Trêve hivernale : un appel pour en découdre avec la misère ?

La trêve hivernale suspend provisoirement les expulsions. Mais supprimer les causes qui les déclenchent serait plus efficace pour atténuer les risques des plus vulnérables avance Bernard Devert, fondateur d'Habitat et Humanisme.
(Crédits : DR)

La trêve hivernale suspend le naufrage annoncé pour trop des familles sans en supprimer in fine l'issue difficile. Au printemps, les expulsions reprendront avec leurs cohortes de ruptures, d'angoisses et la perte de l'estime de soi dont on se relève si difficilement.

La trêve - qui a concerné au cours de ces dix dernières années 300 000 personnes, soit une progression de 46% - est entrée dans le paysage ; elle le fige et l'assombrit, laissant entendre que ne point payer son loyer relève de la mauvaise foi ; elle existe, certes, mais elle est loin d'être majoritaire.

La cause est ailleurs ; elle relève de l'inadéquation du coût du logement par rapport aux ressources.

Difficile de contester que, plus grande est la faiblesse des revenus, plus petite est la chance d'accéder à un logement social. Un comble ! Il y a ici une iniquité, j'ose dire une perversion qui n'est pas acceptable et à l'égard de laquelle nous ne pouvons pas rester étrangers, tant elle est facteur de drames s'ajoutant au malaise social.

Le nombre de SDF a augmenté de 50% en dix ans. Je ne connais pas avec exactitude le coût social de cette situation inadmissible, mais je ne serai pas démenti en l'évaluant à plus de 10 000 euros annuels pour chaque personne confrontée à la rue ; de quoi payer un loyer !

La Nation a aussi sa responsabilité pour ne pas privilégier l'isolation thermique des logements des plus vulnérables, ce qui entraînerait mécaniquement une réduction des charges qui, rappelons-le, ne sont pas minorées par les aides au logement (seul, le loyer est pris en compte).

Le Président du Plan Bâtiment Durable ne cesse de le rappeler.

Ne serait-il pas juste d'imaginer une aide momentanée au logement, concernant les charges de chauffage au bénéfice des occupants les plus fragiles séjournant dans des appartements nommés tristement mais justement 'passoires énergétiques'.

Il y a ici une inégalité qui doit être prise en compte si nous voulons accompagner ceux de bonne foi qui, en raison de la charge de leurs loyers, tombent souvent avec leurs enfants, premières victimes. Au cours de l'hiver, combien vont se poser cette question angoissante : "Où vais-je habiter ?" : rupture avec l'école, les camarades, le quartier.

L'expulsion est l'amère expérience de la pauvreté, avec ce ressenti que la porte qui claque derrière soi se ferme aussi devant soi.

Corréler le coût de la location avec les ressources pour mettre un terme à une deuxième injustice conduisant les 'expulsables' devant le Tribunal pour être jugés, souvent condamnés, au motif de n'avoir pu honorer leurs loyers alors qu'ils n'en ont pas la possibilité.

Expulsion et discrimination, une double peine !

La trêve hivernale doit se présenter comme une invitation à répondre à cette question : construire, mais pour qui en priorité ? Alors, seulement nous éradiquerons, pour le moins atténuerons, les risques que courent les plus vulnérables.

Suspendre les procédures est nécessaire, mais, supprimer les causes qui les déclenchent s'impose au nom même des valeurs de la République.

Ce défi, pris en compte en ces heures de préparation aux élections municipales, ferait taire des querelles d'un autre temps pour répondre à une réelle attente, celle d'un humanisme acté.

 Le voudrons-nous ?

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Commentaires 4
à écrit le 01/11/2019 à 3:55
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La France de Balzac est de retour.

le 02/11/2019 à 8:44
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Napoléon le petit aux commandes, les 200 familles, le peuple des rentiers contre celui des salariés, la semaine de 48h et le retour des enfants dans les mines... Et Greta en Gavroche !

à écrit le 31/10/2019 à 15:47
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avec un record de 36 000 expulsions, sachant qu'il y a comme a la bourse, un multiplicateur dans la réalité. Rappelez vous de macron, et 0% de sdf..... il y en a bien plus dans son mandat qu'il n'y en a jamais eu !!!

le 02/11/2019 à 8:54
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en fait......non. J'ai oublié le nom de cet ahuri proche de Jupiter qui a découvert avec stupéfaction qu'il y avait plus de 50 SDF à Paris et refusait d'admettre qu'il l'étaient contre leur gré.

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