
À l'avant du cortège, les lycéens et étudiants avancent au rythme du slogan "On s'arrête pas, on continue le combat". Tel qu'initialement prévu, les 7 000 manifestants - 50 000 estimaient les organisateurs en cours de manifestation - descendus dans les rues de Lyon cet après-midi auraient dû poser drapeaux et banderoles place Jean-Macé (Lyon 7e), terminus prévu du parcours.
Mais environ un millier en a décidé autrement. En dépit des demandes policières, ces manifestants ont continué leur route le long de l'avenue Jean-Jaurès, souhaitant regagner la place Bellecour (Lyon 2e), lieu de départ de la manifestation. Des échauffourées ont alors éclaté avec les forces de l'ordre. La place centrale de Lyon était encore cernée par la police à l'heure du bouclage de cet article.
Contre la réforme
En début d'après-midi, les manifestants s'étaient pourtant rassemblés dans le calme, place Bellecour, à l'appel de syndicats, comme la CGT ou l'Unef, de partis politiques, tels que le NPA ou le Parti de gauche, pour protester contre le projet de réforme du code du travail porté par la ministre Myriam El Khomri.
Ce projet devait initialement être présenté au conseil des ministres ce 9 mars, mais l'échéance a finalement été repoussée au 24, face aux multiples oppositions syndicales et politiques. Sur internet, une pétition contre le projet de loi a recueilli plus d'un million de votes.
Licenciements économiques
"Cette proposition de loi ne nous convient pas du tout. Vous voulez savoir pourquoi ? À cause de l'allongement du temps de travail, du plafonnement des indemnités prud'homales, de la plus grande facilité donnée aux licenciements économiques...", fustige Joao Pereira Afonso, secrétaire général de l'union départementale de la CGT Rhône, les yeux cachés derrière des lunettes de soleil, malgré un ciel voilé. Vêtu de son gilet aux couleurs du syndicat, rouge et jaune, il explique que ce dernier sujet lui tient plus particulièrement à cœur :
"J'ai longtemps travaillé dans une entreprise, Ontex, basée à Villefranche-sur-Saône. Puis j'ai été licencié pour raisons économiques. Je suis allé aux prud'hommes pour contester. Et nous avons gagné, car l'entreprise n'a pas pu justifier une mauvaise santé économique."
"J'ai peur pour mon avenir"
En ce début de rassemblement, l'ambiance est plutôt détendue. Les paroles d'une chanson résonnent : "Si comme moi tu penses qu'il faut se radicaliser contre l'ordre établi, appelle-moi camarade." Des étudiants dansent. D'autres discutent.
Aliénor se situe non loin de là. Cette étudiante en première année de master d'histoire à Lyon 2 travaille dans le cadre de ses études sur l'histoire ouvrière. Alors cette manifestation a forcément un écho pour celle qui s'était aussi engagée lors du CPE, il y a tout juste dix ans.
À l'époque, lorsque le mouvement de contestation a réellement pris de l'ampleur, le nombre de manifestants étaient semblable à celui de ce jour. Quinze jours plus tard, ils étaient entre 20 000 et 30 000 à défiler dans les rues de Lyon.
"Je milite, car j'ai peur pour mon avenir, explique Aliénor, mais aussi pour celui de ceux qui n'ont pas la chance de faire des études. À partir du moment où on a des idées, il faut se mobiliser."
Une vision que partagent Ève et Jasmine. Alors que la foule s'épaissit sur la place, que les premiers drapeaux commencent à se lever et les premières banderoles à se mettre en place, les deux étudiantes de 19 ans, elles, chantent. Aujourd'hui, c'est la première fois qu'elles manifestent.
"On se sent davantage concernées maintenant que nous sommes dans l'enseignement supérieur. Ça ne sert à rien d'étudier si c'est pour ne pas pouvoir exercer dans de bonnes conditions", entonnent-elles d'une même voix.
Sur son tee-shirt blanc, Ève a inscrit au marqueur rouge "Loi du travail, non merci".
"Manu, t'es foutu"
Dans le cortège , les slogans s'enchaînent. "Retrait, retrait du projet de loi", "Les Khomri, ça suffit", "El Khomri, nous on pleure". Quentin lui crie : "Manu, t'es foutu, la jeunesse est dans la rue".
Pour ce membre de l'Unef, ce projet de loi "nous met en difficulté alors même que nous ne sommes pas encore entrés sur le marché du travail, explique-t-il, tout en continuant à clamer les slogans, drapeau à l'effigie du syndicat étudiant à la main. Il va à l'encontre de ce que doit faire un gouvernement de gauche."
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