
« Il faut voir le bon côté des choses : désormais le ministre de la santé sait où se trouve Feurs... », ironise Edmond Mackowiak, le directeur du centre hospitalier du Forez, établissement de 475 lits aux 1.443 équivalents temps plein (ETP) qui s'adresse à un territoire semi-urbain de 200.000 habitants.
Et pour cause. La situation locale fait des vagues. il y a quelques jours, François Braun a été interpellé à l'Assemblée nationale par Jean-Pierre Taite, le député LR de la 6e circonscription de la Loire, circonscription sur laquelle se trouve le centre hospitalier du Forez composé deux sites distants de 25 kilomètres, l'un à Feurs, l'autre 25 à Montbrison. Jusqu'ici, les deux sites proposaient des urgences.
Mais ça, c'était avant la loi RIST (du nom de sa rapporteure, la députée du Loiret, rapporteure) et son plafonnement de la rémunération des intérimaires. Depuis le 3 avril, faute de personnel, les urgences sont assurées uniquement sur le site de Montbrison. Les urgences de Feurs resteront, elles, désormais porte close.
Retrait immédiat de la quasi-totalité des médecins intérimaires
La Loi Rist est entrée en vigueur le 3 avril, avec un an et demi de retard. Désormais, les hôpitaux publics ont l'interdiction absolue de payer les médecins intérimaires au-delà de 1.390 euros brut par garde de 24 heures. Alors que, selon le syndicat national des médecins remplaçants des hôpitaux, ils étaient jusqu'ici plutôt sur une moyenne de 1.500 à 2.000 euros, avec des pics dans certains territoires (ou certains jours) à plus de 4.000 euros. La loi Rist vise à protéger l'hôpital public de ce que le ministre de la santé appelle « les mercenaires de la santé ». Comprendre : ces médecins intérimaires qui iraient d'un établissement à l'autre, au plus offrant.
Sanction immédiate pour le Centre Hospitalier du Forez : la quasi-totalité de ses médecins intérimaires se sont retirés du jour au lendemain, contraignant l'établissement à fermer illico, et sans avoir pu le planifier au préalable, les urgences de Feurs. Au grand dam des soignants permanents de l'hôpital et des élus locaux. Dont Jean-Claude Tissot, sénateur PS de la Loire, qui a pu s'entretenir jeudi dernier avec le cabinet du ministre pour solliciter l'autorisation d'une organisation exceptionnelle, permettant un « mode de fonctionnement légèrement dégradé jusqu'au mois de juin » en attendant de trouver « d'autres solutions ».
Le manque d'attractivité des hôpitaux publics au cœur de la problématique
« Nous ne pratiquions pas des tarifs exorbitants, entre 1.500 et 2.000 euros environ. La différence avec le plafond des 1.390 euros n'est pas si importante, mais jusqu'ici, nous versions en plus des frais de déplacement. Or, nous avons un grand nombre d'intérimaires qui viennent de Toulouse, d'Alsace etc. Ces frais étaient importants. Actuellement, il y a un certain flou sur la possibilité de continuer de payer ces frais en sus de la rémunération des gardes. Sans compter le sujet de l'inflation, les intérimaires refusent d'amputer leur rémunération alors que le coût de la vie augmente », commente Edmond Mackowiak, avouant néanmoins sa déception quant au retrait soudain de ses médecins.
« Certains travaillaient avec nous très régulièrement depuis plusieurs années. Nous pensions qu'ils nous étaient fidèles. Ce n'est visiblement pas le cas. Nous ne nous attendions pas à une prise de position si massive, et si brutale ».
Le directeur général reconnaît une part de responsabilité du centre hospitalier dans cette situation venue tendre encore un peu plus une organisation déjà blessée.
« Nous avons aujourd'hui 13 services qui dépendent plus ou moins des intérimaires (le nombre exact d'intérimaires, variable, n'est pas communiqué, NDLR). Notamment la pédiatrie, la psychiatrie et la chirurgie orthopédique. Nous nous sommes mis en difficulté en nous rendant dépendants de ces intérimaires qui peuvent claquer la porte du jour au lendemain », explique-t-il.
Pourquoi cette dépendance ? « Nous devons faire tourner nos services. Or, lorsque je n'ai pas suffisamment de titulaires, je suis bien contraint de faire appel aux intérimaires. C'est un problème global d'attractivité des établissements publics, et plus localement, de certains territoires plus ruraux, qui séduisent probablement moins que des grandes villes », répond le directeur du Centre Hospitalier du Forez.
Plus largement, dans la Loire, 18 spécialités médicales seraient plus particulièrement concernées par la problématique des intérimaires démissionnaires : l'anesthésie-réanimation, la gynécologie, l'hépato gastroentérologie. Soit un total équivalent à 35 postes de médecins selon l'état des lieux collectif conduit par le CHU de Saint-Etienne et communiqué par courrier il y a quelques jours aux parlementaires du département par Gaël Perdriau, président du conseil de surveillance du CHU et maire de Saint-Etienne.
Des leviers pour avancer sans les intérimaires
Pour poursuivre ses activités, sans les intérimaires, le Centre Hospitalier du Forez va désormais s'employer à activer d'autres leviers. Le premier étant, selon son directeur général, celui du travail sur l'attractivité de l'établissement afin de réussir à recruter davantage de médecins permanents.
« Notre atout principal sera notre projet médical. Il est ambitieux avec l'installation d'une IRM à Feurs, des travaux de rénovation importants etc. Il devrait séduire des médecins ».
L'hôpital doit également jouer sur des partenariats : en accentuant par exemple sa collaboration avec la société de téléradiologie lyonnaise Imadis, ou avec le centre privé Imagerie Loire Forez. Le Centre Hospitalier du Forez pourra également s'appuyer sur la solidarité inter-établissements, renforcée par la revalorisation récente de la prime de solidarité, cette prime versée aux médecins titulaires acceptant de renforcer sporadiquement les équipes d'un autre établissement sous tension.
Contactée, l'Agence régionale de Santé explique assurer un suivi hebdomadaire départemental et régional depuis le mois de février sur les préparatifs et les impacts de la loi Rist.
« De nombreuses situations de difficulté sur les plannings ont pu trouver des solutions. Restent quelques dates à couvrir dans les prochaines semaines mais de manière perlée et des solutions pourront être trouvées », assure l'ARS.
Sujets les + commentés