1001 repas ne manque pas d'appétit

En misant sur le retour aux fondamentaux du métier de cuisinier, l’acteur lyonnais de la restauration collective affiche une croissance de 7 à 10% par an depuis sa création. Plus petit des grands acteurs du secteur et plus grand des petits, 1001 repas ambitionne de tripler son activité d’ici dix ans.

Demander à Jean-Frédéric Geolier d'évoquer la stratégie de 1 001 repas l'amène à remonter à ses racines : une grand-mère cantinière, cuisinière hors pair qui supportait mal de voir
revenir les assiettes pleines. Autant dire, l'amour du bon et du simple, mais avec de vraies valeurs. "J'aime la cuisine, j'aurais souhaité en faire mon métier, si mon père ne m'avait pas poussé vers le baccalauréat", s'exclame le Pdg du numéro 8 de la restauration collective en France. A défaut d'embrasser le métier de cuisinier, une expérience professionnelle chez un major des SRC (Sociétés de restauration collective) pousse ce nostalgique à renouer avec sa passion. "J'étais convaincu que le bien manger avait sa place sur ce marché, même si je ne pense pas que mes concurrents font mal leur métier. Simplement, je pensais qu'en mettant en avant la proximité d'une PME conjuguée à la structuration d'un grand groupe, nous pouvions
offrir une véritable qualité gustative", résume Jean-Frédéric Geolier.

 

Offre locale

Ce nouvel acteur de la restauration collective, né en 1997, détonne donc d'abord par son organisation. Pas de vastes salles aseptisées où s'affèrent des centaines de petites mains. Au siège du groupe qui compte aujourd'hui 600 personnes et sert quelque 55 000 repas par jour, seuls les services centraux sont représentés. Pour entrer dans le coeur du métier de 1 001 repas, il faut se rendre dans les restaurants d'entreprises, d'écoles et autres établissements de santé servis par 1001 repas. 256 sites de Limoges à Chamonix et de Montélimar à Dijon en passant par l'Ile-de-France. De véritables restaurants, au sein desquels chaque chef
dirige sa brigade, élabore ses menus, participe au service et fait le tour des convives en fin de repas. Seules deux cuisines dites centrales, capables de confectionner plus d'un millier de repas, sont en activité pour servir des petits établissements au sein desquels il est impossible de travailler sur site. Mais leur fonctionnement reste rigoureusement identique à celui des restaurants implantés chez les clients. "Nous présélectionnons des fournisseurs locaux auprès de qui nos chefs s'approvisionnent, ce qui nous permet de garantir une traçabilité totale des matières premières et une qualité élevée. Ensuite, chacun est libre de confectionner les plats qu'il souhaite", explique Jean-Frédéric Geolier. Majoritairement issus de la restauration traditionnelle, les chefs "1001 repas" se forment régulièrement à l'Institut Paul Bocuse. Il faut dire que la créativité et la qualité constituent la valeur ajoutée du groupe lyonnais. "Les approvisionnements me coûtent un peu plus cher que ceux de mes
concurrents et j'ai certainement aussi des frais de structure un peu plus élevés que si je centralisais l'ensemble des fabrications", concède le Pdg qui veut croire que si son groupe remporte de plus en plus d'appels d'offres c'est en raison de son "approche novatrice de ce métier". 

 

La marge vient du nombre

Une approche pourtant difficile à imposer, reconnait celui qui a dû batailler pour conquérir ses premiers clients. "Pendant 18 mois, nous n'avons rien signé, notamment parce que les clients potentiels étaient en attente de références. Puis dès lors que trois premiers établissements scolaires nous ont fait confiance, nous avons pu montrer que la norme n'était pas forcément celle imposée sur le marché. Comme nous avions construit une structure capable de nous permettre de tenir nos promesses, la qualité et le goût ont fait la différence", se souvient Jean-Frédéric Geolier qui a toutefois perdu 224 000 euros sur son premier exercice. Mais très vite, son intuition s'est révélée bonne. "J'avais la conviction que le marché était en attente d'une autre offre. J'avais aussi une certitude : chaque fois que vous construisez sur la qualité, vous pouvez devenir concurrentiel puisque la qualité est un facteur déterminant pour conquérir de nouveaux clients". Ainsi, en moyenne lorsque 1001 repas succède à l'un de ses concurrents, la fréquentation augmente d'environ 20 % en un an.
Suffisamment pour trouver sa marge et poursuivre le développement du groupe qui affiche aujourd'hui 31 millions d'euros de chiffre d'affaires.

 

De la croissance sinon rien

Car désormais, il s'agit de passer à la vitesse supérieure pour rester en vie et indépendant.
"J'ai en face de moi des Goliath, et si je veux pérenniser mon groupe, celui-ci doit posséder
une taille beaucoup plus importante : trois fois plus sous 10 ans", anticipe le dirigeant. Avec lucidité car le dernier rapport sur le secteur réalisé par le cabinet Xerfi prévoit des perspectives de croissance modestes pour les SRC. "Dans l'enseignement, les établissements et les municipalités auront du mal à faire passer des hausses de prix auprès des familles. Et dans la santé, si l'heure est à la chasse aux coûts dans le public, la constitution de puissants groupes dans le privé risque de nuire aux SRC. Il faudra patienter jusqu'en 2015 avant de retrouver un rythme de progression significatif de leur activité autour de 2,5 % en volume et 4,5 % en valeur", estime Isabelle Senand, auteur de cette étude rendue publique en avril. D'ici là, 1 001 repas compte bien pousser ses pions principalement en région parisienne et peut-être à l'étranger. "Je regarde la Chine", confie Jean-Frédéric Geolier qui privilégie la croissance interne pour parvenir à ses fins. Reste que le développement ne se fera pas à n'importe quel prix. Car Jean-Frédéric Geolier est formel : "Créer de la richesse ne revient pas forcément à créer de la marge". Il entend donc profiter des 2 à 3 % de rentabilité que dégage son activité chaque année d'abord pour maintenir un niveau de qualité élevée, ensuite pour partager et enfin pour améliorer les conditions de travail de ses équipes. "Si un client me demande plus de produits bio ou label rouge, s'il souhaite que je baisse le prix d'un repas, je fais en sorte d'y parvenir. L'embauche des personnes en rupture sociale, de travailleurs handicapés, tout comme le soutien à des associations caritatives et humanitaires font aussi partie de nos priorités. Enfin, je veux supprimer les signes de pauvreté au sein même de l'entreprise. Nous avons déjà mis en place de la participation, une mutuelle et d'autres mécanismes; maintenant je cherche à accroître nos marges qui sont basses dans notre profession, compte tenu de nos modèles économiques, pour avoir les moyens de mettre fin à de telles situations". Rodé à relever les défis économiques, Jean-Frédéric Geolier préfère de loin parvenir à lever les barrières sociales et les inégalités. D'ailleurs lorsqu'il a rencontré pour la première fois Soeur Emmanuelle, avec qui il souhaitait partager la réussite de 1 001 repas, cette dernière lui a de prime abord répondu : "En quoi peux-tu m'aider avec ta boustifaille?". Depuis, 1001 repas soutient l'association Asmae et Jean-Frédéric Geolier a accroché dans son bureau un portrait de Soeur Emmanuelle, pour lui rappeler qu'aucun défi n'est perdu d'avance. Donc, il les multiplie!

 

Par Françoise Sigot. 

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