L'optimisme peut-il relancer l'économie ?

Le "retour de la confiance" est un argument régulièrement avancé par les responsables politiques pour appuyer un optimisme sur la santé économique à venir, tandis que le "pessimisme français" est volontiers fustigé pour empêcher la bonne dynamique économique. Des chefs d'entreprises confiants, est-ce cela le déclic d'une reprise économique ? Comment l'optimisme ambiant peut-il avoir un impact sur l'économie ? Anne Musson, professeur permanent à l'ESSCA (school of management), membre des Économistes atterrés, décrypte cette notion.
(Crédits : DR)

Le 30 janvier 2018 dernier, Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, affirmait que "la hausse de 1,9 % du produit intérieur brut (PIB) enregistrée en 2017 témoigne du "retour de la confiance" des ménages et des entrepreneurs", dans un contexte international "porteur"(1).

L'optimisme contribue en effet à améliorer la confiance, que l'on peut définir comme une "espérance de fiabilité dans les conduites humaines (2)" et qui est à la base d'un système économique reposant sur les échanges et l'entrepreneuriat. Sans un minimum de confiance accordée par les acteurs économiques aux institutions telles que la Justice, le Parlement, les banques centrales ou encore les différentes normes de la société, difficile d'utiliser une monnaie n'ayant aucune valeur intrinsèque, ou de passer un contrat d'achat, de vente ou de travail.

Confiance et la réciprocité

Cette confiance institutionnelle est, de plus, propice à l'entrepreneuriat et à l'innovation. L'entrepreneur prend des risques lorsqu'il crée et lorsqu'il investit, et plus son optimisme et sa confiance seront importants, plus ce risque sera perçu comme mimine et donc plus il sera disposé à le prendre. Dans un premier temps, les relations avec les acteurs économiques (les autres entreprises, les banques, les institutions publiques, etc.) vont être déterminantes dans la prise de risque. Dans un second temps, la réussite des uns va contribuer à la confiance des autres : c'est le cercle vertueux de la confiance.

Au sein même des entreprises, il a été démontré qu'une gestion du personnel fondée sur la confiance et la réciprocité, permet d'associer réussite économique et bien-être des salariés, en particulier lorsque ces derniers se sentent partie prenante des décisions, comme dans les entreprises coopératives, ou quand les collaborateurs s'auto-dirigent, comme c'est le cas au sein des entreprises dites "libérées". Le développement d'attitudes fondées sur la coopération et la solidarité renforce la performance et la résilience des collectifs de travail. Une implication trop intensive des salariés peut néanmoins conduire au burn-out. Dans ce cas, les systèmes fondés sur une confiance forte peuvent s'avérer peu efficaces et dangereux socialement.

Long terme

Deux politologues américains, Banfield dans les années 1950 puis Putnam dans les années 1990, démontrent ainsi, en s'appuyant sur le cas du sud de l'Italie, qu'une confiance très forte au sein d'une communauté (concernant les familles italiennes : Banfield parle alors de "familialisme amoral") peut devenir un frein puissant au développement. S'en remettre à la « fée confiance », pour reprendre les termes de Paul Krugman (prix Nobel d'économie et éditorialiste au New York Times (3)), comme s'il s'agissait d'une potion magique relève évidemment du mirage. Car la confiance ne se décrète pas. Elle ne se construit pas à coups de déclarations politiques, aussi enthousiastes soit-elles ni grâce à une vision optimisme de l'avenir. Elle émerge sur le long terme, sur la base d'actions concrètes ; elle se dessine à travers les institutions qui sont les fondamentaux d'une économie.

Ce qui crée la confiance et la solidifie, c'est la coopération. Or, favoriser la coopération implique de préserver les institutions sociales et d'atténuer la rivalité... donc de ne pas faire de l'extension de la concurrence et des privatisations l'alpha et l'oméga de la politique économique. Difficile donc pour Bruno Le Maire d'en appeler à la « confiance » tout en attaquant les fondements sur lesquels elle repose.

(1) L'Express du 30.01.18

(2) Eloi Laurent, « Economie de la confiance »,
la Découverte, p.24

(3) "Confidence Fairy" en version originale.

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