Arnaud Montebourg : jusqu’où ira-t-il ?

ArcelorMittal, Dailymotion, SFR : depuis sa nomination en 2012, le ministre Arnaud Montebourg multiplie les erreurs de jugement. Le dossier Alstom, en revanche, crédibilise des méthodes de contestation toutefois toujours aussi... contestables.
(Crédits : Laurent Cerino/Acteurs de l'Economie)

Oui, quand donc cessera-t-il d'hurler, de promettre, de menacer, d'annoncer ce qu'il est en réalité peu capable voire incapable de mettre en œuvre, c'est-à-dire impuissant ou illégitime à imposer ? La liste des sujets sur lesquels il a échoué, parfois grossièrement, à faire valoir sa position et que le dossier Alstom ponctue, est longue. Et gonfle proportionnellement l'ampleur du discrédit qu'il abat lui-même sur son propre portefeuille ministériel et, au-delà, sur l'ensemble des pouvoirs publics : « on » savait ces derniers en retrait irréversible sur une partie des enjeux macro-économiques et macro-industriels, Arnaud Montebourg en fait la démonstration dans un éclat aussi flamboyant que sa personnalité.

Au point que personne n'est en mesure de distinguer, chez cet expert en communication, ce qui épouse une sincère défense des intérêts industriels français de ce qui résulte d'une quête de reconnaissance ou d'une stratégie d'ascension médiatique aussi nombrilistes qu'irresponsables.

Opprobre

ArcelorMittal ? Il avait promis une nationalisation temporaire, il s'était engagé à faire plier le Pdg indien, il faisait même de ce combat le symbole de la reconquête du terrain industriel par les pouvoirs publics ; Florange fut son premier échec retentissant, d'autant plus cruel qu'il avait entretenu l'espoir chez les 600 salariés frappés par le plan de suppression d'emplois. Dailymotion ? Alors qu'Orange, propriétaire du site de vidéo en ligne, s'apprêtait à le céder à Yahoo, les vitupérations d'Arnaud Montebourg opposé à cette vente au géant américain, scellèrent l'abandon du projet. Et jetèrent l'opprobre sur une méthode interventionniste voire doctrinaire stigmatisée dans les hautes sphères du secteur numérique.   

Affabulatoires

SFR ? Jusqu'au bout, le ministre du Redressement productif fustigera l'offre de Numéricable et vilipendera la personnalité et les méthodes mêmes de son Pdg, Patrick Drahi. Alors que l'ensemble des experts s'accorde sur les dangers que l'offre concurrente de Bouygues fait peser sur les emplois et les équilibres, déjà vacillants, du secteur, Arnaud Montebourg prend faits et causes pour le magnat du BTP. In fine, le conseil d'administration de Vivendi, propriétaire de SFR, ne cèdera rien, et même fera monter des enchères dont les premiers bénéficiaires, via une distribution exceptionnelle de plus de 3 milliards d'euros, seront ceux-là mêmes qu'Arnaud Montebourg place fréquemment au premier rang de ses ennemis : les actionnaires. Point commun de tous ces dossiers ? Une rhétorique tour à tour péremptoire, affabulatoire, incohérente, voire diffamatoire.

Cocu

Et c'est dans ce contexte que surgit le « choc » Alstom. Lequel, tout à la fois consolide les inepties et le sectarisme d'Arnaud Montebourg - notamment un anti-américanisme si primaire qu'il obstrue sa clairvoyance et l'invite à des arbitrages qui en réalité desservent l'intérêt industriel français -, mais aussi met en lumière… une lucidité, une exigence, et une colère à plusieurs égards fondées. Oui, la branche Energie d'Alstom (qui représente 75% de l'ensemble du groupe) est au coeur de métiers et à la jonction d'activités hautement stratégiques justifiant que l'Etat soit particulièrement sensible à son sort… et puisse peut-être mettre son véto.

Oui Alstom doit sa survie à l'Etat en 2004 par le biais d'une nationalisation temporaire, et il doit chaque année au même Etat des commandes publiques qui assurent une part substantielle de son activité. Oui, l'Etat peut s'estimer « cocu » par le groupe Bouygues, qui détient 29% du capital, s'est tu à l'approche de négociations avec General Electric mais avait parfaitement su, quelques semaines plus tôt, pleurer le soutien du même Arnaud Montebourg face à Numéricable. Oui, dans ces conditions, l'Etat peut juger scandaleux d'avoir été mis à l'écart du projet de cession et ainsi placé au pied du mur.

Crédibilité

Pour l'heure, l'« alternative » Siemens ne propose toutefois guère de cohérences industrielles ou d'effectifs, et n'a d'intérêt véritable que de maintenir en Europe un savoir-faire clé - ce qui, à l'approche du scrutin européen qui sanctionnera de bulletins extrémistes chaque départ d'activité française à l'étranger, n'est pas neutre. Les armes dont dispose Arnaud Montebourg pour riposter à une offre de General Electric « industriellement » solide et capitalistiquement sanctuarisée, peuvent-elles suffire ? Les prochaines semaines seront celles du rapport de force, même des chantages réciproques.

L'Etat pèse effectivement sur l'activité d'Alstom, mais General Electric, c'est aussi le moteur d'avion co-fabriqué avec Safran le plus vendu dans le monde, ou encore 10 000 emplois en France. Dans ce combat, Arnaud Montebourg qui multiplie les sorties fracassantes joue une nouvelle fois sa crédibilité. Mais osera-t-il sous la responsabilité de Manuel Valls ce qu'il s'est permis sans limite sous la coupe de Jean-Marc Ayrault ? Ce sera finalement une manière de juger, collatéralement, du "poids politique" et de l'autorité du nouveau Premier Ministre.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires 5
à écrit le 20/05/2014 à 10:36
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Certes, Il utilise ce qu'il peut pour se faire entendre et faire bouger....Mais c'est nous qui sommes responsables de laisser faire et défaire notre bien national pour lequel nous avons largement contribué par nos sacrifices et nos impôts; La financ...

à écrit le 05/05/2014 à 18:04
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Arnaud Montebourg est un politicien de sitcom, digne du niveau des Anges de la téléréalité. Dans ces conditions et vu ses atermoiements, il est complétement inaudible désormais. Et c'est bien dommage car Alstom est une entreprise dans un domaine str...

à écrit le 05/05/2014 à 9:48
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L'article résume parfaitement bien les choses (et encore, je pense même que l'on pourrait rajouter d'autres entreprises à la liste...)

à écrit le 05/05/2014 à 9:38
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Pour faire des erreurs de jugement, encore faut il en être doté et en ce qui concerne MONTEBOURG, cela ne se voit pas.

le 05/05/2014 à 9:48
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Bien dit !

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