L'inventivité, indispensable pour réindustrialiser de façon durable

FACE A LA CRISE. Grande région industrielle, Auvergne-RhôneAlpes a vu fleurir de multiples innovations pour répondre aux besoins de production nés de la crise. Cette inventivité de circonstance peut-elle se transformer en une réindustrialisation durable ?
1 sur 4, la proportion d'entreprises craignant une faillite dans les prochains mois selon Mont-Blanc Industries
1 sur 4, la proportion d'entreprises craignant une faillite dans les prochains mois selon Mont-Blanc Industries (Crédits : DR)

« Je rends hommage à nos entrepreneurs. Ils ont relevé le défi de l'approvisionnement, de la capacité à produire des produits "made in Auvergne-Rhône-Alpes" en faisant preuve de réactivité et d'adaptation », se félicitait Laurent Wauquiez, le président (LR) de la Région en mars dernier.

En quelques semaines, de nombreux industriels ont répondu à son appel : reconversion de l'appareil productif pour fabriquer des masques en tissu ou du gel hydroalcoolique, création d'un collectif d'industriels et de chercheurs d'Auvergne-Rhône-Alpes pour développer un nouveau type de masque réutilisable jusqu'à 100 fois, fabrication de blouses lavables ou de distributeur de gel sans contact... les initiatives se comptent par dizaines.

Avec le déconfinement et la reprise des activités industrielles, certaines productions commencent à se tarir faute de commandes ou de débouchés.

« Avec les masques, l'industrie a pu montrer qu'elle était formée de TPE/PME agiles, capables de créativité, de souplesse et de mobiliser des forces, voire de créer des emplois. Après une demande forte, où il a fallu produire jour et nuit, il est plus difficile de transformer l'essai.
D'autant que les vieux démons reviennent vite : on oppose déjà masques jetables et masques textiles et durables sur l'autel du prix à l'unité, alors qu'il faudrait plutôt évoquer un coût à l'utilisation »,
regrette Olivier Balas, président du syndicat régional du textile Unitex et dirigeant de Balas Textile, créateur et fabriquant de tissus techniques.

Pour construire une filière en France et continuer à y produire, « il faudrait que les consommateurs soient partie prenante de l'acte d'achat en leur assurant une traçabilité de la production », estime-il.

Si les industriels confirment que les envies et les besoins des consommateurs évoluent, même s'ils restent contradictoires et que leur pouvoir d'achat doit pouvoir suivre, ils avancent néanmoins que la prise de conscience évolue dans l'esprit des gouvernants.

« Nos dirigeants commencent à davantage évoquer l'intérêt de garder une souveraineté industrielle. La réindustrialisation passera par une volonté politique forte », avance Jean-Charles Potelle, le PDG du groupe Boldoduc qui a monté une usine éphémère de masques en tissu pendant le confinement.

« On ne peut pas se réindustrialiser par décret, tempère Jean-Luc Raunicher, le président du Medef Auvergne-Rhône-Alpes. Il nous faut des mesures concrètes. C'est moins le coût du travail que les impôts qui pèsent lourdement sur la compétitivité, comme la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la cotisation foncière des entreprises (CFE), la taxe foncière, la taxe locale sur les enseignes et publicités extérieures (TLPE) ou le versement mobilité. »

« Les niveaux de taxation sont importants, on a du mal à être compétitif même si on réalise un beau chiffre d'affaires en exportation. Cela démontre notre génie et notre inventivité à proposer des choses à l'international, même si c'est moins producteur d'emplois », abonde Marc Balas.

Maintenant un vivier de compétence

Au-delà de la posture politique, la réindustrialisation a des atouts à faire valoir : innovation, circuits courts, réduction de l'empreinte carbone, traçabilité mais, surtout, maintient des compétences industrielles.

« Plutôt que de ramener des emplois, il faut d'abord conserver les savoir-faire, maintenir un vivier de compétences indispensable pour redémarrer mais aussi pour assurer l'avenir. Le timing des politiques n'est pas forcément celui des entreprises, la filière industrielle se construit sur un temps long », poursuit le président d'Unitex.

Pour les industriels, il ne s'agit pas de perdre les acquis, difficilement obtenus avec des années de revalorisation de leurs activités auprès, notamment, des plus jeunes.

« Nous avons toutes les compétences nécessaires, nos jeunes sont bien formés à l'innovation et à la technologie tout en étant soucieux de l'environnement, pas besoin d'aller chercher ailleurs. Il ne faut pas les oublier dans l'après-crise », s'inquiète Christophe Chambet, président du groupe Pracartis, spécialiste de solutions globales d'usinage de précision (160 salariés, 30 millions d'euros de chiffre d'affaires).

L'entrepreneur, installé à Peillonnex (Haute-Savoie), a tiré les leçons de la crise de 2008, « même si elle est différente et moins violente », en diversifiant déjà à l'époque son savoir-faire et ses clients, passant de l'automobile à l'aéronautique.

« Après les crises, on ne peut pas se relancer sur les mêmes bases compte tenu des mutations technologiques et de la transition écologique qui s'impose. Il faut profiter de ce redémarrage pour innover, car c'est là le véritable accélérateur de croissance », précise-t-il.

Ainsi, Christophe Chambet se prépare à pivoter à nouveau : ses projets de R & D l'on conduit vers l'hydrogène et un masque respiratoire transparent, basé sur la filtration mécanique et qui laisse voir les expressions du visage. Sur les deux Savoie, le réseau des entreprises industrielles Mont-Blanc Industries (300 adhérents) du pôle de compétitivité Cimes note dans un étude récente qu'une entreprise sur quatre craint la faillite « dans les prochains mois ou semaines ».

« Nous sommes une région industrielle et, à ce titre, nous sommes particulièrement touchés par la crise. Nous devons nous transformer, car ce sont les aspects sociaux et l'emploi qui sont en jeu », conclut Jean-Luc Raunichet. Réindustrialiser oui, mais à condition de sauver les emplois existants d'abord.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 03/08/2020 à 17:26
Signaler
L'innovation a été verrouillée par le capital pour monopoliser les rentes qu'elle génère. On le voit dans l'industrie pharmaceutique qui impose des tests randomisés très onéreux, alors que les traitements les plus utilisés dans le monde n'en ont pas ...

à écrit le 03/08/2020 à 17:07
Signaler
L'innovation n'est pas un (le) progrès, mais simplement la fabrication d'une rente avec l'aide de la communication publicitaire!

à écrit le 03/08/2020 à 13:21
Signaler
reindustrialisation de la france? tres drole! spirituel, meme! c'etait pas terrible avant les 35 heures payees 39, depuis ca descend copieux ( suffit de relire patrick artus); mais le gvt hollande, ca a definitivement mis le coup de grace! ca n'in...

le 04/08/2020 à 7:35
Signaler
toujours a regarder la faute des ouvriers ce n'est pas ni les 40heures voir les congé paye ou même les 35 heures qui ont sabordé l'industrie en France mais simplement nos technocrate avec leurs taxes et charges démesuré sur les entreprise que l'é...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.