Ligne Lyon-Trévoux : la région abandonne l'hydrogène, la facture frôle les 200 millions d'euros

Lors de la dernière séance du conseil régional, le projet de bus à haut niveau de service (BHNS) Lyon-Trévoux, a encore fait parler de lui. La ligne, qui vise à relier la rive gauche du Val de Saône au centre de Lyon (Rhône) a connu de nouveaux rebondissements : la Région abandonne finalement l’idée d’une flotte de bus à hydrogène pour se tourner vers l’électrique et annonce une nouvelle hausse budgétaire. Avec comme justification : la volonté de tenir les délais et de maintenir les coûts alors que le projet accuse déjà du retard.
Le BHNS qui doit relier Lyon à Trévoux évolue à nouveau: la flotte de bus fonctionnera désormais à l'électricité et non plus à l'hydrogène; et la facture grimpe.
Le BHNS qui doit relier Lyon à Trévoux évolue à nouveau: la flotte de bus fonctionnera désormais à l'électricité et non plus à l'hydrogène; et la facture grimpe. (Crédits : Muriel Chaulet (ville de Lyon))

Le projet visant à désengorger la rive gauche du Val de Saône aux heures de pointe, grâce au développement d'une ligne reliant Trévoux (Ain) au centre de Lyon, peine à tenir un cap. Dès son arrivée à la tête de la Région, en 2015, Laurent Wauquiez avait déjà choisi d'abandonner l'option du train, préalablement sur la table, au profit du bus.

Ce projet de report modal s'appuie sur un BHNS, un bus à haut niveau de service dont la promesse est d'assurer une performance et une fréquence supérieure à une ligne classique. Et ce, grâce à la circulation des bus sur des voies dédiées, assurant ainsi leur ponctualité. Fin 2022, la Région a acquis, pour près de 3,8 millions d'euros, 18 kilomètres de voies ferrées désaffectées reliant Sathonay-Camp à Trévoux auprès de SNCF Réseau.

Lancé par la Région qui en est le maître d'ouvrage, le dossier réunit sept partenaires coordonnés dans un comité de pilotage pour suivre l'avancée du projet : la Métropole de Lyon, le Département de l'Ain, la Communauté de communes Dombes Saône Vallée, le Syndicat mixte des transports de l'aire métropolitaine lyonnaise (Sytral) et SNCF Réseau.

Et dernièrement, il a connu quelques changements, annoncés lors du conseil régional de mai dernier comme l'ont révélé nos confrères de Médiacités. Le premier étant le virage de la flotte de bus de l'hydrogène vers l'électrique.

L'hydrogène abandonné au profit de l'électrique

Fervent défendeur de l'hydrogène depuis son arrivée à la tête de la Région, Laurent Wauquiez et ses élus poussent politiquement le développement de la filière sur le territoire. Avec l'espoir de faire de la première région industrielle de France, un leader du secteur comme en témoigne le programme Zéro Émission Valley et le projet IMAGHyNE. Là encore, afin de décarboner les industries implantées sur le territoire.

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De même que pour en faire la promotion, la Région souhaitait l'utiliser pour alimenter la flotte de bus qui va relier Lyon à Trévoux d'ici quelques années. Mais comme en témoigne le compte rendu du dernier conseil régional, confirmé par Frédéric Aguilera, vice-président de la Région délégué aux transports, ce ne sera finalement pas le cas. La flotte de treize bus articulés fonctionnera finalement à l'électricité.

Un revers pour la Région ? Pas vraiment, assure Frédéric Aguilera, selon qui la promesse reste tenue :

« Le sujet pour nous était d'être sur un transport zéro émission, que ce soit avec l'une ou l'autre énergie, on atteint cet objectif ». Néanmoins l'élu reconnaît que, par rapport à la maturité de la technologie, la Région a « peut-être été en avance de phase » en faisant ce pari.

