Gilles Mondon (Unsa) : "Notre syndicat n'est pas complaisant avec le patronat"

D'après les chiffres divulgués début avril par le ministère du Travail, après la CFE-CGC, l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) est la structure qui enregistre la plus forte progression (+1,9 % à 5,35 %). Le dernier né incarne la recomposition du syndicalisme national, issu de ce dernier scrutin et marqué par la prédominance du bloc des organisations syndicales salariales dites "réformistes". Gilles Mondon, secrétaire régional de l'UNSA Auvergne-Rhône-Alpes, décrypte les résultats de ce dernier scrutin et les enjeux à venir.

Acteurs de l'Economie - La Tribune : Au niveau national, l'UNSA progresse, ainsi qu'au niveau régional, en Auvergne-Rhône-Alpes. Comment expliquez-vous cette progression ?

Gilles Mondon : Sur le plan des chiffres, cette progression s'explique notamment par une forte poussée de l'UNSA dans les TPE où nous avons plus que doublé notre score, ainsi qu'une progression dans les entreprises liée à une présence en hausse. Le résultat des élections TPE est le reflet d'un travail de fond que nous conduisons auprès des salariés des petites entreprises, depuis 20 ans, soit depuis notre création. Nous avons notamment mis en place en 2011 un service gratuit de renseignement à destination des salariés des TPE, car ces derniers sont souvent démunis lorsqu'un problème les oppose à leur employeur, où lorsqu'ils veulent des renseignements liés à leur droit.

Or, lorsque nous assistons ces salariés lors d'un procès au conseil de Prud'hommes, nous nous apercevons que beaucoup de conflits auraient pu trouver une solution par le dialogue. Mais force est de constater que la méconnaissance des règles de la part des salariés comme des employeurs de ces petites structures d'ailleurs, conduit à des situations où les positions se cristallisent au fil du temps et aboutissent à des positions extrêmes. Or, si l'on agit à temps, en instaurant une vraie négociation, on parvient souvent à trouver un accord.

L'UNSA est donc le syndicat des TPE ?

Pas du tout, l'UNSA est le syndicat de tous les salariés, du privé comme du public, des grandes comme des petites entreprises. Tout le monde a le droit d'être représenté par l'UNSA. Un regard sur les chiffres le prouve. Nous gagnons 62 000 voix au niveau national dont 6 000 dans les TPE. Cela signifie que nous progressons aussi dans notre présence dans les entreprises, même si nous avons encore du chemin à faire pour que l'ensemble des salariés connaisse notre offre syndicale atypique.

Cette audience montre que nous ne laissons tomber personne, mais il y a un travail à faire dans les petites entreprises et nous sommes aujourd'hui les seuls à véritablement agir à ce niveau, comme le montre notre score chez les assistantes maternelles où nous gagnons notre représentativité dépassant toutes les confédérations parmi lesquelles seule la CGT reste représentative. Nous assumons ce choix et il s'incarne par des victoires majeures. Par exemple pour les architectes où nous sommes le 2e syndicat de la branche avec plus de 20 %, nous avons pu négocier des augmentations de salaires.

C'est ce type de syndicalisme pragmatique que nous voulons incarner. Si nous assumons notre positionnement fort auprès des TPE, ce choix ne se fait pas au détriment des salariés des grandes entreprises, où des sections syndicales UNSA se créaient tous les jours. Ainsi, dans la région, ces dernières semaines, nous avons enregistré la création d'une section syndicale chez Aoste, chez Evian, chez SNF (Andrézieux-Bouthéon), mais aussi chez Nestlé (Veauche) et encore chez L'Oréal Cosmétique Active (Vichy). Cette progression dans le secteur privé et les entreprises est illustrée par le fait que maintenant, les salariés du secteur privé apportent désormais plus de voix à l'audience de l'UNSA que ceux de la fonction publique, même s'il n'est pas question de les opposer.

Le changement des modes de calcul des "audiences" syndicales vous permet aujourd'hui de revendiquer une représentativité dans certains secteurs, lesquels ?

Nous gagnons effectivement une représentativité dans un nombre important de branches notamment des branches très importantes (ouvriers du bâtiment, travail intérimaire, officines de pharmacie, sans oublier la plus grosse convention collective : celle des salariés des particuliers employeurs). Le paysage des branches professionnelles a été revu par le gouvernement. Une centaine a été supprimée car elles ne correspondaient plus à la réalité du monde du travail. De fait, le vote des salariés place l'UNSA comme représentative dans 86 branches professionnelles sur 458, alors que lors de la période précédente, de 2009 à 2012, elle était représentative dans 81 branches sur 555.

Finalement assez peu et loin de la représentativité interprofessionnelle ?

Certes, nous n'atteignons pas les 8 % qui permettent de prétendre la représentativité interprofessionnelle, le chemin sera long, mais nous sommes désormais en mesure de négocier pour un quart des salariés, ce qui n'est pas si peu. Il faut prendre la mesure de ces chiffres à l'aune de l'histoire de l'UNSA qui n'a été créée qu'en 1993, et du fait que nous ne pouvons librement nous présenter aux élections dans les entreprises que depuis fin 2008, date de la fin du monopole des confédérations. Cela prouve que le positionnement et le travail de l'UNSA ont trouvé un véritable écho favorable auprès des salariés de ce pays en quelques années seulement. Cela renforce notre motivation pour aller plus loin.

