Pascal Droux : "Les hôteliers doivent regagner en indépendance"

Par Propos recuellis par Didier Bert  |   |  626  mots
Pascal Droux, président national de la branche hôtellerie de la FAGIHT
Face aux géants du web, les dirigeants d'hôtels ont les moyens de ne pas rester pieds et mains liés, affirme Pascal Droux, président national de la branche hôtellerie de la Fédération autonome générale de l'industrie hôtelière et touristique (FAGIHT) et hôtelier à Annecy (Haute-Savoie).

Acteurs de l'économie : Les hôteliers sont-ils devenus trop dépendants des agences en ligne?

Pascal Droux : Aujourd'hui, Expedia et Booking détiennent un oligopole sur la réservation d'hôtels. Ils présentent 99% de l'offre. Et leurs commissions peuvent s'élever à 17% du prix de la réservation. Or, les hôteliers ne peuvent plus en sortir sinon leur activité va chuter.

Comment en est-on arrivé à cette situation?

Quand les agences de voyage en ligne (OTA) sont arrivées, nous avons trouvé ça extraordinaire! C'était des interlocuteurs complémentaires aux tour-opérateurs, et qui prenaient les mêmes commissions, de l'ordre de 8 à 10%. Mais nous n'avons pas vu que ces sociétés allaient préempter la totalité du marché sur Internet. Or, leur objectif est de vendre un hôtel, quelle qu'il soit. Ils cherchent à nous enlever la relation avec le client, alors que c'est notre force.

Comment les OTA ont-ils réussi?

Leur démarche ressemble à celle de la grande distribution. Les gens croient qu'il est moins cher de passer par ces agences en ligne, alors que les prix sont les mêmes qu'en réservant directement auprès de l'hôtel. Par contre, les commissions versées par les hôteliers ont augmenté : nous payons 17% aujourd'hui! Ils ne seront jamais rassasiés. On a toujours été prêts à payer pour toucher des gens auxquels nous ne pouvions pas accéder. Mais à présent, ils captent même des clients qui seraient venus directement à nous, et ils nous les revendent!

Les hôteliers doivent-ils se retirer de ces sites?

Non, car ils peuvent apporter de nouveaux clients. Mais les hôteliers doivent prendre conscience qu'il faut utiliser ces sites dans l'intérêt du consommateur et de l'hôtelier. Il ne faut pas donner toutes ses chambres aux géants du web.

Comment attirer les internautes directement sur le site de l'hôtel?

Il y a un vrai travail de commercialisation à faire parce que les trois-quarts des consommateurs réservent maintenant sur Internet. L'achat doit être facilité, en proposant un vrai bouton de réservation en ligne sur le site, qui permet au client de réserver directement... mais pas d'être envoyé vers Booking ni vers Expedia! Et il faut déposer sa marque.

Vous parlez du nom de l'hôtel?

Oui, il faut refuser aux OTA le droit d'utiliser sa marque, qui est le capital le plus précieux : si le nom de l'hôtel est atypique, il faut le déposer à l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI). Cela coûte 200 à 300 euros.

Que permet ce dépôt de marque?

Il permet de maîtriser l'utilisation du nom de l'hôtel, et ainsi refuser son utilisation dans toute publicité non souhaitée. Il suffit alors de s'adresser à Google pour faire retirer les publicités non autorisées. Sinon, quand un client cherche un hôtel sur Internet, ce n'est pas le site de l'hôtel qui s'affichera en premier, mais ce sera une publicité le dirigeant vers le site d'un OTA... Et au lieu de prendre une chambre directement auprès de l'hôtel, le client la réservera auprès de l'agence en ligne. L'OTA prendra une commission sur une vente qui se serait fait de toute façon... ou il lui vendra une chambre dans un autre hôtel.

Les hôteliers peuvent-ils contre-attaquer sur le terrain des réseaux sociaux?

Les hôteliers devraient recueillir eux-mêmes l'avis de leurs clients sur un site dédié à leur hôtel. Des sociétés font très bien ce travail. Cela évite d'envoyer les clients sur TripAdvisor, qui utilise les avis comme base pour en attirer d'autres... qu'il envoie réserver leur chambre sur Expedia ou Booking.