« On s'est rendu compte que, sur ce projet, on allait essuyer les plâtres. On a préféré sécuriser le dispositif car ce sera une ligne très demandée avec des besoins très forts. Et aujourd'hui nous ne souhaitons pas créer la moindre fragilité sur la fiabilité de cette ligne », insiste-t-il.

Un revirement qui ne surprend sans doute pas Jean-Charles Kohlhaas, vice-président de la métropole délégué au transport, qui a toujours émis des doutes sur l'usage de cette énergie. L'élu EELV reconnaît « ne pas être partisan de l'hydrogène comme soutien miracle aux mobilités. Il n'y a pas d'intérêt s'il n'est pas vert. Or, aujourd'hui 95% de l'hydrogène produit est gris, c'est-à-dire, produit à partir d'énergie fossile ».

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A son premier argument, Frédéric Aguilera en ajoute un second : le prix, plus élevé de six millions d'euros pour l'hydrogène, une donnée qui n'aurait néanmoins pas été décisive. Un argument presque surprenant à l'heure où l'enveloppe totale s'alourdit encore.

Le budget du projet double en 6 ans

Initialement estimé à 100 millions d'euros, le budget global, qui comprend l'achat du foncier, le matériel roulant, les études ou encore les travaux, atteint désormais les 192 millions d'euros.

En 2022, une rallonge budgétaire avait déjà relevé le coût du projet à 160 millions d'euros. Un financement majoritairement porté par la Région et dans une moindre mesure, par l'Etat qui aurait participé à hauteur de 10 millions d'euros.

Un constat qui fait réagir du côté de l'opposition : « Laurent Wauquiez nous a d'abord parlé d'un budget à 100 millions d'euros, on en est maintenant à 192 millions d'euros. Tout ça pour un intérêt très limité : le bus est trop lent, le report modal [de la voiture vers les autocars] ne se fera qu'à la marge. On est loin du RER à la lyonnaise qu'il nous avait tant vanté ! » , s'insurge Maxime Meyer, conseiller Régional de l'Ain et coprésident du groupe des écologistes à la Région, auprès de nos confrères de Médiacités.

Frédéric Aguilera, lui, justifie cette évolution, arguant que les 100 millions d'euros initialement annoncés constituaient « une estimation et non pas un budget solidifié », réalisée au début du projet, entre 2018 et 2019. De quoi justifier cette explosion ? Pas complètement.

L'inflation se serait également invitée dans le projet. « Entre 2018 et la fin du projet en 2027, soit presque dix ans, on aura très vite connu 25% d'inflation », estime le vice-président de la Région délégué aux transports. A laquelle va s'ajouter le coût des exigences environnementales poussées par les associations et la volonté de préserver un certain esthétisme architectural sur le projet, poursuit-il.

Le tracé initial a dû être modifié car il traversait, au niveau de Sathonay-Camp, un espace naturel sensible abritant une grande biodiversité. Finalement le futur BHNS « s'arrêtera plus près de l'hyper centre et des équipements sportifs »« un mal pour un bien », glisse Frédéric Aguilera. Qui assure que l'itinéraire est désormais acté. Ainsi, 14 arrêts seront desservis sur les 28 kilomètres du parcours qui traverse 16 communes.

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« La concertation a aussi ajouté quelques millions d'euros. Sur le plan environnemental et architectural, nous avons choisi de faire quelque chose de qualitatif. Par exemple, nous allons rénover certains viaducs et, en fonction de la manière dont cela est fait, le coût n'est pas le même » , développe l'élu.

Qui insiste à nouveau sur le fait que, même face à ce budget réhaussé, le prix d'un tram-train aurait été bien plus élevé.

Tram train contre bus

Une pique lancée au défenseur du tram-train car l'option du bus est loin de faire l'unanimité. L'élu EELV Jean-Charles Kohlhaas se montre critique, estimant que « les bus à haut niveau de service sont des transports lourds destinés à des lignes fortes ».

