Négation du risque

Article 5 de la Charte de l'Environnement, intégrée à la Constitution : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédure d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

Difficile de faire le moindre reproche au principe du... Principe de Précaution. Apparu au début des années 70 lorsque les pays scandinaves s'émouvaient des possibles dégâts environnementaux provoqués secrètement en Mer du nord par les autorités soviétiques, il est une réponse à l'irresponsabilité humaine, à laquelle l'évolution des mondialisations, l'impuissance croissante des Etats à endiguer les risques industriels, l'enjeu climatique, et les découvertes technologiques aussi extraordinaires qu'inquiétantes donnent une dimension planétaire et une réalité insaisissable. Preuve de l'ampleur de la menace, ce PP a d'abord été établi au plan international avant de s'enraciner dans les législations continentales et nationales. Aux yeux de François Guery, professeur de philosophie, l'application du PP constitue une action « impérieuse, radicale, courageuse, qui est toujours à la mesure du mal redouté».
Seul revers, mais de taille, il répand de manière tentaculaire une logique anticipatrice et précautionneuse, qui tout à la fois dissuade dé risquer, judiciarise, et, dans un mouvement de déplacement vers « l'autre » - l'Etat, la hiérarchie, le représentant de l'autorité -, déresponsabilise. « PP c'est le Principe du Parapluie » résume Dominique Steiler, directeur du Centre « développement personnel » de Grenoble EM. Car toute atteinte à la dynamique du risque anémie ce qui lui est consubstantiel : la responsabilité individuelle. Les dégâts du PP irradient jusque dans le comportement individuel et dans l'entreprise. Au point que Michel Coster, directeur du Centre des entrepreneurs d'EM Lyon, le considère comme une « négation » du risque : « Il empêche de relever les défis qui semblent impossibles, il interdit de donner la chance d'agir». Car c'est l'inaccessibilité et l'inconnu de sa finalité qui enjolivent le risque et engagent la dynamique de l'action nécessaire pour l'atteindre. « On se révèle lorsqu'on accepte d'être dépassé ; or le PP pousse trop loin la réflexion ex ante et le besoin de contrôler». Jusqu'à faire nier dans l'inconscient collectif, déplore Christian Bérard, directeur de I'ESDES, que « le risque fait partie de la vie. Or chercher systématiquement des bouc-émissaires est paralysant».
Les exemples ne manquent pas : vache folle, vaccination contre l'hépatite B, OGM, grippe aviaire. Récemment, en Allemagne, l'âpre débat sur l'autorisation d'abattre un avion commercial détourné par des terroristes et « susceptible » d'être projeté sur un bâtiment sensible. Et dans l'entreprise, la dictature du « Risque 0», multiplication pour partie utile pour partie exagérée des précautions à assurer avant d'engager un investissement, l'ouverture d'un atelier de production, ou le lancement d'un produit. François Guery pronostique « qu'à terme » l'application du principe de précaution dissuadera de prendre des risques irréversibles. L'autopsie de la planète laisse peu d'espoirs à l'exaucement de son vœu.


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