[La montagne, l’or vert de demain 2/5] Comment les acteurs de la montagne s’organisent pour sauver leur saison d’été

[Série d'été / Reportage] Alors que l’ensemble des massifs alpins semblent avoir bénéficié de la période post-confinement en misant sur la soif de grands espaces, la saison estivale 2020 pourrait raisonner comme un coup de pouce inespéré au tourisme hexagonal et montagnard. Plusieurs acteurs se prennent même à espérer que ces marqueurs puissent demeurer à l’issue de la crise. Avec, comme enjeu, un meilleur équilibre des saisons à esquisser, et des pistes de réflexions engagées dès cet été.
En misant sur l'appétence pour les activités outdoor, l'une des pistes qui émergent aujourd'hui au sein des stations alpines serait d'en profiter pour rallonger, de quelques semaines, la durée de leur saison estivale.
En misant sur l'appétence pour les activités outdoor, l'une des pistes qui émergent aujourd'hui au sein des stations alpines serait d'en profiter pour rallonger, de quelques semaines, la durée de leur saison estivale. (Crédits : DR/TristanShu/AuvergneRhôneAlpesTourisme)

Alors que la dernière enquête commandée par l'agence Auvergne Rhône-Alpes Tourisme à Novamétrie mettait en exergue la forte inquiétude des professionnels, la nécessité d'une relance durable à la fois sur la saison d'hiver et d'été est partagée parmi les acteurs de la montagne alpine. Ils étaient même trois sur cinq à estimer que la crise sanitaire pourrait mettre en péril leur activité d'ici à 2020.

Bien que l'agence Auvergne Rhône-Alpes Tourisme fasse partie "des plus optimistes" selon ses propres dires, en espérant un retour de l'activité au niveau d'avant crise dès 2022, cette reprise tant attendue ne se fera pas seule.

L'agence régionale a d'ores et déjà annoncé qu'elle allait consacrer 4,4 millions d'euros à un plan "de transition", comprenant à la fois un large volet de communication, autour de la marque Renaître ici, lancée il y a trois ans. Mais également une campagne thématique, qui mettra en exergue plusieurs ambiances (arts de vivre, gastronomie, city break) associées aux différentes périodes (été, été indien et saison d'hiver) à venir.

"Les hausses de fréquentation enregistrées s'expliquent à la fois par l'envie des clients de s'aérer, mais aussi par une offre mieux packagée, ainsi que par des campagnes marketings renforcées", estime Alexandre Chalençon, directeur de l'office du tourisme Belledonne Chartreuse.

Pas de low-cost, mais valoriser les atouts

Bien que la montagne ait besoin de faire le plein, ses principaux acteurs n'ont pas pour autant choisi un positionnement low-cost. Bien au contraire : "D'après une étude que nous allons mener auprès des stations, seuls certains professionnels ont fait le choix d'adapter leurs offres en fonction de la crise. Parmi eux, la moitié ont joué sur les prix, quand d'autres ont proposé de nouvelles offres packagées en prenant en compte les aspirations des touristes", remarque Lionel Flasseur.

Reste que selon lui, les stations n'ont cependant pas eu tellement besoin de convaincre leur clientèle. Et pour cause : "les activités proposées habituellement en montagne l'été correspondaient déjà très bien aux aspirations du moment des clients qui rêvaient de grands espaces, de sport ou d'espaces nautiques avec un grand nombre de lacs de montagne", affirme Lionel Flasseur.

Le cap vers les activités outdoor

Située au coeur du massif de la Chartreuse (38), la station du Col de Marcieu a par exemple entamé depuis plusieurs années une stratégie de diversification vers des activités outdour et toutes saisons (parcours accrobranche, swing-golf, tyrolienne, grand espace ludique, etc) qui devrait lui servir cet été.

Malgré un fort niveau d'investissement ayant nécessité une enveloppe de 650 000 € sur plusieurs années, l'effort semble avoir déjà porté ses fruits puisqu'en l'espace de quinze ans, son chiffre d'affaires annuel est passé d'environ 20 000 € à 180 000 € par année. "Aujourd'hui, cette station réalise déjà un plus grand chiffre d'affaires l'été que l'hiver", affirme Alexandre Chalençon, directeur de l'office du tourisme Belledonne Chartreuse.

Même esprit à la station des 7 Laux, en Isère également, où les activités liées au VTT de descente se sont progressivement élargies au fil des années.

