Arbitrage des politiques publiques : la métropole de Lyon lance son « observatoire de l'économie à impact » en données ouvertes

La métropole de Lyon vient de lancer, en octobre, un outil statistique d'évaluation des politiques publiques, grâce au recensement d'une quarantaine de données « à impact » en sources ouvertes dans les domaines sociaux, environnementaux et économiques à l'échelle métropolitaine. Disponible à tous en ligne, le site vise à mieux orienter les priorités de la collectivité et sera enrichi au fil de l'eau. Mais le principal enjeu concerne l'articulation et l'interprétation des données entre elles, issues de sources diversifiées.
La « vallée de la chimie », au sud de la métropole de Lyon, compte 18 sites classés Seveso.
La « vallée de la chimie », au sud de la métropole de Lyon, compte 18 sites classés Seveso. (Crédits : DR/métropole de Lyon)

Comment intégrer et articuler des critères exogènes à une politique publique ? D'autant plus lorsqu'il faut ajouter des objectifs climatiques et sociaux à une mesure économique. L'équation n'est pas évidente et la concentration de certaines données à un seul endroit permet, selon la métropole de Lyon, d'aider à arbitrer en toute clairvoyance.

La collectivité de 1,386 million d'habitants (Insee 2017) vient en effet de lancer un «observatoire de l'économie à impact ». Autrement dit, un espace où sont pour l'instant regroupées une quarantaine de données en sources ouvertes autour de trois piliers : inclusion & justice sociale, viabilité environnementale et soutenabilité économique. Le tout, à l'échelle métropolitaine. L'observatoire, disponible sur Internet, précise pour chaque indicateur l'origine des données, leur valeur, l'année de référence, leur définition et une analyse.

Cette « première » vise à mieux déterminer les objectifs des politiques économiques métropolitaines, mais aussi à évaluer les effets des mesures déjà en place, ou passées. Par exemple, où en est la lutte contre les gaz à effet de serre dans la métropole, par rapport aux objectifs fixés ? Et que représente le secteur économique dans cette bataille? Dans son analyse des données en question, la collectivité observe : « Les activités économiques sont à l'origine de 63% des émissions de GES. A noter une baisse de -37% des émissions pour les activités économiques depuis 2000 contre -32% pour l'ensemble du territoire ».

« Cet outil permet d'obtenir une vision plurielle et synthétique au niveau de l'économie. Au-delà, il s'agit aussi de positionner le territoire par rapport à la moyenne nationale ou à d'autres collectivités sur certains indicateurs », explique un agent de la métropole (qui ne peut pas donner son nom étant donné son statut de fonctionnaire), à l'origine de la création de l'observatoire.

Pour arbitrer, l'agent du Grand Lyon cite un exemple : « Si des efforts supplémentaires sont à faire, il faut peut-être, au regard des indicateurs, aller plutôt du côté de la réduction des consommations d'énergie que des gaz à effet de serre », ceux-ci diminuant de 4,6% par an depuis trois ans, là où, « pour atteindre la trajectoire du plan climat-air-énergie territorial (PCAET), il faut suivre une baisse de -2,8% par an jusqu'en 2030 ».

Agréger des données, éviter les biais

Mais comment échapper aux biais inhérents à l'interprétation des données ? Il s'agit, toujours selon la métropole, de « constater » des phénomènes, synthétiquement. La collectivité soutient également que les premiers critères disponibles sont relativement exhaustifs : « Nous avons fait globalement le tour de ce qui est disponible, à quelques exceptions près qui seront ajoutées dans l'année », répond un autre agent en charge du projet conçu en interne. Dans la liste des prochains ajouts, figurent notamment les pollutions chimiques aux PFAS (les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées), ou encore la qualité de l'eau (là où la ressource n'est pour l'instant abordée qu'en termes quantitatifs).

