Hier soir, je suis allé voir le film "Les Chariots de feu" que présentait Hugh Hudson, son réalisateur, à l'Institut Lumière. Nous connaissons tous l'histoire : deux athlètes, un juif et un fils de pasteur anglican particulièrement pratiquant, sont en compétition pour les Jeux Olympiques de 1924 qui se déroulent à Paris. Ils courent, ils triomphent chacun... mais l'essentiel est ailleurs. C'est la foi qui les anime, parfois les contraint, mais qui ne s'exprime jamais aux dépens des autres.

Fier de nos convictions

Chacun est marqué par sa religion : Abrahams doit lutter contre l'antisémitisme latent de son université, Cambridge, et le sport est un moyen de s'imposer face à une classe établie qui ne l'attend pas. L'apprenti pasteur est tellement pétri de convictions chrétiennes qu'il refuse de courir le dimanche. Même s'il doit être éliminé, il estime que servir son Dieu ce jour-là est plus important, jusqu'à ce qui semble absurde aux autres.

En ces temps si particuliers, après l'horrible attentat qui a décimé Charlie Hebdo, et l'assassinat de huit autres victimes au nom de leur métier (policier) ou de leur confession religieuse, ce film résonne comme un exemple de la capacité à vivre ensemble, harmonieusement, malgré les différences religieuses. Ces athlètes peuvent tomber dans les bras de l'autre après la course, même si, et surtout si, c'est un juif et un chrétien qui s'élancent chacun dans leur couloir. Chacun est fier de ses convictions, les porte haut devant la société, mais respecte l'autre. L'affrontement sportif n'est pas une image d'une volonté de détruire son prochain, c'est un moyen d'être heureux.

Bannir la peur

Mais la série d'attentats qui nous a tous frappés va au-delà de la détestation de la différence. Elle avait pour but de nier la liberté d'expression de la presse, qui est indissociable de notre démocratie. Charlie Hebdo pouvait ne pas être mon magazine de chevet, mais son existence montre que je vis dans une société où chacun peut dénoncer par le rire et la caricature ce qu'il critique. Chaque journaliste peut être respecté quand il fait son travail, même s'il heurte des puissances, qu'elles soient financières, étatiques, ou spirituelles. Nous avons tendance à oublier le privilège que constitue cette liberté d'informer et de communiquer. Cet événement nous rappelle sur le sol du pays de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen que ce bien est précieux, qu'il doit nous mobiliser. Par sa violence et son obscurantisme, il doit nous amener à défendre encore plus vigoureusement cette liberté.

Pour cela, notre devoir est d'être solidaires de ceux qui sont tombés, d'aller de l'avant, de bannir la peur d'où qu'elle vienne, et de retrouver la joie d'être ensemble. En tant qu'entrepreneur, notre contribution est de faire vivre cette solidarité, et en tant que banque responsable d'être à l'écoute de tout ce qui permet de recréer du lien entre tous ceux que nous rencontrons, dans notre entreprise comme à l'extérieur. Ainsi le crayon restera plus fort que les fusils, et le bonheur de vivre dans notre République est notre meilleure arme contre ceux qui voudraient voir régner la terreur.