000 créations de société) fait donc partie des options à forte probabilité de chacune de nos aventures entrepreneuriales.

Cela doit-il nous inciter à ne pas oser cette aventure incomparable et à rester apparemment protégé par le statut de salarié ? Cela remet-il en cause notre valeur de dirigeant, la qualité du travail de nos équipes, etc... ? Evidemment, non ; nous en sommes à peu près tous convaincus.

Travailler son échec pour extraire sa formidable puissance

Cela signifie néanmoins deux changements de comportement. D'une part, apprendre à protéger soi et les autres (familles, employés, actionnaires, créanciers, etc...) du risque inhérent à l'aventure entrepreneuriale (assurance-chômage du dirigeant et absence de caution bancaire personnelle).

D'autre part, lorsque l'échec survient, le travailler avec de vrais professionnels (mentors, coachs, psychothérapeutes) pour en extraire sa formidable puissance (apprentissage, compréhension soi et des autres, « talents/vulnérabilités », erreurs techniques et erreurs de comportement, maîtrise de ses peurs, renfort de l'estime de soi et de la confiance en soi, pilotage de son avenir).

Nous tous qui avons fait ce travail pouvons témoigner qu'il y a au bout de ce processus un « cadeau caché » inestimable de l'échec : GRANDIR. Nourrir nos réussites futures de nos échecs passés, échouer aujourd'hui pour mieux s'épanouir demain, justifier notre légitimité par nos cicatrices, développer ce « savoir-être » si crucial dans l'économie du XXIème siècle (vs des « savoir-faire » de plus en plus éphémères), oser prendre des risques pour épanouir ce besoin de vivre intensément notre désir d'autonomie.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 25/11/2015 à 16:54
Signaler
Alors, pourquoi ne pas rendre public, sous couvert d'anonymat, bien sûr, ce travail effectué pour comprendre les causes d'échecs. Je parie que ces causes sont récurrentes alors pourquoi réinventer systématiquement "le fils à couper le beurre" ? C'es...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.