Justement, le positionnement de l'UNSA est plutôt modéré, celui de la CFDT et de la CFTC même celui de la CGC aussi. Autrement dit, nous assistons à une recomposition du paysage syndical qui laisse penser que le syndicalisme français est aujourd'hui moins offensif, donc plus consensuel avec le patronat. Est-ce à dire que les salariés et les agents de la fonction publique doivent s'attendre à ce que les syndicats, en particulier l'UNSA, lâchent du lest sur les acquis, et sur les négociations à venir ?

Certainement pas. Je ne peux pas répondre pour les autres syndicats. L'UNSA n'est pas le numéro 1 bis de la CFDT ou d'un autre, nous sommes libres, "autonomes" comme nos militants aiment à le rappeler. Une chose est certaine, au sein de l'UNSA, oui nous portons un syndicalisme de dialogue et de négociation, mais c'est justement comme cela que nous faisons avancer les droits des salariés et des agents du public. C'est une politique de petits pas, à l'inverse des politiques de postures, mais c'est une politique efficace. Si nous avions abordé les négociations de branche avec les représentants des employeurs de l'architecture en tapant sur la table et en refusant le dialogue ou en exigeant 10 % d'augmentation, nous ne serions jamais parvenus à obtenir des accords sur les salaires.

Et je pourrai multiplier ces exemples. La négociation que nous pratiquons demande de l'écoute, mais elle n'est pas complaisante avec le patronat et elle porte ses fruits pour les salariés.

La nouvelle hiérarchie des normes issue de la loi El Khomri rebat les cartes des négociations en entreprise. Comment abordez-vous ce changement ?

De façon générale, la loi El Khomri est votée, mais les décrets ne sont pas encore tous publiés, donc nous entendons être vigilants sur certains points qui nous semblent positifs comme le compte personnel d'activité, la garantie jeune ou la lutte contre le travail illégal en matière de travail détaché. D'autres points comme la majoration des heures supplémentaires devront faire l'objet d'une grande vigilance de la part de nos négociateurs, qu'ils soient en entreprise ou au niveau de la branche.

Il faudra donc être extrêmement attentif à la façon dont seront formulés les accords de branches, puisque la loi renvoie aussi à un dialogue social de branches. Ce changement de niveau de négociations quand il se situe à l'échelle des branches, nous semble pertinent. Nous pensons que les négociations de branches permettent de gommer les effets de concurrence déloyale. En effet, aujourd'hui, au sein d'une même branche, certaines entreprises proposent des conditions de travail et de salaire bien plus favorables que d'autres, cela créait une distorsion qui est dangereuse, car elle fragilise l'ensemble du secteur. La branche est donc le bon niveau pour négocier, même si cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas y avoir d'accords d'entreprise.

Vous êtes donc favorables à la fin des accords interprofessionnels ?

Ce point mérite une réponse fondée sur un constat et non pas sur des postures. On voit bien aujourd'hui que l'on n'est pas, que l'on est plus, sur une culture de négociations interprofessionnelles. Regardez les récentes discussions sur l'Unedic par exemple, elles ont du mal à aboutir à une solution pérenne. De fait, au final, l'Etat a tendance à se poser en décideur et l'on n'obtient guère, pour ne pas dire pas, de valeur ajoutée pour les salariés.

Dans le même temps, on voit bien que les partenaires sociaux trouvent plus facilement des accords au niveau des branches, il faut donc privilégier cette échelle pour négocier et faire avancer les droits des salariés. Cela ne signifie pas que nous ne parviendrons pas à négocier d'accords interprofessionnels à l'avenir.

D'ailleurs, la réforme de la représentativité patronale qui sera effective cette année permettra peut-être, de prendre un nouveau départ en matière de dialogue social. Pour l'UNSA les 3 niveaux de négociation interprofessionnelle, branche, entreprise sont pertinents, mais nous sommes vigilants pour que ces négociations soient utiles et efficaces pour les salariés, aboutissent sur du concret.

Au plan régional, on a vu l'UNSA monter au créneau sur la réorganisation de la région Auvergne Rhône-Alpes. Quels sont les points qui vous préoccupent au sein de cette collectivité ?

S'il faut aller à l'essentiel, le point de préoccupation de notre syndicat UNSA Territoriaux, - 1er syndicat de la collectivité - il s'agit malheureusement d'une absence de dialogue avec le nouvel exécutif. Alors que nous sommes précisément dans une situation où nous avons besoin de dialogue pour passer le cap de la fusion des deux régions et de la réorganisation des services. Nous avons multiplié les propositions, demandé des discussions et nous nous heurtons à un président dogmatique qui refuse d'entendre le malaise des agents et les propositions de l'UNSA et d'ailleurs, des autres syndicats.

Cette position n'est plus tenable, c'est pour cela que nous avons pris nos responsabilités et appelé à la grève. Nous constatons, d'ailleurs, un blocage similaire du dialogue social avec la ville de Lyon.

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