Bernard Belletante (EM LYON) : "L'intelligence artificielle a fait évoluer notre plan stratégique"

Le directeur général d'emlyon dévoilera ce vendredi matin son nouveau plan stratégique à horizon 2023. Au-delà de la signature d'un partenariat majeur avec IBM, Bernard Belletante détaille, sur notre site, l'évolution pédagogique de l'école de management, marquée par l'irruption de l'intelligence artificielle dans l'économie, à laquelle l'institution doit répondre. Fidèle à sa philosophie de soutien à l'innovation et à l'entrepreneuriat, la 4e business school française annonce la création imminente d'un fonds d'investissement. A échéance de cinq ans, la structure ambitionne 170 millions d'euros de revenus en dégageant un ratio d'autofinancement compris entre 10 et 15 %. De quoi espérer intégrer son nouveau campus, à l'été 2022, avec une marge de manœuvre financière suffisante.
Bernard Belletante, directeur général d'emlyon business school, depuis 2014.
Bernard Belletante, directeur général d'emlyon business school, depuis 2014. (Crédits : Laurent Cerino/Acteurs de l'économie)

ACTEURS DE L'ECONOMIE - LA TRIBUNE. Le plan stratégique, ambitieux, que vous avez présenté en octobre 2014 allait jusqu'en 2020. Vous lancez à la mi-temps un nouveau projet qui court jusqu'en 2023. Est-ce à dire que vous n'étiez pas assez audacieux à l'époque ou qu'il y avait nécessité de rectifier le tir sur certains points ?

BERNARD BELLETANTE. Un plan se construit sur une durée de quatre à cinq ans. A mi-parcours, il est normal de le repenser ; de se poser la question de savoir en quoi les changements de l'environnement nous conduisent à accentuer, à abandonner certaines options prévues. Nous avons vécu un peu plus de deux ans et demi avec le projet initial. Nous avons réussi certaines choses, d'autres que nous n'avons pas poursuivies.Nous ne sommes plus dans une époque où les plans étaient scellés jusqu'à leur terme.

D'une manière générale, le plan mis en œuvre en 2014 se déroule bien. Cependant nous avons changé notre fusil d'épaule concernant le volet numérique. Au départ, nous étions partis sur une digitalisation limitée exclusivement à l'enseignement. Aujourd'hui, il faut digitaliser l'ensemble de l'organisation de l'école.

Par ailleurs, lors de l'élaboration du plan, nous n'imaginions pas que l'intelligence artificielle deviendrait incontournable. Notre rôle sera d'apprendre aux hommes et aux femmes à travailler avec des machines apprenantes, à les préparer à un environnement où la puissance de calcul n'a jamais était aussi forte. Nous avons déjà un cours de computational thinking, par exemple. Et nous avons ouvert un nouveau domaine de recherche autour des Data sciences.

enseignement

Vous aviez prévu d'investir environ 45 millions jusqu'en 2020. Où en êtes-vous de ce programme ?

Nous avons consacré quelque 35 à 36 millions d'euros dans le réaménagement de locaux mais surtout dans les systèmes d'information.

Pour accompagner votre révolution digitale, vous vous appuyez notamment sur la collaboration initiée avec IBM en 2015. Est-elle promise à évolution ?

Nous franchissons une nouvelle étape avec la signature entre Noël et le Jour de l'An d'un "joint initiative agreement" (JIA). D'une relation de client à fournisseur exclusif, ce partenariat s'institutionnalise à l'échelle mondiale et nous devenons un "IBM partnerworld".

IBM ne contracte que très rarement un JIA et c'est une première mondiale avec une école de management. C'est le résultat de ce que nous faisons ensemble depuis trois ans. Ils n'ont pas procédé à un appel d'offres.

Ce format de contrat entre dans une logique de co-investissement de chacune des deux parties. Ensemble nous allons poursuivre la modernisation des outils informatiques sur une base annuelle de 10 millions d'euros sur cinq ans.

L'entrepreneuriat fait partie, depuis des décennies, de l'ADN de l'école. Vous faites état de 1 500 projets accompagnés à ce jour et 1 200 entreprises portées sur les fonts baptismaux. Comment pouvez-vous pousser votre action plus loin ?

Nous allons créer, d'ici à juillet prochain, un fonds d'investissement dans des startups françaises et étrangères dédiées, en particulier, à l'intelligence artificielle dans le domaine des ressources humaines : recrutement, analyse des compétences, apprentissage. Ce véhicule sera lancé conjointement par l'école, nos partenaires* et les diplômés d'EM Lyon. Nous avons l'objectif de collecter 20 millions sur cinq ans. Nous pourrons ainsi devenir actionnaires de jeunes pousses, mais aussi de sociétés plus matures cherchant à accélérer leur projet en France et ailleurs. Ceci s'inscrit pleinement dans notre stratégie de focus sur l'intelligence artificielle appliquée aux RH.

Vous avez également annoncé, en début de semaine, la future construction de votre campus nouvelle génération à Lyon, dans le quartier de Gerland. L'ouverture prévue pour la rentrée 2022/2023 correspond aux 150 ans de l'école. Mais ce sujet était évoqué depuis un certain temps...

