Covid-19  : Un essai clinique d'envergure piloté depuis Lyon

Par Stéphanie Borg  |   |  792  mots
(Crédits : © Peter Nicholls / Reuters)
Un essai clinique européen, destiné à évaluer quatre traitements expérimentaux, dont la déjà controversée chloroquine, a démarré depuis dimanche. Il est piloté depuis Lyon mais inclura également des patients de Paris, Lille, Nantes et Strasbourg.

Depuis dimanche, Lyon est devenu l'épicentre français du programme Discovery, un essai clinique destiné à évaluer quatre molécules pouvant agir sur les formes sévères de Covid-19.

Piloté par Florence Ader, infectiologue dans le service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital de la Croix-Rousse au CHU de Lyon et chercheuse au Centre international de recherche en infectiologie CIRI (Inserm/CNRS /Université Claude Bernard Lyon 1), il prévoit d'évaluer quatre molécules ou des combinaisons de molécules déjà existantes : le Remdesivir (utilisé notamment pour Ebola), le Lopinavir et Ritonavir (une combinaison déjà utilisée pour le VIP), le Lopinavir, Ritonavir et Interféron beta (antiviraux et inflammatoires) et l'Hydroxy-Chloroquine, rajoutée à la demande de l'OMS et de l'Etat français "pour avoir des résultats fiables sur ce produit", souligne le professeur Bruno Lina, responsable du Centre national de référence virus des infections respiratoires et membre du Conseil scientifique sur le coronavirus.

Cet essai devrait s'appliquer à "au moins" 800 personnes en France hospitalisés pour une infection de Covid-19. Ils seront sélectionnés, pour commencer, dans cinq hôpitaux français : Paris - hôpital Bichat-APHP, Lille, Nantes, Strasbourg et Lyon.

"Nous ouvrirons d'autres centres pour arriver au moins à une vingtaine d'établissements participants. Notre stratégie d'ouverture de centre suivra la réalité épidémiologique de l'épidémie avec une priorisation à l'ouverture de l'essai dans des hôpitaux sous forte pression. Ce sont aussi des centres qui ont les moyens de suivre en temps réel les données", poursuit Florence Ader.

Les premiers patients ont déjà été sélectionnés à Paris et à Lyon.

L'attribution des différents traitements se fera de façon "randomisée", c'est à dire aléatoire via un système informatique et électronique, même si les patients et les médecins sauront ensuite quel traitement est utilisé. Les patients sont sélectionnés sur la base de deux critères : la pneumonie et leurs besoins en oxygène. Mais surtout lorsque ces symptômes apparaissent très vite.

"Tout l'enjeu consiste à administrer les traitements le plus rapidement possible. Nous avons observé que les délais de mise sous traitement est un facteur important de réussite", précise le professeur Bruno Lina.

Essai "adaptatif"

La mise en œuvre de l'essai se rapproche des méthodes utilisées par les organisations agiles qui ont la capacité d'abandonner des projets lorsqu'ils ne sont pas efficients. En effet, l'essai est qualifié "d'adaptatif" par ses initiateurs.

"Très rapidement, les traitements expérimentaux inefficaces pourront être abandonnés et remplacés par d'autres molécules qui émergeront de la recherche. Nous pourrons donc réagir en temps réel, en cohérence avec les données scientifiques les plus récentes, afin de mettre en évidence le meilleur traitement pour nos malades", poursuit Florence Ader

Pour cela, les résultats sont recueillis quasiment en temps réel, "avec un recueil extrêmement exhaustif des données au jour le jour".

Cet essai se veut également "pragmatique dans une démarche de recherche proactive contre la maladie mais toujours dans un souci d'obtenir des arguments scientifiques solides", précise-t-elle.

L'analyse de l'efficacité et de la sécurité du traitement sera évaluée 15 jours après l'inclusion de chaque patient. En réalité, les premiers résultats devraient plutôt tomber dans six semaines. Les deux praticiens espèrent que l'une des molécules donnera de bons résultats pour ainsi "rapidement basculer vers une utilisation clinique".

Consortium européen

Par ailleurs, l'essai prévoit d'inclure également 2 400 patients européens : Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l'Allemagne et l'Espagne pour commencer. D'autres pays, comme le Royaume-Unis, pourraient rapidement rejoindre l'échantillon.

Car Discovery s'inscrit dans le cadre du consortium européen REACTing, un groupe multidisciplinaire rassemblant différents laboratoires dédiés aux maladies infectieuses émergentes sur la base d'une mobilisation en temps réel,en partenariat avec l'Alliance pour les sciences de la vie et de la santé (CEA, CNRS, INRAE, Inria, l'Inserm, l'Institut Pasteur, l'IRD, la CPU et la Conférence des directeurs généraux de centres hospitaliers régionaux et universitaires).

En France, il est piloté par l'Institut thématique Immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie (I3M) de l'Inserm, dirigée par le professeur Yazdan Yazdanpanah, de l'Hôpital Bichat, à Paris et financé en partie par le ministère des Solidarités et de la Santé et du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation

Monté en moins d'un mois, un "temps record", selon Florence Ader, Discovery complétera les données d'un autre essai clinique international qui va bientôt commencer sous l'égide de l'Organisation Mondiale de la Santé, baptisé Solidarity.