Parcs régionaux : pourquoi leur rôle (et leur gouvernance) sont pointés par la Chambre régionale des comptes

Auvergne Rhône-Alpes est une région fortement dotée de parcs naturels régionaux. Chargés de la protection du patrimoine naturel et du développement du territoire, ces parcs possèdent une force d’ingénierie et des savoir-faire clés dans un contexte de crise climatique et de perte de biodiversité, mais ils sont contraints dans leurs actions par une gouvernance lourde, des moyens financiers déjà limités qui tendent à la baisse, comme le pointe le dernier rapport de la Chambre régionale des comptes. Explications.
Les compétences d'ingénierie que peuvent mobiliser les parcs naturels régionaux sont reconnues par la Chambre régionale des comptes, mais celle-ci pointe un manque de moyens et de coordination, dans un contexte où les espaces naturels sont déjà confrontés à la crise climatique et à la perte de biodiversité.
Les compétences d'ingénierie que peuvent mobiliser les parcs naturels régionaux sont reconnues par la Chambre régionale des comptes, mais celle-ci pointe un manque de moyens et de coordination, dans un contexte où les espaces naturels sont déjà confrontés à la crise climatique et à la perte de biodiversité. (Crédits : DR)

Un quart du territoire d'Auvergne Rhône-Alpes est inclus au sein d'un parc naturel régional (PNR), ce qui en fait la région de France la plus dotée en la matière. Elle en compte actuellement dix, qui regroupent 814 communes.

En tant que composante importante du territoire, la Chambre régionale des Comptes Auvergne Rhône-Alpes (CRC AuRA) s'est donc penchée sur la gestion de sept d'entre-eux. "Ils font des actions utiles, mais on voit bien une limite financière et de leur gouvernance", résume Bernard Lejeune, président de la CRC AuRA.

Une gouvernance à améliorer

En termes de missions, les PNR assurent la protection et la gestion du patrimoine naturel et culturel (34% de leurs ressources), le développement économique et social (32% des ressources), l'accueil, l'éducation et l'information du public (19% des ressources), l'aménagement du territoire (11% des ressources) et l'expérimentation et la recherche.

Soit tout autant de champs d'actions qui sont parfois amenés à croiser ceux des intercommunalités. "Les PNR sont aujourd'hui confrontés à un risque de chevauchement de compétences ou d'actions sur un même territoire qui rend nécessaire leur articulation dans un souci de cohérence", note la CRC AuRA. Certains parcs comme ceux  d'Ardèche ou du Vercors ont par exemple mis en place des outils de gestion, pour travailler plus en collaboration avec les intercommunalités.

Aussi, dans la gestion de l'aménagement du territoire, les PNR ne sont pas non plus associés par la Région, qui est en charge du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET).

La gouvernance est l'un des points d'améliorations pointés tout particulièrement par la chambre : car les PNR sont gérés par des syndicats mixtes qui peuvent regrouper beaucoup - voire trop de monde. "Dans le parc des Monts d'Ardèche, il y a 148 délégués autour de la table : c'est une lourdeur pour piloter le dispositif", souligne Bernard Lejeune. Une lourdeur qui peut donc ralentir le fonctionnement du parc. Il n'y a pas non plus de statuts type concernant leur gestion : les élus n'ont pas le même poids d'un parc à l'autre.

Aussi, en plus de dépendre d'un surnombre de délégués, "le syndicat mixte du PNR est administré par un comité syndical qui est l'organe délibérant, renouvelé après chaque élection locale." Un renouvellement qui implique encore de nouvelles procédures lourdes.

Des ressources de plus en plus contraintes

Même s'il y a beaucoup d'élus autour de la table, certains sont plutôt absents. "la Région est parfois absente dans le dispositif", alors que c'est "un acteur majeur", note Bernard Lejeune. "Elle intervient et finance mais n'utilise peut-être pas assez ces dispositifs." Il n'y a d'ailleurs pas de convention-cadre entre elle et l'ensemble des PNR.

Il existe toutefois des contrats de parc, "dont les objectifs sont très généraux et peu précis quant aux actions qu'elles sous-tendent", selon la CRC AuRA. Certains peuvent par exemple assumer des missions de protection de l'eau, piloter des programmes Natura 2000 ou encore gérer un musée.

