Perseverance : Grenoble et Lyon dialogueront eux aussi avec Mars

SCIENCE. Après sept mois de voyage dans l’espace, « les sept minutes de la terreur » durant lesquelles le robot a entamé sa descente critique vers un cratère de la planète Mars se seront finalement déroulées sans encombre. Le robot Perseverance de la Nasa a atterri ce jeudi soir sur la planète rouge et sera bientôt chargé de récolter un maximum d’informations au cours des prochains mois. Pour cela, il a même embarqué un petit bout d’expertise grenobloise et lyonnaise à son bord. Explications.
SuperCam est fait partie des sept l'instruments embarqués au sein du robot Perseverance, dont la France est par ailleurs co-responsable de sa conception.
SuperCam est fait partie des sept l'instruments embarqués au sein du robot Perseverance, dont la France est par ailleurs co-responsable de sa conception. (Crédits : CNES)

(Publié le 19/02/2021 à 9h15, actualisé à 11h00)

Après le soulagement, place aux choses sérieuses. Le robot Perseverance a réussi, hier soir vers 22 heures heure française, son atterrissage sur mars. Un moment qui récompense non seulement sept mois de voyage, mais aussi plus largement plusieurs années d'efforts pour le consortium de chercheurs internationaux ayant travaillé sur ce projet, conduit par la Nasa. Les « sept minutes de terreur » redoutées par la communauté spatiale, durant lesquelles aucune intervention humaine n'est possible lors de la phase descendante, se sont donc bien déroulées sans accroc hier soir.

Prochain objectif de ce robot : récolter des mesures et d'éventuelles traces de vie sur la planète rouge, avec l'idée de rapporter certains échantillons sur terre d'ici 2030. Mais pour cela, les équipes de la Nasa et du CNES seront loin d'être seules : cette mission, qui devrait si tout se passe comme prévu s'échelonner sur plusieurs années, embarque non seulement des technologies issues de l'écosystème toulousain, bordelais et parisien mais également, on le sait moins, des savoir-faire provenant de la région Auvergne Rhône-Alpes.

En effet, trois scientifiques grenoblois, dont Lydie Bonal et Pierre Beck de l'Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble (IPAG) -une unité mixte du CNRS et de l'Université Grenoble Alpes- et Eric Lewin, professeur de l'Institut des Sciences de la Terre (ISTerre) -une unité mixte du CNRS, de l'Université Grenoble Alpes, de l'Université Savoie Mont Blanc, de l'IRD et de l'IFSTTAR-, ont notamment travaillé sur une partie plus « soft » de l'instrument SuperCam, embarqué au sein de Perseverance.

SuperCam, qui n'est autre qu'une version « améliorée » de l'instrument ChemCam, déjà utilisé à bord du rover Curiosity sur Mars depuis août 2012, fait partie des sept l'instruments embarqués au sein du robot Perseverance, dont la France est par ailleurs co-responsable de sa conception.

Le savoir-faire grenoblois pour calibrer les mesures

Et depuis 2015, ces deux laboratoires isérois planchent en particulier sur l'étude des cibles de calibration, qui seront utilisées par les instruments de mesures une fois sur place. Avec, d'une part, un travail sur la cartographie chimique réalisé par l' ISTerre et de l'autre, la détermination de certaines propriétés par la voie infrarouge assurée par l'IPAG.

« Notre laboratoire a développé, depuis plusieurs années, des systèmes de mesures infrarouge qui permettent de simuler les conditions martiennes, telles que la basse pression ou la basse température, et qui pourront être utilisés en appui aux mesures qui vont être prises par l'instrument SuperCam », illustre Pierre Beck, professeur à l'Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble (IPAG).

S'il rappelle en effet que les équipes grenobloises n'ont ainsi pas travaillé directement sur le « hardware » du robot ou de ses instruments, ce travail de calibration réalisé en amont pourrait ensuite s'avérer essentiel lors de la conduite des opérations de mesure, afin de s'assurer de l'exactitude des données relevées sur un terrain, et ce, dans des conditions extrêmes.

« Notre rôle va commencer dès demain, même si nous avons été associés dès les premières réflexions afin de déterminer comment l'instrument allait opérer et de préparer les échantillons qui vont ensuite être analysés sur mars dans le dos du rover », explique Pierre Beck.

Objectif : participer plus précisément à la caractérisation chimique et optique de ces échantillons, afin de déterminer comment ils vont réfléchir la lumière par exemple. « Les échantillons que nous avons créé vont nous servir de référence une fois sur Mars pour comprendre et calibrer les mesures de la SuperCam. Nos propres équipements basés ici à Grenoble vont également nous permettre de reproduire les mesures à venir dans des conditions marsiennes pour comprendre à quoi correspondent les mesures », indique Pierre Beck.

