Son image accompagne celle du conseil de prud'hommes de Lyon depuis le début des années 1980, lorsqu'il prend pour la première fois la fonction de président. Bernard Augier, surnommé « Jésus », pour ses longs cheveux blonds est La figure indissociable de la juridiction lyonnaise. « Je suis entré en tant que conseiller en 1979, lors de la réforme des conseils », se souvient le militant encarté à la CGT, qui a quitté l'école à 15 ans avec un certificat d'études primaires. Un homme devenu incollable sur le droit du travail, siégeant au conseil national de la prud'homie et connaissant par cœur les rouages et enjeux politiques. « Aucun autre conseiller de structures syndicales ne lui arrive à la cheville », soutient, fidèle, Jacques Studert, conseiller CFE-CGC depuis 2002 et président salarié de la section encadrement.

Personnalité au caractère militant affirmé, Bernard Augier a su s'imposer avec conviction, et parfois force, comme un meneur fédérant aussi bien des conseillers salariés... qu'employeurs. « Il sait s'imposer avec un discours revendicatif et ce, devant n'importe quel public », évoque un élu Unsa, entré en 2004.

Les "prud'hommes chevillés au corps"

« Au-delà de mes sensibilités, j'essaye de faire l'unité dans le respect des opinions des autres organisations », répond Bernard Augier.

« Je ne partage pas ses idées mais au moins il sait être franc et direct. Il n'a pas son drapeau dans sa poche », reconnaît un avocat lyonnais.

« Il joue son rôle de leader syndical », souligne Pierre Vion, président du collège employeurs. Autodidacte, et « pédagogue », Bernard Augier est aussi salué pour ses connaissances en droit apprises au fil des années. « C'est une figure compétente qui connaît très bien les questions de prud'homie », évoque un conseiller salarié. « Il a les prud'hommes chevillés au corps, on lui doit ce respect là », remarque un avocat lyonnais défendant les patrons.

Réélu chaque année

Mais si les commentaires sur les aptitudes de l'homme sont plutôt positifs, le président des prud'hommes de Lyon essuie, à l'inverse, depuis de nombreuses années de vives critiques. « Dès le moment où vous occupez un poste dans la lumière, vous êtes certain que des personnes chercheront à vous nuire », explique-t-il, réaliste. Tant pour son tempérament que d'aucuns décrivent de « doctrinaire » : « Il est très difficile à cerner, assure une conseillère salariée. Il peut être autant charmant qu'odieux » ; que pour sa longévité à la tête de l'institution.

Provoquant quelques doutes quant à ses réelles motivations d'engagement. « Il fait partie de ses personnes qui ne vivent que pour leur mandat », critique un autre. « Cela reste une interrogation, soutient Myriam Plet. Pourtant, sans lui, le CPH ne va pas s'effondrer. »

Grâce à son aura et ses réseaux, Bernard Augier est ainsi réélu chaque année. Mais « attention, il ne peut pas faire tout, tout seul », prévient Christian Claudel, 44 années de CFDT, tenant à montrer que son organisation reste vigilante et joue pleinement son rôle au sein de la juridiction. « De plus, je réfute l'idée selon laquelle, nous le suivons coûte que coûte ».

La concurrence a bien essayé de prendre la place, dans sa propre famille d'ailleurs où les rivalités sont réelles, ou de proposer une présidence tournante, sans succès. « C'est son jouet, il ne faut surtout pas le lui prendre », critique ainsi un conseiller salarié. Pour se justifier, Bernard Augier « se réfère » simplement à « l'union départementale qui choisit » et « les salariés qui votent ». Mais avec les accords entre bases décidés en amont, aucun ne se risque à se présenter sous peine d'être écarté par la suite. Néanmoins, le poste de président fait l'objet de négociations en amont entre les autres syndicats. « Cela évite tout rapport de force entre nous, justifie Didier Van Dort de Force Ouvrière. La répartition des conseillers par section se fait ensuite par la proportionnelle. » Avec la plus importante représentation, la CGT occupe en plus de la présidence du conseil, celle de l'industrie ; Force Ouvrière le commerce, la CFE-CGC l'encadrement, etc.

L'affaire du Progrès

Bernard Augier impressionne, jouit d'une force dissuasive imparable et est doté d'un « vrai charisme ». Des caractéristiques lui permettant de résister à la pression de la fonction et de certaines affaires dont il a été en première ligne par le passé. Dont celle qui le suit encore : l'affaire du Progrès. Un emploi « fictif » selon les termes repris par certains et dont tout le monde parle, encore aujourd'hui, à l'évocation de son nom. Bernard Augier aurait en effet bénéficié d'un emploi rémunéré par Le Progrès, sans l'exercer quotidiennement, résultat d'une négociation au plus haut, entre le groupe Hersant, propriétaire à l'époque du quotidien et de sa centrale afin d'obtenir la paix sociale au sein des imprimeries.

« J'ai déjà répondu à ces critiques, c'est derrière moi aujourd'hui », répond-il, laconiquement. L'affaire l'affaiblira sans l'abattre. Bernard Augier prouvera qu'il peut rebondir. En 2008, il réussira ainsi à être le moteur de la grève des prud'hommes et a marqué à jamais de son empreinte la juridiction, avec une partie de mystère qui entoure toujours son personnage.

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