Porcher Industries en négociations exclusives

Par Marie-Annick Depagneux  |   |  617  mots
Le siège de Porcher à Badinières en Isère. ©Laurent Cerino/Acteurs de l'économie
Le fonds anglo-saxon retenu inquiète les délégués syndicaux. Le Préfet Carenco est en colère contre le choix.

Le personnel de Porcher Industries est de plus en plus inquiet à l'approche de la vente de ce fabricant isérois de textiles techniques et matériaux composites fort de 1400 collaborateurs en Europe, Asie, Etats-Unis et Russie. Les délégués syndicaux des cinq sites industriels français, tous en Rhône-Alpes, et employant 650 personnes, se réuniront cette semaine pour se concerter sur les actions à mener et exprimer leurs craintes.

Le processus de reprise est bien engagé et un contrat d'exclusivité a été signé avec un fonds d'investissement anglo-saxon, non encore présent en France, qui aurait d'ailleurs commencé à diligenter des audits. Son identité est totalement verrouillée tant le dossier est sensible. « Le 17 décembre dernier la direction nous a informés que cinq candidats étaient sur les rangs, deux industriels et trois fonds de pension. Le 20 mars, elle nous a dit que deux fonds restaient en lice, sans nous donner d'informations supplémentaires», témoigne un élu de la CGT, préférant garder l'anonymat à ce stade.

 Sun Capital exit

Des sources concordent pour indiquer que le prétendant éconduit est Sun Capital. Il avait notamment les faveurs du Préfet, Jean-François Carenco car ce financier américain, prétendant à l'achat du chimiste Kem One un temps, est connu dans l'Hexagone où il déjà procédé à des acquisitions. Dans la dernière ligne droite, son rival a surenchéri en proposant de payer l'affaire « 40 % plus cher », ébruitent plusieurs personnes. Se sentant mis à l'écart, les délégués syndicaux se posent des questions sur les éventuelles conséquences humaines d'autant que ce repreneur potentiel ne s'intéresserait pas à l'intégralité des activités, et notamment aux airbags, ont ils appris.

Grève fin mars

Les premières tensions sociales se sont exprimées avec la grève du 24 et 25 mars 2014, largement suivie par les salariés des 5 usines. Au bout de deux jours, ils ont obtenu une revalorisation salariale de 2 % la direction voulant sans doute faire taire rapidement la contestation. Depuis décembre 2012, Henri Brosse, ancien directeur financier a été nommé directeur général et concentre l'ensemble des pouvoirs opérationnels du groupe sis à Badinières (Isère) et fondé en 1912.

La cession de l'entreprise, qui s'est imposée du fait de fortes et douloureuses dissensions entre les actionnaires familiaux est encore refusée par Philippe Porcher, fils de Robert Porcher, décédé en 2011, désormais écarté de tous les organes décisionnels. Ces désaccords, qui remontent à loin, ont été portés devant les tribunaux.

Profondes dissensions familiales

Fin 2012, la Cour de Cassation tranchait. Dans son arrêt, cette juridiction suprême confirmait le jugement de la cour d'appel de Grenoble, laquelle avait prononcé, en mars 2011, la dissolution des deux holdings familiaux antagonistes - d'une part la société civile des « Terres froides » et d'autre part « La Saumuroise de participations »- contrôlant le groupe à hauteur de 67 % aux côtés de trois institutionnels minoritaires (BNP Paribas, Siparex Croissance et Natexis) pour les 33 % restant.

Suivait, la désignation de Bruno Sapin, mandataire social chargé de procéder à la liquidation des dits holdings et la mise en vente de Porcher Industries. Pour mener à bien l'opération, il s'est appuyé sur Rothschild, désigné après consultation. En qualité de banque conseil, « elle a pris une centaine de contacts. Nous souhaitions trouver un repreneur industriel mais la conjoncture les rend timorés aujourd'hui », regrettait il y a quelque temps l'administrateur judiciaire interrogé par Acteurs de l'économie.

Or, le fabricant, longtemps considéré comme un champion très innovant, pesant 263 millions de chiffre d'affaires en 2013, en très léger recul, ne veut ni être bradé, ni être démantelé.