A Lyon, la Gonette dernière-née des monnaies locales

Par Maxime Hanssen  |   |  926  mots
En septembre 2015, l'agglomération lyonnaise se dotera d'une monnaie locale : la Gonette, comme une vingtaine de villes en France. Menée par un collectif citoyen, cette initiative vise à favoriser l'économie réelle et l'activité locale. L'argent circulant dans un circuit fermé, il n'alimente pas les flux spéculatifs.

Voilà un signe de dynamisme et de légitimité grandissante des monnaies locales. Lyon, la deuxième ville de France se plonge à son tour dans la masse des monnaies complémentaires, avec son projet "la Gonette", (référence au terme "Gone", un bambin en patois local) à venir d'ici septembre 2015. Si les Toulousains peuvent payer en Sol Violette, à Grenoble, on utilise la Zeybu et les basques peuvent avoir des Euskos dans le porte monnaie.  Il existe 25 monnaies locales complémentaires en France, et près d'une vingtaine de projets.

Dynamiser l'économie locale

L'objectif initial d'une monnaie de ce type est de dynamiser le tissu économique local. L'argent circule alors dans un circuit fermé et ne s'évapore pas dans l'économie spéculative. " Ancré sur un territoire, il n'a pas d'autre valeur que sur un lieu déterminé. C'est une réponse citoyenne aux dérives de la finance", argumente Nicolas Briet membre du collectif la Gonette.

 "A Lyon, notre motivation principale est de créer une dynamique favorable à la relocalisation de l'économie, plus éthique et plus responsable", poursuit Hervé, informaticien et membre du collectif "la Gonette".

Basé sur un réseau de commerçants "labélisés", c'est-à-dire respectant les valeurs de l'économie sociale et solidaire, cette monnaie complémentaire, qui n'a pas vocation à remplacer l'euro, a pour ambition, à terme, de mailler l'ensemble du Grand Lyon.

A l'heure actuelle, une 20e de commerçants ont signé un pré-engagement, et plus d'une 50e se disent intéressés.  "Il faut diversifier au maximum les structures pour ce soit attractif pour les consommateurs", prévient Hervé. Mais également d'atteindre une masse critique d'utilisateurs. Cependant, il est beaucoup plus dur de trouver des utilisateurs que des prestataires dans ce genre de projet.

Création d'emplois

"En payant en monnaie locale, on soutient le producteur, mais également tous les circuits locaux qu'il y a autour", explique Clémentine Arsane du collectif. L'idée est de créer un écosystème vertueux, impliquant le consommateur, mais également les fournisseurs.  Et dans l'idéal, permettre la création  d'emplois, en concentrant l'activité économique sur un territoire, face à la délocalisation.

La Gonette est adossée à l'euro, pour une question de pragmatisme et d'efficacité, même si cela fait grincer quelques dents au sein du collectif. Chaque Gonette émise (géré par le collectif) aura son équivalent en euro, déposé sur un fonds de garantie. L'association souhaite se tourner vers une banque responsable et éthique, comme la Nef.  Ce n'est donc pas une création de monnaie, mais plus une conversion. Par ailleurs, cet argent déposé permet de financer des projets entrepreneuriaux ciblés.

Aventure citoyenne

" La monnaie est un bien commun qui concerne tout le monde. On veut donc s'appuyer sur le maximum d'acteurs pour développer la Gonette : institutionnels, économiques, citoyens", explique Nicolas Briet, l'un des porteurs du projet. La plupart des initiateurs sont issus de collectifs citoyens, comme le mouvement Colibris, ou via les réseaux de l'économie sociale et solidaire. Le choix du nom de cette monnaie résulte d'un vote parmi la trentaine de propositions. Le même processus sera à l'oeuvre pour la sélection de la typographie du billet.

Dès la première réunion, en octobre 2011, plus de 150 personnes étaient présentent pour débattre de ce projet. Puis, développée par des étudiants de l'école de commerce 3A, cette idée va progressivement se structurer. Aujourd'hui, elle est portée par un comité de pilotage et par deux commissions (communication et prestataires), mobilisant une dizaine de membres actifs et plus généralement, une cinquantaine de personnes.

Carte interactive des monnaies locales utilisées en France. En vert celles en circulation en rouge les projets en cours.

Soutien des pouvoirs publics

Si l'initiative s'appuie sur la base, il nécessite le soutien des institutions publiques.  "Si les acteurs du terrain sont le moteur essentiel, il faut également des personnes convaincues dans les rouages institutionnels", analyse un administrateur territorial du Grand Lyon proche du dossier depuis des années.

Cette collectivité est sensibilisée à l'idée d'une monnaie alternative. En 2008, une initiative avait été lancée par le conseil communautaire suite à un appel d'offres de l'Union européenne. Alors que le projet était a l'étape du vote du délibéré, certains élus ont exprimé leur peur de fausse monnaie, symbolisant la frilosité de l'époque face à ce nouveau concept, sur fond de réélection.  "De toute façon, le projet n'était pas mûr sur le terrain. Contrairement à aujourd'hui.  Mais nous ne pouvons jamais être certains", poursuit le fonctionnaire.

Une phase d'expérimentation

Le projet est favorablement accueilli par la Région Rhône-Alpes, notamment sous l'impulsion de Cyril Kretzschman (EELV), conseiller régional à la nouvelle économie. Quant au sénateur-maire Gérard Collomb, "il ne peut être que favorable à ce qui crée de l'économie réelle, notamment si une telle initiative permet d'en générer davantage", confie le collaborateur du Grand Lyon et ancien conseiller du maire de Lyon. Mais c'est sur les mairies d'arrondissement que souhaite s'appuyer en priorité la Gonette.

Justement, le collectif va mener une phase d'expérimentation en s'appuyant sur des quartiers pilotes, à fort caractère alternatif et écologique, comme celui du 1er arrondissement de Lyon, où la maire Nathalie Perrin-Gilbert (Front de Gauche) soutient l'initiative. Avant que cette monnaie ne fasse tâche d'huile sur l'ensemble du territoire. Jusqu'à ce que Gérard Collomb soit rémunéré en partie en Gonette ?