
Quelle définition du verbe "entreprendre" ? Consultez le dictionnaire, vous obtiendrez quelques notions : "engager, persuader, conquérir." Interrogez les 600 spectateurs du 10e Prix de l'esprit d'entreprendre, les 11 entrepreneurs atypiques - et autant de parrains exceptionnels -, chacun ira de sa propre interprétation.
Pour le grand témoin de la soirée, Jean-Louis Étienne, médecin, explorateur et entrepreneur, "il s'agit avant tout de construire une idée, la vendre auprès de partenaires puis la mettre en œuvre. C'est une construction longue, usante, semée de doute, mais aussi exaltante".
Entreprendre se décline au quotidien
Néanmoins, il n'est pas nécessaire d'être entrepreneur au sens strict du terme pour se considérer comme tel. René Ricol, ancien Médiateur du crédit et invité d'honneur de la cérémonie, se définit comme "un homme au service de la communauté des entrepreneurs" et voit dans cette posture "une forme de bonheur, puisqu'il fait référence à un collectif".
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Il existe donc autant de concepts et de méthodes que de formes d'entrepreneuriat. À l'intérieur de l'entreprise comme à l'extérieur, dans des initiatives citoyennes, sociales ou solidaires. Dans les nouvelles technologies ou les secteurs traditionnels en mutation. Dans la mode ou la réinsertion professionnelle, l'éducation ou la médecine, l'industrie papetière ou le textile.
Chez Acteurs de l'économie entreprendre se décline au quotidien, et depuis 10 ans, traduit cet engagement par la remise d'un prix qui le célèbre. Ce "symbole du rêve accompli" a choisi cette année de l'honorer par des verbes, autant de synonymes de l'action.
De la création au rebond
Quelle que soit sa forme, entreprendre est idée, création, invention. C'est souvent ce qui est célébré en premier lieu et le public, mis à contribution en votant par SMS au cours de la soirée (après un premier vote sur le site acteursdeleconomie.com), a mis à l'honneur La Marmite Urbaine, fondée par Charlotte Vignal (Prix Créer,Inventer).
"Le mouvement et la création sont permanents. Quand je suis face à des moments difficiles dans une expédition, je rappelle à tous, y compris à moi-même, où se situe notre but. Il faut résister à la tentation de l'abandon et remettre le rêve à la surface", souligne Jean-Louis Étienne.
Si les inventeurs de la cocotte-minute n'avaient ainsi pas persévéré, le Groupe SEB ne serait probablement pas celui qu'il est aujourd'hui. "Leur invention avait été refusée au Salon des arts ménagers", rappelle Thierry de la Tour d'Artaise, Prix Spécial.
"Ils ont érigé un mur de cocotte devant les portes du salon... pour devenir, des décennies plus tard, un groupe de 30 000 collaborateurs dans le monde qui perpétuent chaque jour, cette passion de l'innovation."
La preuve qu'un projet peut marcher, même sans distinction ! "Il faut conserver de l'humilité. Si nous récompensons 10 projets sur 50 dossiers, cela ne veut pas dire que les 40 autres ne fonctionnent pas. Il faut aller de l'avant", poursuit René Ricol.
Se battre, contourner les obstacles financiers, mais aussi personnels comme la maladie, puis rebondir comme la charismatique Sandrine Stojanovic, Elyséa (Prix Rebondir). "L'échec ne fait pas partie de notre vocabulaire, rebondir est dans l'ADN naturel de l'entrepreneur", souligne Bruno Bonnell, PDG de Robopolis, son parrain et lauréat en 2010.
Un rebond qui suscite l'admiration de René Ricol : "Trente pour cent des entrepreneurs sont des personnes qui sortent du chômage et qui, malgré la souffrance et l'angoisse, donnent à leur tour, la chance à d'autres. Il faut savoir traverser les épreuves, l'espoir n'est pas pour demain, il est pour aujourd'hui."
De la mobilisation à la révolution
Mais entreprendre est aussi mobilisation, engagement, don de soi. Une posture qui peut mener jusqu'à la disruption, voire la révolution : d'une méthode, d'un secteur, d'un marché ou d'idées reçues. Léna Geitner, fondatrice de l'incubateur Ronalpia (Prix Révolutionner), bouscule l'image des entrepreneurs sociaux qu'elle fait collaborer avec des grands groupes, tandis que les Auvergnats Vincent André, Jérémy Rochette et Julien Durant (Prix Ecrire le futur) dament le pion aux plus grands du secteur avec leur marque de vêtements de sport Picture Organic Clothing.