De fait, l'école discute de ce projet depuis longtemps. Il fallait satisfaire des conditions extrêmement strictes pour réussir un lieu d'hybridation dans lequel nous étions en mesure de repenser l'ensemble de l'éducation, tout en étant bien desservi par les transports en commun. Nous devions évidemment avoir retrouvé une bonne santé financière. EM Lyon est aujourd'hui financièrement indépendante de la CCI Lyon métropole pour sa gestion courante. Toutefois ce projet immobilier a été mené en parfaite cohérence avec la chambre qui demeure l'administrateur de référence. Et elle sera là pour apporter son concours.

Lire aussi : Enseignement supérieur : emlyon business school construira un nouveau campus à 85 M€

En 2014 vous vous engagiez à dégager un autofinancement significatif à l'horizon 2017/2018. Avez-vous atteint cet objectif ?

Nous sommes arrivés à dégager un ratio d'autofinancement de 10 à 15 % sur nos revenus. Ces derniers s'établissent à 98 millions d'euros cette année versus 56 millions en 2014. Nous visons un chiffre d'affaires approchant les 170 millions d'euros dans cinq ans en atteignant les 10 000 étudiants (4200 équivalents full time actuellement). Nos recettes aujourd'hui sont assurées à 65 % par la formation initiale et 35 % la formation continue. Nos trois campus français d'Ecully, Saint Etienne et Paris y contribuent pour 85 % et les deux campus de Shanghai et Casablanca (premier programme lancé en 2016) pour le solde de 15 %. L'étranger contribuera à 40 % de notre activité d'ici en 2023. En juillet 2018 nous allons ouvrir un site en Inde à Hyderabad en association avec Xavier University, la plus vieille université du pays. Nous avons des fers au feu au Moyen-Orient et en Amérique du Sud. La Colombie présente de réels atouts en termes de stabilité, classe moyenne, etc.

La reprise en 2013 de l'ESC Saint-Etienne après sa faillite s'est révélée un relais de croissance pour développer le segment des Bachelors post bac. Qu'en est-il de la fusion qui devait être scellée avec Grenoble EM ? Dans la même logique avez-vous pris langue avec le groupe ESC Clermont Ferrand ?

Avec Grenoble le chantier est au point mort. Les deux écoles se respectent. Nous entretenons des relations de bon voisinage. Mais à ce stade nous n'avons pas trouvé le bon produit ou le bon champ pour travailler ensemble. Avec Clermont Ferrand, il n'existe aucun projet validé entre nous mais nous ne nous interdisons rien. Imaginons qu'un jour nous soyons consultés par une entreprise pour un gros contrat. Si nous ne pouvons pas le faire seuls, pourquoi ne pas envisager d'y répondre ensemble?

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Bernard Belletante

EM Lyon confirme sa quatrième place dans le classement des écoles de commerce françaises de l'Etudiant en 2018. Mais dans le ranking que le Financial Times dédie aux masters en management vous vous situez en 27 ème position, seulement. Quelle est, selon vous, l'explication ?

Toutes les écoles françaises ont baissé du fait de l'entrée dans ce ranking des écoles chinoises, indiennes, australiennes... Il y a donc plus de monde. Par ailleurs, il existe une longue inertie dans un classement, car les diplômés de 2018 ne seront pas interrogés avant 2021/2022. J'avais informé le conseil d'administration, à mon arrivée en 2014, de la dégradation de plusieurs éléments et la nouvelle stratégie a été mise en place dès 2015/2016. Il faut garder la tête froide par rapport à ces classements. Pour moi le plus important est la triple accréditation internationale de lEM Lyon labellisée AACSB, AMBA et Equis.

Succombez-vous au grand mercato des enseignants ?

Non, je n'ai pas embauché les Neymar des ressources humaines. Le corps professoral est en cohérence avec mon budget.

Comment qualifiez-vous aujourd'hui l'ambiance de EM de Lyon qui a traversé d'intenses moments de turbulence ?

Au début (Bernard Belletante a pris ses fonctions en 2014, NDLR), je ne cache pas que cela a coincé. Chacun s'observait. C'est normal. L'ambiance est devenue plus sereine. Tout le monde a beaucoup travaillé au cours des trois dernières années. C'est remarquable. Grâce aux efforts de tous, nous avons renoué avec une politique de revalorisation des salaires. La masse salariale a cru d'un peu plus de 9 %.

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Dans le dossier IDEX Lyon qui prévoit d'ici à 2020 une université d'un type nouveau rassemblant en son sein des universités et de grandes écoles, avez vous l'espoir que les portes s'ouvrent pour EM Lyon ?

Nous avons signé une lettre d'engagement pour confirmer que nous étions prêts à accompagner l'IDEX. On ne nous a rien demandé. Que Lyon ait le meilleur IDEX, c'est l'essentiel. Si nous pouvons y apporter notre savoir faire nous répondrons présents.

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* EM Lyon revendique un réseau ayant dépassé les 30 entreprises partenaires : Adecco, Crédit Agricole Centre Est, Seb, IBM, BioMérieux, Apicil, Volvo, BMCE Bank

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