Halte à l'ubérisation sauvage

Par Alain Audouard  |   |  767  mots
UberPop est la face émergée de l'iceberg d'une nouvelle façon de consommer qui bouleverse notre rapport au service, au travail et à la qualification. Mais Uber, loin d'être vertueux, est un modèle économique de régression, dont le consommateur sera au final, le grand perdant. L’État doit agir pour mettre en place une vraie économie collaborative équitable dans le respect du droit. Les artisans, qui ne craignent pas la juste concurrence, y sont prêts. Par Alain Audouard, président de la Chambre des métiers et de l'artisanat du Rhône.

Nous devons nous poser la question de l'avenir de l'artisanat, car la crise que traversent nos entreprises n'est pas seulement une crise, mais en réalité une modification profonde du monde dans lequel nous vivons. Aujourd'hui nos entreprises sont malmenées et s'il y a quelques signes encourageants de reprise, l'activité ne reprendra pas comme avant 2008, car le monde a profondément changé, les causes de mutation sont identifiées et sont nombreuses. Le développement de l'économie collaborative et le développement de l'économie numérique à vitesse grand V, remettent en cause l'équilibre de nos systèmes sociaux et économiques.

On assiste à une « Ubérisation » de la société !

UberPop, service de réservation en ligne d'un particulier chauffeur occasionnel, est la face émergée de l'iceberg d'une nouvelle façon de consommer qui bouleverse notre rapport au service, au travail et à la qualification. Après Uber pour les transports, Airbnb pour l'hôtellerie, une plate-forme se propose de gérer les coiffeurs ! Et bientôt de nouvelles applications mobiles pour appeler qui ? Un particulier plombier occasionnel, un particulier garagiste occasionnel... Voire un particulier médecin occasionnel ?

L'inventivité des concepteurs de plates-formes numériques n'épargne aucun métier, tant l'aventure est lucrative. Les grandes entreprises du numérique Google, Amazon, Apple... possèdent des moyens marketing extrêmement puissants, mais aussi avec des conditions d'exercice qui dépassent nos frontières, nos impôts, nos charges sociales, etc.

L'État doit agir

Toutes les entreprises traditionnelles, créatrices d'emploi en France, sont prises en otage par ces plates-formes digitales basées à l'étranger, aux effets néfastes sur notre économie et notre société, puisqu'elle s'affranchissent des réglés et échappe à notre système fiscal .

Les Chambres de métiers lancent un appel à réagir pour que le modèle économique de demain soit une économie collaborative équitable. Dans le respect du droit français, de l'intérêt de l'État et le respect des métiers de l'artisanat. Les artisans, qui ne craignent pas la juste concurrence, y sont prêts.

Nous demandons à l'État de rétablir l'équité :

  • soit en organisant sans délai la récupération des taxes sur ces plates-formes off-shore sauvages très lucratives
  • soit en supprimant les charges pour tous ceux qui créent de l'activité économique.

Un modèle économique de régression

Nos entreprises artisanales ne peuvent pas rester les seules à subir tous ces prélèvements alors que des pans entiers de notre économie s'affranchissent partiellement ou en totalité de ces règles. Cette évolution vers une économie numérique est inéluctable, et s'il est de notre devoir d'aider les artisans à s'adapter à ces nouveaux paradigmes, une rénovation de notre système social et fiscal est indispensable sous peine de voir exploser notre modèle de société issu de 1945.

Si on laisse faire, tous les artisans risquent de devenir les nouveaux esclaves de ces plates-formes, de perdre la maîtrise du prix de leur travail et d'être concurrencés par des intermittents à la qualification invérifiable ou encore des travailleurs clandestins. Ces plates-formes sont en réalité des multinationales puissantes qui contournent les cotisations sociales et fiscales et utilisent une armada de juristes pour y échapper .

Racket sur le produit du travail

Les sites internet valorisent le prix et le délai et non le prix en rapport avec la qualité du travail effectué. Ce sont des intermédiaires. Le modèle des plates-formes, c'est le prix ajusté sur leurs marges, la rapidité sans la sécurité et l'anonymat sans responsabilité, le contournement des réglementations et des taxes. Les gagnants de la guerre des prix sur internet seront toujours les multinationales qui imposeront leur loi à une armée d'intermittents.

Ces nouveaux systèmes ne créent pas de nouveaux emplois sinon précaires, imposent au client un modèle de consommation irresponsable. C'est le recul du salariat, la prolifération du travail clandestin, la précarisation de millions de Français. Les ressources de l'État s'effondreront et les petites entreprises locales seront définitivement asphyxiées par les charges.

Roulette russe

Sans oublier que le consommateur joue à la roulette russe. Premier coup, le client paie moins cher. Deuxième coup, il n'a pas de recours en cas de litige ou d'accident. Troisième coup, ses cotisations sociales explosent, car l'État est spolié. Quatrième coup, les métiers traditionnels disparaissent. Cinquième coup, ses enfants sont des intermittents de l'économie. Le sixième coup est pour lui, il a oublié le recul