Entreprendre est lutte. Contre soi, d'abord. "Si ces entrepreneurs sont là, c'est qu'ils ont résisté à cette tentation de l'abandon. Et c'est déjà une victoire", rappelle Jean-Louis Étienne. Contre tous les maux de la société, ensuite.
L'injustice et ses dysfonctionnements (Agathe Zebrowsk et Sylvain Lhuissier, jeunes ingénieurs centraliens co-fondateurs de Chantiers Passerelles, Prix Mobiliser), la lutte contre le cancer en favorisant la multidisciplinarité et l'humanité (Jean-Yves Blay, cancérologue et directeur du Centre Léon Bérard et Prix Enrichir) ou les inégalités sociales (Jacques Lacroix, président de l'entreprise Maped, Prix Être utile).
Entreprendre, un acte militant en somme ? "L'entrepreneur, ce vrai révolutionnaire !", résume Philippe Bossanne, lauréat en 2011, avec son épouse, pour leur entreprise Huttopia.
De l'éducation à la transmission
Car parfois le créateur souffre d'un désaveu de la société. D'où l'importance d'éduquer à l'entrepreneuriat, comme si emploie l'Université Jean-Moulin Lyon 3.
"Actuellement, 25 entreprises sont en train de se créer dans notre université. Nous sommes très fiers de la confiance que nous accordent les étudiants. Ils nous permettent d'entreprendre avec eux", indique Alain Asquin, premier vice-président de l'université.
Une éducation que d'aucuns nomment aussi transmission. Celui de la connaissance, du don, des savoirs et des savoir-être. "À nous de transmettre aux plus jeunes des repères du savoir-être pour bâtir leur avenir d'entrepreneur", encourage Philippe Oddou, directeur général de Sport dans la ville, parrain et lauréat en 2007 en récompensant Mathilde Aglietta et son projet Simplon (Prix Eduquer).
Et celui de la curiosité, de l'outil de production transmis dans une même famille.
"J'avais vu ma mère souffrir en cuisine, je n'avais donc pas le souhait de suivre ses traces. Je voulais faire les Beaux-Arts, raconte le chef étoilé Régis Marcon (Prix Transmettre). Mais ma mère m'a inscrit d'autorité à l'école hôtelière. J'ai rencontré un professeur pour qui la cuisine était une joie. En quelques jours, j'ai attrapé le goût d'apprendre même si la cuisine est exigeante, parfois source de souffrance et de déception. Mon rôle aujourd'hui est dans la transmission."
Le bonheur d'entreprendre
Et l'enthousiasme de l'ensemble des lauréats de cette 10e édition est communicatif. "Notre promotion, sensible à l'entraide, vous a choisi pour votre courage d'entreprendre, de vous réinventer et pour l'énergie que vous mettez à trouver des solutions pour les entrepreneurs", souligne Romain Sabatier, étudiant en master Eden (Entrepreneuriat et développement des entreprises nouvelles) de l'Université Jean-Moulin Lyon 3 (représentant sa promotion qui a sélectionné plusieurs profils d'entrepreneurs), à Audrey Barros, dirigeante de Fidance (Prix (S')épanouir).
"Cette fraicheur et cette envie donnent vraiment ce désir d'entreprendre", témoigne Jean-Louis Etienne.
Tous se disent heureux du bonheur que procure leur position. "Je me suis engagé par curiosité, excluant l'engagement par devoir. Un entrepreneur peut-être un producteur de valeurs sociales. Et ce sentiment d'utilité me rassure et me rend très heureux », commente le Savoyard Jacques Lacroix.
Révolutionner, mobiliser, être utile, s'épanouir, éduquer, rebondir, créer, inventer, transmettre... Peu importe le sens. "Mais oser, c'est la plus belle des aventures", conclut Thierry de la Tour d'Artaise, comme un écho à tous les entrepreneurs récompensés. Ceux du passés, du présent et bien sûr du futur.
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