"Les pratiquants utilisaient au départ les remontées mécaniques pour se rendre en haut des sentiers, mais la station s'est rapidement aperçue qu'elle devait également développer d'autres types de sentiers et d'activités, plus accessibles pour séduire la clientèle estivale", note Alexandre Chalençon.

Avec, parmi elles, la mise en place d'une série d'itinéraires dédiés aux vélos à assistance électrique en direction des villages de la vallée, s'adressant à un plus large public.

Le pari des influenceurs et des jeunes

Alors que l'offre était déjà là, l'office de tourisme régionale n'a eu qu'à la faire connaître davantage : "Nous avons par exemple invité la semaine dernière une petite trentaine d'influenceurs afin de leur faire vivre des expériences en montagne, qu'ils ont pu retransmettre à leurs internautes", indique Lionel Flasseur.

Une stratégie qui correspondait également bien à la volonté de développer la clientèle de moins de 25 ans. "Les jeunes représentent habituellement 15 % de la clientèle de montagne, et ont même diminué de moitié entre 2005 et 2015. Nous avions commencé à remonter la barre, en misant notamment sur l'événementiel avec l'organisation de concerts en montagne, mais c'était avant la crise du Covid-19", souffle Lionel Flasseur.

A noter que certains stations s'en sortaient, sur ce terrain, mieux que d'autres grâce à des investissements adaptés, sur le terrain des équipements outdoor notamment. C'est le cas de la station savoyarde des Arcs, qui a lancé depuis plusieurs années un pass multiactivités, qui enregistre près de 100 000 visiteurs par été.

"Nous recevons une clientèle assez jeune, à dominante sportive, mais également des familles grâce à notre pass qui donne accès à une trentaine d'activités pour petits et grands", confirme Eric Chevallier, directeur de l'Office du tourisme des Arcs, qui est aussi l'une des rares stations à où la saison d'été représente, en seulement 8 semaines, près de 20% des nuitées annuelles.

Un enjeu : faire durer l'été

En misant sur l'appétence pour leurs activités outdoor, l'une des idées qui émergent aujourd'hui au sein des stations serait même d'en profiter pour allonger, de quelques semaines, la durée de leur saison estivale.

La station des Arcs y songe par exemple déjà, ne serait-ce que pour l'été prochain : "On ne peut pas dire que l'on gagne forcément beaucoup d'argent l'été, mais cela permet de pérenniser les emplois, de payer les loyers, d'équilibrer une saison sur 7 mois au lieu de 5", résume Eric Chevalier.

Avec, également en ligne de mire, une meilleure optimisation de la fin de saison sur le mois de septembre, qui pourrait permettre aux massifs alpins de lisser le pic d'activité et de pérenniser leurs emplois saisonniers.

"Le fait que la saison ait pris un peu de temps à démarrer jusqu'à mi-juillet, le temps que les gens se rassurent à partir, fait que l'on pourrait observer un décalage avec des réservations jusqu'à septembre", observe à son tour Lionel Flasseur.

Cependant, les regards des stations commencent déjà à se tourner vers une autre échéance, déterminante pour leur modèle : à savoir, le coup d'envoi de la saison d'hiver, dont dépend encore une majeure partie de leur chiffre d'affaires annuel.

Une saison d'hiver qui inquiète déjà

Et sur ce point, les inquiétudes se multiplient : en plus des craintes concernant la possibilité d'une seconde vague à l'automne, les stations de sport d'hiver s'inquiètent déjà des conditions d'accueil de la clientèle étrangère, qui demeure un moteur de croissance non négligeable pour un certain nombre de stations alpines.

"Les départements de Savoie et Haute-Savoie totalisent près de 66,7 millions de nuitées réalisées chaque année, dont 61% en hiver. Avec, parmi elles, 35% de nuitées réservées par les touristes étrangers", précise Claudie Blanc, directrice générale de Savoie Mont-Blanc Tourisme. Un chiffre qui atteint même les 40% pour la station savoyarde des Arcs par exemple.

Or, le voyant rouge s'allume déjà pour certains pays comme la Grande-Bretagne, encore fortement touchés par le Covid-19, ainsi que par des incertitudes réglementaires quant à l'entrée en vigueur du Brexit, qui doit intervenir fin 2020.

"On peut encore espérer une amélioration sur les marchés principaux que sont la Belgique, la Grande-Bretagne, et les Pays-Bas. Mais quid de ce qu'il va se passer pour la clientèle des moyen-courrier issus de la Russie, de l'Ukraine, etc ?", s'interroge Eric Chevalier. Les voyants, jusqu'ici au vert, pourraient bien repasser à l'orange dès la fin de la saison d'été.

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