Or, le choix d'abandonner le « développement d'une ligne de train, étudiée depuis 15 ans pour le bus », ne répondrait pas, selon lui, à cette ambition de créer une ligne forte. Notamment en raison de la capacité des bus, limitée à 110 voyageurs, et des estimations d'usage qui ne seraient pas à la hauteur des investissements :

« Les dernières études de présentation prévues, avant de passer à un plan d'étude prolongé, mettent en avant des voyages qui ne seront pas du Lyon-Trévoux mais du cabotage tout le long de la ligne. Si vous avez 7.000 voyageurs mais 1.000 voyageurs qui font quelques stations, ça ne fait pas 7.000 voyageurs sur la totalité ». Ce, pour un gain de temps qu'il juge minimal par rapport à l'usage de la voiture.

Un constat partagé par Maxime Meyer, qui indique avoir pu consulté les derniers rapports d'étude d'avant-projet et précise :

« Les projections de fréquentation du BHNS sont bien autour de 10.000 voyages par jour, mais avec seulement 4 200 personnes, soit 6% de la demande en déplacement du
territoire ». Au final, 
« il n'y aura quasiment aucun report modal depuis la voiture, sauf une baisse ridicule de 1% des voitures sur la communauté de communes Dombes Saône Vallée et de 3,5% sur le Val de Saône », assure l'élu qui reconnaît avoir milité par le passé pour l'option du tram-train. Mode qu'il juge plus confort et plus rapide par rapport au bus dont 50 des 110 places seulement seraient des places assises.

La souplesse, rétorque Frédéric Aguilera face aux défenseurs du tram train. Ainsi, un tram train n'aurait pas permis de modifier l'itinéraire demandé par les associations environnementales. « Nous nous sommes rendus compte de cet enjeu il y a six mois, si nous avions choisi le tram train, cela aurait mis à mal tout le projet. Nous aurions dû repartir pour 2 à 3 ans d'étude » , assure t-il.

L'insertion dans Lyon aurait également été compliquée car « il aurait fallu s'arrêter à Sathonay-Camp pour ensuite prendre les voies ferrées et poursuivre jusqu'à la gare Part Dieu qui est déjà saturée ».

Quant au nombre de voyageurs attendus, l'élu reste un brin évasif. « Il y a des estimations qui sont données mais il y a des polémiques d'expert. Nous avons changé de logiciel par rapport à 2018, nous utilisons le même que le Sytral pour simuler le report potentiel » qui affiche environ 10.000 voyageurs par jour.

Or, « on estime qu'un report de 6.000 à 8.000 voyageurs est cohérent avec un investissement d'environ 200 millions d'euros. Si le logiciel avait parlé de 1.000 voyageurs, nous ne l'aurions peut-être pas réalisé ».

Car le projet tient son calendrier, confirme Frédéric Aguilera. L'enquête publique est lancée et sera suivie, en 2025, de la déclaration d'utilité publique et de l'obtention des autorisations environnementales nécessaires. En parallèle, la Région se lancera dans l'achat du matériel nécessaire. Les travaux, eux, devraient ainsi en septembre 2025 pour une mise en service fin 2027. Soit 2 ans après la première échéance annoncée, qui visait l'ouverture des premières stations en 2025.

Article mis à jour le 18 juillet 2024 à 14h10 avec les propos de Maxime Meyer.

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Commentaires 3
à écrit le 23/07/2024 à 12:18
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Venez donc a Seoul observer comment est resolu la circulation des bus qu'ils soient electriques ou thermiques. Partout des voies autonomes et des horaires chronometres affiches en permanence. C'est comme cela dans toutes les grandes villes coreennes....

à écrit le 18/07/2024 à 18:32
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"abandonne finalement l’idée d’une flotte de bus à hydrogène pour se tourner vers l’électrique" électrique à batterie ? La pile à combustible produit de l'électricité, le moteur de l'engin est donc également électrique. Mais il faut avoir une source ...

le 19/07/2024 à 15:11
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Effectivement, il est aujourd'hui évident que l'hydrogène n'est pas la meilleure solution pour la mobilité. Il est certain que ce n'est pas viable pour les voitures et très probable que ce ne le sera pas non plus pour les bus et camion - en tous cas ...

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