L'enjeu croise également la question du politique :

Entre 2015 et 2016, la Région a notamment baissé son enveloppe financière destinée aux PNR, passant de 10,2 millions à 8,6 millions d'euros. Sachant que la Région "contribue en moyenne à hauteur de 40% de leurs budgets". Une volonté de baisser les financements récurrents qui s'est justifiée "au profit des financements de projets et des investissements."

Et cela, alors que le président de Région, Laurent Wauquiez, a annoncé en juillet dernier sa volonté de cesser le financement régional des zones Natura 2000, arguant d'une diminution de 20% des financements européens FEADER (Fond Européen Agricole pour le Développement Rural) qui conduit la Région à reventiler les aides restantes aux agriculteurs. La mesure doit encore être votée au budget 2023, et Auvergne Rhône-Alpes deviendrait ainsi la seule région à couper entièrement ce financement aux espaces Natura 2000. 150 à 200 emplois pourraient être supprimés, selon les associations de défense de l'environnement.

En 2015-2016, les PNR se sont adaptés malgré tout : "les parcs ont été agiles, mais ils font moins d'action", note Bernard Lejeune. Dans les Vosges ou le Pilat, par exemple, cette baisse s'est traduite par la fin de certains contrats. Actuellement, 223 agents travaillent dans les PNR, soit environ une vingtaine par bureau, dont "beaucoup de cadres, ce qui fait une force d'ingénierie importante pour les territoires ruraux".

Les PNR "ont l'agilité et le savoir-faire, on pourrait les exploiter d'avantage. C'est un outil qui mériterait un engagement plus fort", rappelle pour sa part Bernard Lejeune.

Peu de pouvoir juridique

A noter que le PNR se distingue d'un parc naturel national. Le droit urbain "normal" s'applique dans le premier cas, contre le droit d'urbanisme protecteur, dans le second. Les PNR n'ont finalement pas d'outils juridiques pour faire appliquer leurs feuilles de route.

"Les acteurs ont des engagements qui ne vont pas s'appliquer juridiquement", souligne Virginie Lobbedey, magistrate à la CRC AuRA. L'application de la ligne de conduite dépend, à la fin, des collectivités. "Les moyens dépendent de la volonté locale", note Bernard Lejeune.

Ils n'ont donc pas non plus de moyen de police. La protection du patrimoine est la mission qui occupe le plus les PNR, mais il n'y a toutefois pas de "réglementation spécifique en matière de protection du patrimoine naturel. Ils n'ont pas de pouvoir d'interdiction, de police ou de contrôle et en dehors du Vercors et de la Charteuse, aucun PNR ne dispose de gardes assermentés."

Sur des projets de carrière ou d'éolien, l'avis des PNR n'est que consultatif. Mais il est arrivé qu'un PNR arrive à faire valoir sa cause, au prix d'une action en justice.

"Dans le Pilat, le PNR a été amené à émettre un avis consultatif négatif sur le projet d'extension de la carrière de Saint-Julien-Molin-Molette, visant à extraire 165.000 tonnes par an, sur une surface de 28 hectares." Le projet a été autorisé par le préfet mais "compte-tenu de l'objectif de préservation des ressources et de protection de la biodiversité figurant dans sa charte, et face aux nuisances induites par l'afflux de poids lourds, le syndicat mixte a déposé un recours devant le tribunal administratif". Et ce dernier a annulé l'arrêté du préfet.

Malgré l'impossibilité d'agir juridiquement, certains PNR montent des actions de médiation. C'est le cas par exemple dans le Vercors et les Beauges où les agents du PNR ont porté un "Plan Loup" avec les acteurs locaux permettant de "rétablir un dialogue, pourtant difficile" et "de proposer des innovations acceptées par tous, comme l'introduction d'une nouvelle race de vache plus offensive en cas d'attaque."

Des exemples d'actions, qui montrent l'ingénierie que peuvent mobiliser les PNR, mais qui manque donc de moyens et de coordination, surtout au vu de la crise climatique et de la perte de biodiversité.

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