Relever les mystère des la planète rouge

Les chercheurs espèrent déjà que Perseverance leur permettra, grâce à ses sept instruments embarqués, de capitaliser sur un jeu de données très riche, visant à lever certains mystères sur la planète rouge, à commencer par la composition et l'origine de ses roches par exemple. « Des instruments comme la SuperCam doivent nous permettre, en envoyant des impulsions laser, de séparer et mettre en lumière les composants chimiques afin de voir lesquels sont présents et comment ils se sont arrangés et donc fabriqués au fil du temps », dévoile Pierre Beck.

Ce sera aussi le cas d'un micro embarqué sur le robot, qui doit permettre de capter certains bruits présents sur Mars, et d'offrir une meilleure compréhension de la météorologie de cette planète voire aussi de comprendre, à travers des tests qui seront réalisés, si les roches sont molles ou dures, en fonction de la résonance des bruits émis.

« Nous allons notamment être trois chercheurs grenoblois impliqués dans l'exploitation de ces données scientifiques au cours des prochaines années et nous espérons pouvoir impliquer des étudiants pour les former à travailler sur l'opération de ces instruments sur Mars », ajoute Pierre Beck.

Le premier mois à venir devrait cependant être dédié à une phase de vérification du fonctionnement des instruments et du calibrage du robot, désormais in situ. « Les premières mesures devraient ensuite intervenir d'ici quelques mois », estime-t-il.

Des lyonnais de l'ENS seront également mobilisés

Mais ce ne seront pas les seuls auralpins à travailler sur ce projet au sein d'une équipe de scientifiques internationaux, qui regroupe jusqu'à 500 personnes. A Lyon, une équipe du Laboratoire de Géologie de Lyon Terre Planète Environnement (LGL-TPE) -une unité chapeautée par l'Université Claude Bernard Lyon 1, l'Ecole Normale Supérieure (ENS) de Lyon et le CNRS-, composée des professeurs Cathy Quantin, Erwin Dehouck, Gilles Dromart et Gilles Montagnac était déjà également impliquée sur ce projet, grâce à son expertise dans le domaine de la minéralogie la géologie et la géochimie.

Ce sont notamment eux qui ont contribué à sélectionner le site d'atterrissage, en fonction de ses caractéristiques géologiques, au sein d'une équipe d'une cinquantaine de chercheurs américains et français notamment. En effet, le lieu d'atterrissage, le cratère Jezero, que les chercheurs suspectent d'avoir autrefois abrité un lac, est un site qui n'a pas été choisi au hasard pour mener cette expédition.

Comme le précisait déjà il y a quelques mois l'une des chercheuses du LGL-TPE, Lucia Mandon, auteur principal d'une étude portant sur la minéralogie de cette région marsienne, « nous savons que cette zone est unique. (...) Néanmoins, même si cette zone de Mars a été très étudiée, les scientifiques n'ont pas de certitude sur quand ni comment elle s'est formée, ni pourquoi elle contient tant d'olivine et de minéraux carbonatés. A vrai dire, pas moins de six différents scénarios de formation ont été proposés ces vingt dernières années », expliquait-elle au sein d'une publication sur le site de l'ESA.

Les chercheurs lyonnais Gilles Dromart et Gilles Montagnac ont même participé plus concrètement à sélectionner et concevoir des roches d'étalonnage, qu'ils ont également fait préparer en amont, afin de supporter les conditions marsiennes. « Ces roches ont ensuite été embarquées sous la forme de pièces de monnaie, apposées sur une plaque d'aluminium et fixées au dos du robot, sur une zone où son laser peut se retourner pour réaliser des tests », explique Gilles Dromart. Avec un objectif : permettre de vérifier régulièrement l'étalonnage des instruments au cours de la mission, afin de s'assurer de la validité des mesures.

A compter de demain, cette équipe de quatre chercheurs participera également à l'analyse des mesures et des images qui seront prises par le robot. Mais ils attendent également tout particulièrement le retour d'échantillons de cette mission, prévu à compter de 2030, afin de mieux comprendre la chronologie martienne, et de déterminer notamment l'âge véritable de ces roches.

« L'objectif affiché de cette mission est de chercher et trouver de anciennes traces de vie. La différence par rapport à la mission précédente de Curiosity et que l'on va chercher à échantillonner des roches pour les ramener sur terre, afin de mener des analyses plus poussées que sur place. C'est un peu la mission de la dernière chance, car s'il y a un endroit pour en trouver, ce devrait être celui-ci ».

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Commentaire 1
à écrit le 27/02/2021 à 9:01
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N'oubliez pas les Chimistes de l'école supérieure de MULHOUSE qui conjointement avec le CNRS ont aussi travaillé sur les produits d'étude envoyés là haut .merci .

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