GreenWaves lève 20 millions pour industrialiser ses processeurs basse consommation

Positionnée sur les processeurs basse consommation destinés aux objets alimentés sur pile (en particulier les oreillettes, casques audios, objets connectés et dispositifs de suivi médical), GreenWaves vient d’annoncer un tour de table de 20 millions d’euros notamment auprès d’Innovacom, de Thales et du fonds Definvest du Ministère des Armées. Ce financement doit permettre à la startup grenobloise d’industrialiser en masse sa deuxième génération de processeurs.
(Crédits : DR)

GreenWaves était déjà reconnue comme la pionnière française des processeurs d'application utilisant l'architecture libre de droit RISC-V (concurrente des technologies Intel et Arm) pour les appareils alimentés sur batterie, et ce tour de table devrait renforcer un peu plus son positionnement. La startup grenobloise vient de clôturer un financement de l'ordre de 20 millions d'euros mené par le fonds d'investissement Innovacom aux côtés de Thales, du fonds Definvest du ministère des armées et du fonds French Tech Seed. Le tour de table est abondé par les actionnaires historiques de GreenWaves : Soitec et le Chinois Zepp Health. Il s'agit de la troisième levée de fonds de GreenWaves après une première de 3 millions d'euros en 2016 suivie d'une autre de 7 millions d'euros en 2018, lesquelles avaient permis de faire entrer au capital les Chinois Alibaba et Zepp Health.

Industrialisation de la nouvelle génération de processeurs pour oreillettes et objets connectés

GreenWaves développe des micro-processeurs pour des petits objets alimentés par pile, et nécessitant donc une très faible consommation d'énergie. Sa cible : les objets connectés, par exemple des caméras intelligentes, et le marché audio (casques, oreillettes sans fil, aides auditives grand public). « Le marché des écouteurs est énorme. Actuellement, il se vend déjà 300 à 400 millions de paires d'écouteurs. A horizon 2026, il se vendra plus d'oreillettes sans fil que de smartphones », analyse Loïc Lietar, PDG de GreenWaves et ancien de ST.

« Notre technologie permet une performance bien supérieure à tout ce qui est disponible sur le marché. Par exemple, pour une personne téléphonant dans un espace bruyant, son interlocuteur n'entendra que le son de sa voix grâce à nos algorithmes intelligents qui ont appris à filtrer les parasites. A l'inverse, une personne qui se promène dans la rue et veut être tranquille dans sa bulle sonore n'entendra rien d'autre que sa musique sauf les sons prioritaires que les algorithmes reconnaissent et laissent passer comme l'alarme d'une ambulance par exemple ».

Au-delà de ces performances d'application, l'entrepreneur met en avant les performances énergétiques de ses processeurs, « au moins deux fois meilleures que celles de ses concurrents », assure-t-il.

L'entreprise, créée il y a 8 ans, emploie actuellement 43 salariés et devrait en recruter six de plus prochainement. Elle a déjà mis sur le marché une première génération de processeurs il y a deux ans, principalement sur le marché de l'IOT. Elle en a vendu 150.000 exemplaires pour un chiffre d'affaires cumulé sur ces deux années de 800.000 euros.

L'enjeu de cette levée de fonds à 20 millions d'euros est de mettre sur le marché la deuxième génération. En mode fabless, GreenWaves développe et conçoit mais sous-traite la production. Après une production par le géant Taiwanais TSMC pour ses premiers processeurs, elle a choisi l'Allemand GlobalFoundries pour cette nouvelle gamme, l'un des plus gros fondeurs mondiaux de semi-conducteurs. La mise en production est attendue pour l'automne prochain. Selon Loïc Lietar, déjà 12 clients auraient signé dont quelques géants mondiaux de l'électronique (noms confidentiels pour l'instant). Un chiffre d'affaires de « quelques millions d'euros » de chiffre d'affaires est attendu pour 2023, et de « quelques dizaines de millions d'euros » pour 2024. Sur ces quelques dizaines de millions, une part devrait probablement venir du secteur militaire au vu de l'intérêt de Thales et du ministère des armées pour GreenWaves mais Loïc Lietar, - qui assure ne pas connaître l'utilisation exacte de ses processeurs dans les applications militaires-, estime que cela restera largement minoritaire dans son développement.

Dans ce plan de marche, la startup ne devrait pas être impactée par les pénuries de composants. « Jusqu'ici nous sommes passés entre les différentes pénuries. Et heureusement, car ne pas pouvoir livrer nos clients aurait pu être fatal pour une entreprise comme la nôtre ».

La problématique du financement de l'innovation dans les semi-conducteurs

Si la levée de fonds de 20 millions d'euros menée par GreenWaves constitue une étape décisive dans son développement, elle reste modeste par rapport aux financements obtenus aux Etats-Unis notamment par les entreprises du secteur. Loïc Lietar est intarissable sur le sujet. C'est même devenu un de ses chevaux de bataille. Les start-ups françaises du semi-conducteur souffrent du manque d'investisseurs privés.

« Je peux compter sur les doigts d'une main les fonds d'investissement français qui se risquent sur notre secteur. Il y a un véritable manque d'appétence. D'une part parce qu'ils n'ont pas toujours les connaissances techniques pour prendre ce type de risque et, d'autre part, parce que le temps de développement est long sur notre industrie des semi-conducteurs. Nous existons depuis 8 ans et nous n'allons vraiment décoller que l'année prochaine. Pourtant, il y a là un véritable enjeu de souveraineté industrielle », analyse l'entrepreneur.

Il n'hésite pas d'ailleurs à mettre en avant les risques « notre développement est ralenti par cette problématique. Le risque serait d'être racheté trop tôt par un acteur américain par exemple ».

Il enjoint les pouvoirs publics à se saisir de la question, en s'inspirant notamment de la stratégie israélienne.

« Nous avons besoin d'aides publiques mais surtout d' nvestissements privés. Le rôle de l'Etat doit permettre de favoriser l'investissement privé en le dérisquant. En Israël par exemple, l'Etat investit aux côtés des acteurs privés mais accepte que ces derniers soient servis en premier dans la surperformance comme dans la sous-performance. Cela permet d'inciter les investissements privés dans les semi-conducteurs ».

La pénurie de ces deux dernières années a mis en lumière l'intérêt stratégique de cette industrie du semi-conducteur. Et pourtant, le dirigeant de GreenWaves note le trop faible engagement de l'Europe. « Pour le semi-conducteur, le Chips Act prévoit de flécher 550 millions d'euros sur 7 ans. Généralement, les fonds de fonds publics représentent 25% des investissements des fonds. Soit pour le semi-conducteur, 2,2 milliards d'euros au total. Si on considère qu'une start-up du secteur a besoin de 100 millions pour devenir un acteur pérenne, cela fera 22 start-ups soutenues sur 7 ans. Je pense qu'il en faudrait quatre fois plus pour que l'Europe change de trajectoire pour cette industrie... ».

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