Coronavirus : Le fondateur de SNF mis en cause pour importation illégale de chloroquine

Par Stéphanie Gallo Triouleyre  |   |  804  mots
(Crédits : DR)
René Pich, l’emblématique fondateur de l’entreprise SNF, géant français de la chimie dont le siège est dans la Loire, est mis en cause dans une affaire d’importation illégale de chloroquine, pour son usage personnel et celui de ses salariés.

René Pich, fondateur et co-actionnaire de SNF à Andrézieux-Bouthéon dans la Loire, a été placé en garde à vue ce lundi 6 avril, puis relâché en fin de journée. Deux perquisitions ont été ordonnées au siège du leader mondial de la production de polymères hydrosolubles pour le traitement de l'eau, la récupération assistée du pétrole et les réactifs pour mines (6 500 salariés, dont 1500 à Andrézieux ; CA 2019 : 3,4 milliards d'euros).

Lire aussi : Covid-19 : SNF lance une production de gel hydroalcoolique

L'entrepreneur, retiré des fonctions opérationnelles mais néanmoins toujours très actif dans les décisions de l'entreprise, est mis en cause pour avoir importé 900 comprimés de chloroquine, via une commande internet, depuis l'Inde. Puis de les avoir proposés, via une note interne datant du 23 mars, à ses salariés potentiellement contaminés par le Covid-19 en France et à l'étranger. L'affaire a été révélée par nos confrères de Mediapart et Libération ce dimanche 5 avril.

"Rien ne garantit la qualité de ces médicaments. Nous avons été informés de cette situation par l'Inspection du Travail le 31 mars dernier. Nous avons immédiatement décidé de nous saisir de l'affaire, sans attendre de plainte. Celle-ci est arrivée deux jours plus tard, elle émanait de la CFDT", relate le procureur adjoint de Saint-Etienne, André Merle.

Deux motifs sont examinés dans cette affaire : l'exercice illégal de la médecine et l'exercice illégal de la pharmacie.

"Chacun doit rester à sa place. Ces médicaments ont été importés sans avoir respecté les conditions de sécurité adéquates. Rien ne garantit la qualité de ces comprimés", poursuit-il.

350 comprimés sur les 900 ont d'ores et déjà été remis à la justice par René Pich, "de mauvaise grâce", souligne encore le procureur adjoint.

"A priori, aucun salarié n'aurait consommé de comprimés".

La gendarmerie de Montbrison poursuit les investigations, le Parquet prendra une décision dans les prochaines semaines sur une éventuelle mise en examen. Sollicitée, l'Inspection du Travail n'a pas souhaité commenter son intervention.

Incrédulité

Eric Triplet, secrétaire général chimie-énergie de la CFDT, fait part de son "incrédulité totale" lorsque cette information a été relayée par les délégués CFDT de l'entreprise.

"Nous avons constaté une escalade de la situation. Dès le 17 mars, SNF a présenté son plan de continuité, nous avons immédiatement déposé une requête pour mise en danger grave et imminent. L'entreprise avait décidé de poursuivre l'ensemble de ses activités, y compris celles non essentielles. De plus, les conditions sanitaires n'étaient pas satisfaisantes", détaille le syndicaliste.

Il évoque une note interne de René Pich où celui-ci fulmine contre "ceux qui paniquent et se calfeutrent dans leur trou comme des rats", ou de "ceux qui comme d'habitude sabotent le travail des autres".

"Nous avons prévenu immédiatement l'Inspection du Travail. Une semaine plus tard, nous avons vu arriver une deuxième note interne proposant de la chloroquine, avec une posologie. Nous avons réagi immédiatement afin de protéger les salariés".

Et de regretter la "tension sociale régnant dans cette entreprise", citant, notamment, le refus de la direction de laisser siéger un remplaçant d'un élu CFDT atteint du Covid-19.

"Je ne comprends pas comment un grand monsieur comme René Pich, un entrepreneur brillant a pu ainsi se mettre au-dessus des lois ?", s'interroge-t-il..

« Sa générosité se retourne contre lui »

Le médiatique Maitre Buffard, avocat de René Pich, pense avoir la réponse.

"Il a voulu aider. Sa générosité se retourne contre lui".

Et d'expliciter la version de l'entrepreneur :

"SNF a un site en Chine. Lorsqu'il a vu ce qu'il se passait là-bas, il a vite compris les conséquences pour les Français aussi et a commandé des masques, des gants, des lunettes ainsi que des comprimés de chloroquine effectivement. Ils ont été achetés auprès d'un grand laboratoire pharmaceutique indien qui a pignon sur rue".

Selon l'avocat, dont les dires sont confirmés par le procureur adjoint, René Pich en a gardé 350 pour lui, et aurait remis les 550 autres à quatre établissements hospitaliers du département, en même temps que des masques, des gants et du gel hydroalcoolique.

"Il a effectivement proposé de partager ceux qu'il avait gardé pour lui avec ses salariés, tout en leur rappelant les précautions à prendre. Cette histoire est ridicule. Sa générosité se retourne contre lui. Si le Parquet devait poursuivre, je trouverais cela complètement insensé dans le contexte actuel", s'emporte Maitre Buffard.

Ce dernier rappelle par ailleurs que ces achats ont été faits avant la parution des décrets restreignant la prescription de chloroquine.