Mais comment sont déterminés ces critères ? Emeline Baume, vice-présidente déléguée à l'industrie, répond que « nous prenons tous les indicateurs disponibles sur ces sujets. Nous ne faisons évidemment pas notre marché ». Quid également des sources fermées, confidentielles ? L'outil permettra-t-il de faire pression auprès de certains industriels, notamment dans la « vallée de la chimie » ? Pour Emeline Baume, également, il ne s'agit pas que d'un travail de « transparence », mais aussi de « partager, à livre ouvert, pour mutualiser les process de production, ou viser la sobriété et l'efficacité en eau, en énergie » :

« Concernant les données sociales, nous pouvons généralement descendre très bas dans les mailles. Sur les données environnementales, en revanche, nous aimerions aller plus loin. Si les établissements ne sont pas en données ouvertes, ce n'est pas évident. Nous pouvons leur demander. Mais nous sommes aussi en pleine conscience du fait que les acteurs de la vallée de la chimie, à savoir les directeurs et directrices de sites productifs, ont des bornes qui se situent en France, en Europe, à l'échelle internationale. La mission métropolitaine "vallée de la chimie" réussit, ou non, à obtenir les données qu'elle souhaite en fonction de la posture et de la personnalité des responsables de sites. Elle va ensuite agréger les données transmises, pour aller éventuellement les challenger avec celles de la DREAL ».

« Porter un plaidoyer à l'échelle nationale »

La métropole entend obtenir rapidement les bénéfices de l'observatoire, à travers le fléchage plus franc de ses politiques économiques, ou encore de ses commandes publiques. Depuis le début de la mandature, les éco-incitations représentent 1,5 million d'euros d'aides directes aux entreprises à travers plusieurs dispositifs et appels à projets. Pour réussir à amorcer la « transition » des entreprises vers les objectifs du PCAET.

Mais déjà, pointe l'idée d'étendre l'initiative à d'autres endroits. Dans la continuité, notamment, des différents travaux déjà rendus publics sur la planification écologique, dont le désormais célèbre « Plan de transformation de l'économie française », rédigé par le think tank The Shift Project, présidé par l'ingénieur Jean-Marc Jancovici.

« J'aimerais que les territoires qui nous ressemblent, avec beaucoup d'acteurs industriels, mettent en place ce type d'observatoires et qu'ensemble, on puisse porter un plaidoyer à l'échelle nationale. Notre objectif, c'est de pouvoir influencer et qu'ensuite, nous pilotions tous avec les mêmes indicateurs... Je siège aussi à France urbaine, où nous allons présenter cet observatoire ».

L'élue cite notamment l'agglomération de Dunkerque, ou encore la métropole d'Aix-Marseille, aux activités industrielles conséquentes.

Déjà une plateforme d'évaluation RSE, « kelimpact »

Si l'observatoire réunit aujourd'hui les champs publics et privés autour de données pour certaines exogènes, un autre outil du même acabit est initié à l'échelle de la métropole de Lyon depuis deux deux. « Kelimpact », lancé lui aussi à l'occasion du salon Pollutec en 2021, s'adresse aux entreprises à travers cent questions pour évaluer leur positionnement autour des grands axes de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). 850 organisations ont déjà utilisé cet outil, conçu avec la start-up lyonnaise Gen'éthic. Parmi elles, de nombreuses TPE et PME n'ont pas les moyens de bénéficier d'un prestataire. Les groupes lyonnais Ninkasi,  comme le rapportait La Tribune lors de son lancement, ou encore Parcs & Sport et le groupe Schneider y ont également contribué.

La métropole entend inciter par la même occasion à adopter des critères sociaux et environnementaux allant dans le sens de ses objectifs. Elle investit par ailleurs 600 millions d'euros d'achats publics par an et dit s'engager, d'ici à 2025, « sur un objectif de 100 % de marchés métropolitains qui devront comporter des considérations environnementales », mais aussi sociales, à partir de 90.000 euros HT. Tout en veillant à maintenir la libre concurrence à ses portes.

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