C'est une information qui est restée secrète pendant de longs mois, tant l'enjeu était important. Le joaillier de luxe Van Cleef and Arpels va ouvrir deux nouveaux sites de fabrication en Auvergne-Rhône-Alpes, l'un dans la Drôme, l'autre dans le Puy-de-Dôme, avec en perspective la création de près de 600 emplois.
Dans le Puy-de-Dôme, l'atelier sera situé dans la banlieue de Thiers, à l'est du département. Ce projet d'envergure verra le jour d'ici à 2026 sur le site de l'ancienne entreprise de métallurgie Rexo, fermé en 2012. Une usine de 6.500m2 sur 8 hectares de terrain que la communauté de communes Thiers Dore et Montagne était en train d'acquérir pour environ deux millions d'euros. La collectivité la revendra au même prix à Van Cleef and Arpels. Une opportunité foncière qui a séduit le joaillier.
Déjà très présente sur Lyon, la Maison de luxe souhaite consolider son empreinte régionale et répondre à une forte demande dans un secteur en pleine croissance. Dans un communiqué, Van Cleef and Arpels indique avoir opté pour Thiers pour sa facilité d'accès depuis Paris, Lyon et Genève, où l'entreprise est implantée. Mais surtout la ville puydômoise a un atout de taille : son histoire et sa tradition industrielles. Van Cleef and Arpels sait qu'elle pourra compter sur le savoir-faire local.
« Nous avons choisi les environs de Thiers, un bassin emblématique de l'art de la coutellerie et, plus largement, de l'artisanat du métal et du polissage » précise le groupe.
« Ce qui a aussi convaincu l'entreprise » souligne Tony Bernard, président de la communauté de communes Thiers Dore et Montagne, « c'est l'écrin verdure qu'offre le site avec une vue imprenable sur l'ensemble de la Chaîne des Puys et puis ce sont les prix du foncier attractifs. Cela a pesé dans la balance car les salariés pourront aussi se loger à des tarifs abordables. » Pour cet élu, les dimensions du lieu donnent aussi d'importantes marges de manoeuvre au joaillier qui aura l'exclusivité du site.
L'activité devrait démarrer dès septembre, d'abord de manière très restreinte, avec une vingtaine de personnes dans des locaux temporaires à Thiers. Le temps pour Van Cleef and Arpels de construire une usine pilote de 1000m2 afin de lancer la production fin de 2024. En parallèle, le site historique Rexo sera réhabilité et devrait prendre le relais en 2026. La Maison de luxe compte aussi bâtir plusieurs bâtiments de formation, de services et une Pépinière pour former le personnel. Le tout pour un investissement de l'ordre de 25 millions d'euros.
Un souffle nouveau pour Thiers
Entre 250 et 300 emplois devraient être créés sur le territoire sans compter les postes indirects chez les fournisseurs et les sous-traitants. Une aubaine pour le bassin Thiernois. Une réunion est d'ailleurs prévue fin juin avec les partenaires locaux de l'emploi pour préparer les recrutements. Recrutements qui s'étaleront sur deux ans. Un symbole fort pour un territoire qui a connu des difficultés dans les années 1990-2000.
« On peut parler de nouveau souffle. C'est exceptionnel d'attirer une entreprise aussi prestigieuse. Cela va donner une image positive de notre territoire. Mais on n'industrialise pas à partir de rien. On a une tradition industrielle ancienne. Elle demande non seulement à être maintenue mais aussi à être développée. Le fait de démontrer que l'on peut être attractif avec une activité nouvelle qui n'existait pas ici, c'est important. L'activité attire l'activité, à condition de proposer du foncier » explique Tony Bernard qui se félicite par ailleurs du recyclage de cette friche industrielle.
Deux constructions à Romans-sur-Isère
Le site de Romans-sur-Isère (Drôme) doit quant à lui accueillir deux constructions, regroupant les artisans et leurs fonctions support, et une « pépinière »de formation.
« Le choix de Van Cleef & Arpels a été conforté par la longue tradition de manufacturiers d'excellence de la région, notamment dans les secteurs du cuir, soulier et maroquinerie, », indique le joaillier
L'entreprise a choisi une parcelle de 2,5 hectares pour implanter deux constructions d'environ 5 000 m² et 1.000 m². Là aussi 300 personnes devraient être recrutées. Ces deux gros projets, « sont une grande fierté pour notre région, qui est la 2ème région française en nombre d'emplois et d'entreprises dans la bijouterie-joaillerie-orfèvrerie » s'est félicité de son côté, la Région AURA.
L'industrie du luxe dans le Puy-de-Dôme
Et Van Cleef and Arpels n'est pas la seule entreprise du luxe à s'installer dans la région. Dans le Puy-de-Dôme par exemple, Hermès va ouvrir en 2024 un nouvel atelier à Riom; près de Clermont-Ferrand. Là aussi sur un site industriel existant qui est en cours de réhabilitation, l'ancienne Manufacture des tabacs.
Pour ses Maisons, il est important de s'inscrire dans les territoires. L'origine a beaucoup de sens analyse Serge Carreira, maître de conférence à Sciences Po et spécialiste de l'industrie du luxe.
« Derrière les produits du luxe, il y a tout un imaginaire. Il y a cette image de savoir-faire ancrés dans cette identité française. Ce que l'on vend c'est aussi une aura. Et puis, l'univers du luxe s'accompagne d'une exigence toujours plus grande de traçabilité. Cet ancrage territorial permet d'assurer cette transparence. »
Et pour cet expert, attirer des grands noms du luxe est très intéressant pour un territoire car, attachée justement à l'identité, c'est l'industrie la moins délocalisable.
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