USA-Japon-France : analyse culturelle et de marché croisée

Tilkee était récemment au Japon avec une délégation de la métropole de Lyon. Au cœur de cette mission, un mot clé : l'innovation. C'était l'occasion pour la startup lyonnaise de comparer les processus de vente B2B et d'identifier des différences culturelles clés pour mieux appréhender le marché japonais. Compte tenu de leurs expériences aux US, ils en ont profité pour ajouter cette dimension dans la comparaison. Par Timothée Saumet, cofondateur de cette jeune pousse spécialisée dans l'optimisation de la relance commerciale.

Première différence notable avec la France : le rapport au temps.  Au Japon, tout est réglé au millimètre : les réunions prévues à la minute près (à 11h12 par exemple) témoignent d'un souci permanent d'efficience. Mais par ailleurs, la prise de décision est particulièrement longue (entre 1 à 2 ans) et cela renforce un sentiment d'éternité : les affaires se feront donc toujours dans le temps et à temps. Le prospect doit être rappelé au bon moment et avec le bon message, le temps de la précision et de la connaissance.

L'exécution, quant à elle, est rapide une fois le partenaire connu et accepté. Et la fidélité est de mise : un partenaire n'est plus remis en cause, à l'instar d'un collaborateur pour qui le licenciement est quasiment impossible. Dans ces conditions, les Japonais ont, forcément, du mal à prendre des risques.

 Sur ce point, les entreprises japonaises sont ainsi très différentes des Américaines, pour qui la prise de décision est très rapide, et la main d'œuvre infidèle...

 Stabilité

Ce rapport au temps a comme corollaire une grande stabilité du pays, tant socialement que politiquement, et un droit du travail japonais encore plus protecteur qu'en France ! Le licenciement d'un salarié est très complexe. Pour info, le Japon a atteint le plein emploi, mais curieusement il n'y a pas (encore) de pression sur les salaires. Peut-être parce que 35 % des emplois sont "précaires"... À titre d'exemple, un développeur junior sera payé entre 5 et 6 millions de yens par an à Tokyo (entre 44 et 53 K€), ce qui n'est pas énorme compte tenu du coût de la vie dans la capitale.

Autre différence frappante : le rapport au collectif et à l'intime.

Les journées commencent à 8h et finissent souvent à 22h, autour d'un karaoké parfois arrosé. Il s'agit de faire corps avec la société, de créer des moments collectifs qui renforcent les liens et dépassent le cadre de la vie professionnelle. Idem avec les clients/fournisseurs : la relation interpersonnelle est très importante au pays du soleil levant.

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Que ce soit avec leurs amis, mais également leurs collègues, leurs clients, ou leurs fournisseurs, les Japonais cultivent avec leur entourage au sens large une relation basée sur la connaissance de l'intime, entretenue par des rencontres physiques fréquentes, préférées à celles téléphoniques.

Tout l'inverse des Américains - très pragmatiques - qui vont rentrer très vite dans le vif du sujet en accordant moins de place à la relation.

Le défi de l'adaptation de l'offre

Il existe naturellement des similitudes avec le marché américain. Comme les Américains, les Japonais sont très exigeants : le produit doit être simple, sans faille, et proposer une forte valeur ajoutée. Le support client doit être réactif et performant. Ainsi, ils apprécient les offres simplifiées de softwares en location (avec un abonnement).

Mais les Japonais seront également très attentifs à la personnalisation du produit, en particulier à la prise en charge de la langue et son adaptation à la culture nippone. Les éléments marketing et produit doivent donc être entièrement et systématiquement traduits et adaptés.

Car au pays du Kabuki, on estime que seulement 2 % de la population parle la langue de Shakespeare. Et encore, ce chiffre serait en hausse sous l'effet des JO passés et à venir. Par exemple, les panneaux de signalisation ont été traduits... mais mon chauffeur de taxi, lui, était incapable de lire l'adresse de mon hôtel en anglais. Alors oui, au quotidien, la problématique de la langue est un défi non négligeable à relever, et la présence d'un traducteur est donc obligatoire pour tous les rendez-vous.

 Références locales

Pour pouvoir aborder le marché japonais, il faut également respecter quelques passages obligés (carte de visite bilingue, cadeaux, etc. ) et disposer de références locales sérieuses. Les Japonais sont attentifs au statut de leurs interlocuteurs : la visite d'un responsable, doté d'un pouvoir de décision donnera plus de crédibilité et d'efficacité à la première rencontre. Comme avec les Américains, il sera donc plus simple de commencer à travailler avec des filiales japonaises d'entreprises françaises... Et oublier les grands comptes ("Keiretsu") dans un premier temps.

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La réussite d'une implantation au Japon dépendra essentiellement de la capacité de l'entreprise française à maîtriser ces différences culturelles et à s'y adapter. La meilleure solution - la seule ? - consistera certainement à embaucher un salarié japonais.

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