Agroalimentaire : après l’offre du groupe Avril, quel avenir pour les sites de Metex ?

Le géant de l’agroalimentaire, Avril, a déposé ce lundi une offre pour reprendre certaines activités stratégiques de l’auvergnat Metex, spécialisé dans la chimie biologique et en grande difficulté depuis plusieurs mois. Cela permettrait de sauver l’usine d’Amiens (Metex Noovistago), seul site en Europe à produire de la lysine, et de reprendre une partie des activités commerciales et R&D du groupe, certaines situées à Saint-Beauzire dans le Puy-de-Dôme. Quelques conditions suspensives doivent encore être levées. Une centaine de salariés de Metex sont encore sans solution.
Le site Metex d'Amiens, dans la Somme, devrait être repris par le groupe Avril, intéressé par la production de lysine, cet acide aminé utilisé dans la nutrition animale (Crédits : DR Metex)
Le site Metex d'Amiens, dans la Somme, devrait être repris par le groupe Avril, intéressé par la production de lysine, cet acide aminé utilisé dans la nutrition animale (Crédits : DR Metex) (Crédits : DR Metex)

A moins d'une semaine des élections européennes, c'est une annonce qui n'est pas passée inaperçue. Le groupe Avril a déposé, ce lundi, une offre de reprise pour le dernier site en Europe de production d'acides aminés de fermentation et notamment de lysine, essentielle en nutrition animale.

Symbole de souveraineté alimentaire, cette usine d'Amiens était menacée de fermeture après les difficultés économiques rencontrées par son propriétaire, le groupe Metex, dont le siège social se situe près de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).

C'est en fait la flambée du prix du sucre, ingrédient indispensable pour fabriquer la lysine, qui a contraint l'entreprise à déposer une procédure de sauvegarde, puis à se déclarer en redressement judiciaire mi-mai. Sans compter que Metex est aussi pénalisée par la concurrence chinoise. L'Etat s'est très vite du dossier.

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C'est d'ailleurs le gouvernement qui a « invité » Avril, leader dans la nutrition animale en France via sa marque Sanders (porcs, volaille, ruminants...), à se pencher sur cette reprise. Les liens étaient évidents. Depuis plusieurs semaines, les équipes du géant français de l'agroalimentaire travaillaient donc sur ce projet avec notamment des visites techniques à Amiens.

Et les discussions se sont déroulées sous l'égide du Comité Interministériel de Restructuration Industrielle. Le groupe Avril avait notamment conditionné la reprise à l'intervention, à ses côtés, d'un ou de plusieurs partenaires publics. L'Etat a répondu présent. L'offre se fait via une co-entreprise, à 55% pour Avril et 45% pour le fonds d'investissement Sociétés de Projets industriels (SPI), géré par Bpifrance pour le compte de l'Etat dans le cadre de France 2030.

« C'est l'équipe de France de l'industrie qui gagne. C'est une étape déterminante dans le sauvetage de l'entreprise. On appuie aujourd'hui pour qu'elle se développe », s'est félicité le ministre délégué à l'Industrie, Roland Lescure, qui s'est rendu à Amiens ce lundi après-midi.

Premier marché naturel, la nutrition animale

Avril compte y produire quasi-exclusivement de la lysine, avec comme premier marché naturel, la nutrition animale.

« L'incorporation de lysine dans l'alimentation du bétail permet de réduire le recours au soja importé au profit de protéines végétales locales (colza, tournesol...) », explique le communiqué du groupe, très attaché aux enjeux de décarbonation et de souveraineté française.

Avril, qui ne souhaite pas accorder d'interview pour le moment, entend utiliser le savoir-faire et l'expertise des salariés de Metex, dans une industrie qu'il ne connait pas encore. Et le groupe ne se ferme pas de portes concernant d'autres débouchés comme la cosmétique ou les médicaments. Le tribunal de commerce de Paris pourrait rendre sa décision début juillet, selon les acteurs du dossier. Quelques conditions suspensives sont encore à lever.

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« La Région Hauts-de-France et la métropole d'Amiens ont aidé à lever des conditions suspensives qui tiennent notamment à la dépollution du site d'Amiens mais je n'en dirai pas plus, car ce genre de négociations est extrêmement confidentiel », a précisé le ministre Roland Lescure.

Accord en vue sur le prix du sucre

Mais selon des sources proches du dossier, ces conditions ne sont pas un obstacle :
« rien de très compliqué, c'est quasiment fait ! ». Car les deux problèmes majeurs semblent avoir été déjà levés. Le premier sur le prix du sucre.

« Nous avons réussi à remplir les conditions qui permettent au site d'Amiens de devenir rentable », se réjouit Rudolph Hidalgo, directeur général adjoint de Metex avant de poursuivre. « Metex avait entamé, il y a plusieurs mois, des discussions avec les sucriers pour obtenir des prix compétitifs sur le sucre. Cela s'est finalisé cette semaine. Nous avons l'accord de trois fournisseurs pour les trois prochaines années. Cela a permis d'ouvrir de la place pour un repreneur. L'Etat nous a beaucoup aidé à cela. »

Il faut dire que l'usine d'Amiens consomme, à elle seule, 170.000 tonnes de sucre par an, « l'équivalent de 4% de la consommation française » selon Metex. La deuxième difficulté concernait le dumping chinois. Sur ce point, la Commission Européenne vient d'ouvrir une enquête antidumping concernant les importations de lysine en provenance de Chine. Cette procédure fait suite à la plainte déposée par Metex et ouvre des perspectives sur un éventuel protectionnisme. Autant d'éléments positifs à la reprise.

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315 emplois sauvés pour le moment

Mais l'offre conjointe du groupe Avril, propriétaire des marques Lesieur et Puget, et de l'Etat ne concerne pas que le site d'Amiens. La co-entreprise compte se porter acquéreur d'une partie des activités recherche et développement de Metex, situées dans le Puy-de-Dôme (31 personnes reprises, 30% des effectifs R&D), ainsi que les activités commerciales localisées à Paris. Au total, 304 emplois seraient sauvés sur ce périmètre.

Le dernier site de Metex, à Carling en Moselle, fait, lui, l'objet d'une autre offre, celle de la biotech belge Maash. Le tribunal doit rendre sa décision le 25 juin. Une dizaine de salariés seraient repris sur un effectif de 40 personnes.

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« Pour nos trois sites, Amiens, Carling et Saint-Beauzire, il fallait trouver des solutions avec un business modèle viable, c'est fait. Maintenant, il reste une petite centaine de salariés sur tout le groupe qui ne sont pas repris. Notamment 50 personnes dans le Puy-de-Dôme car, pour le site de Saint-Beauzire, Avril ne conserve que les activités R&D en appui à l'exploitation de l'usine d'Amiens. Les équipes de Metex qui travaillaient sur de nouvelles technologies, sur des souches pour de nouveaux débouchés ne lui sont pas utiles dans son projet. Cela n'est évidemment pas satisfaisant, nous allons nous efforcer à trouver des solutions pour ces personnes, principalement des chercheurs », explique Rudolph Hidalgo, directeur général adjoint de Metex.

Au final, 315 emplois seraient sauvés sur les 410 que compte le groupe. La maison-mère Metex pourrait se voir liquider début juillet, avec le lancement d'un PSE pour les salariés non repris.

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Commentaire 1
à écrit le 05/06/2024 à 8:11
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"Le géant de l’agroalimentaire" A accompagner de la musique de "La Marche de l'Empereur"¨ !

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