Farid Hamel (Bâtonnier de Lyon) : "Les Experts-comptables doivent cesser la surcommercialisation de leur métier"

Par Stéphanie Gallo Triouleyre  |   |  605  mots
(Crédits : DR)
Le Bâtonnier de Lyon, Farid Hamel, est agacé par les récentes prises de parole de Damien Dreux, président de l’Ordre des Experts-comptables de la région. Celui-ci revendiquerait, à mauvais escient selon le Bâtonnier, une spécialité propre aux avocats : le droit social.

Vous avez écrit, il y a quelques jours, une lettre ouverte à Damien Dreux, président de l'Ordre des Experts-Comptables Rhône-Alpes. Dans celle-ci, vous lui rappelez que « le droit est l'affaire de professionnels spécialisés », c'est-à-dire des avocats. Quel est le problème ?

J'ai été saisi par des confrères. Depuis quelque temps, nous constatons que Damien Dreux fait un certain nombre de communications revendiquant la place des experts-comptables dans d'autres spécialités que leur activité centrale, et notamment en matière de droit.

Il a récemment fait une attaque très directe contre les avocats, dans un publireportage paru dans le Progrès. Il dit : "Les sociétés d'expertise-comptable sont les acteurs les plus importants sur le marché du conseil en ressources humaines et de prestations en matière sociale pour les entreprises et les associations ». Il indique aussi : « Nous ne considérons pas les avocats en droit social comme des concurrents : ils interviennent sur les contentieux et en interprofessionnalité avec nous pour ceux qui n'ont pas de juriste dans leur cabinet".

Cela signifie qu'on ne fait que du contentieux ! C'est complètement faux. Le principal de l'activité se fait dans le conseil et le juridique pur. Quoi qu'il en soit, les experts-comptables ne peuvent pas revendiquer une spécialité dans un domaine hyper-pointu comme celui-ci. C'est comme si un chirurgien de l'épaule opérait quelqu'un pour une myopie. Même s'il est chirurgien, ce n'est pas son domaine.

Là, c'est pareil, les experts-comptables travaillent avec les entreprises mais ne maîtrisent pas tout.

Un expert-comptable n'est donc pas expert en droit social ?
Non, dans leur formation universitaire, ils ont peut-être quelques dizaines d'heures de cours en droit. Cela n'en fait pas des spécialistes. Même s'ils recrutent de plus en plus des juristes dans leurs cabinets, ce n'est pas suffisant car personne ne les contrôle, les experts-comptables n'en sont pas capables.

Ce sont des hommes du chiffre, pas des hommes du droit. A chacun sa place. Dire qu'un expert-comptable est un spécialiste du droit social est une énormité !

Est-ce qu'il y avait eu des antécédents de tension ou de tentative d'appropriation ?
Depuis une bonne dizaine d'années, nous avons en mis place un fonctionnement en interprofessionnalité avec les notaires et les experts-comptables. Nous travaillons en bonne intelligence. Par exemple, nous faisons une présentation commune à l'occasion de la Loi de Finances et nous intervenons ensemble lors des événements à destination des entreprises. Cela permet à nos clients d'avoir des réponses complètes. Il faut savoir qu'à Lyon, nous avons un barreau d'affaires très conséquent puisqu'il représente plus de 60% de la profession ici. Il a toujours travaillé main dans la main avec les experts-comptables.


Que dit la loi en la matière ?
C'est assez complexe mais en résumé elle autorise les experts-comptables à faire du juridique si c'est l'accessoire. Cela ne peut pas être une activité principale.

Comment expliquez-vous cette incursion des experts-comptables dans la sphère du droit ?
La profession a subi une attaque très forte avec la loi Pacte puisqu'elle supprime les commissaires aux comptes pour un certain nombre d'entreprises. Les experts-comptables cherchent donc, je pense, à se positionner sur de nouveaux marchés. Et notamment sur ceux des avocats.

Ce n'est pas la bonne méthode. Ou alors, qu'ils passent le diplôme d'avocat spécialisé.

Avez-vous eu une réponse à cette lettre ouverte ?
Non, pas encore. Mais le courrier est récent. Cette lettre est une façon de lui demander d'arrêter cette sur-commercialisation sur son métier et ces publicités mensongères.