Transports : les recettes de XPO pour faire face à la pénurie de chauffeurs

Le groupe lyonnais XPO, spécialisé dans le transport de marchandises, doit faire preuve d’inventivité pour faire face à la pénurie de conducteurs. Dernière action en date : le recrutement sans CV, basé sur des exercices de simulation sur table. L’ensemble de la filière est confronté à la même problématique : selon le dernier Observatoire Prospectif des métiers et des qualifications dans les transports et la logistique, publié tout récemment, les entreprises de transport de marchandises de la région auront besoin de recruter plus de 4.000 conducteurs cette année.
XPO France emploie 4.000 conducteurs.
XPO France emploie 4.000 conducteurs. (Crédits : DR)

« Aujourd'hui, si je le pouvais en claquant des doigts, j'aurai besoin de recruter immédiatement une centaine de conducteurs », lance Gaëlle Provensal-Raoux, directrice des ressources humaines de XPO en France (CA 2022 : 1,286 milliard d'euros ; 7.000 salariés dont 4.000 conducteurs). La DRH du groupe lyonnais de transport de marchandises est confrontée, comme la grande majorité de ses homologues, à une pénurie de chauffeurs. « Le manque de conducteurs ne freine pas notre croissance mais nous incite à trouver d'autres leviers, comme la formation de personne en reconversion, et à équilibrer nos moyens propres et de sous-traitance. Mais il est évident que cette pénurie est problématique à long ».

Ecueil qui s'est néanmoins réduit ces derniers mois : XPO affichait l'année dernière un pic de besoins de recrutement de plus de 300 postes.

Aller chercher de nouveaux publics

« Ces difficultés de recrutement sont structurelles dans notre secteur mais elles se sont très clairement accélérées ces dernières années. Pourquoi ? Il y a évidemment des contraintes, de flexibilité notamment, mais à mon sens le principal problème est la méconnaissance du métier », pointe Gaëlle Provensal-Raoux.

« Beaucoup pensent que ce métier est un métier d'homme du fait de l'importance de la force physique. C'est faux ! Aujourd'hui, les véhicules sont très faciles à conduire et nos conducteurs disposent d'outils qui permettent de réduire très fortement les contraintes en termes de port de charge notamment ». XPO met également en avant les efforts réalisés en matière salariale (intéressement + prime de partage de la valeur de 800 euros en moyenne), ainsi qu'en matière d'organisation des tournées afin de coller au mieux aux contraintes personnelles de chacun.

Malgré les efforts mis en avant par la DRH, pour pourvoir ses postes, XPO doit donc communiquer, convaincre et aller chercher de nouveaux publics. Notamment des jeunes et des femmes. Ces dernières représentent actuellement 3% de ses effectifs de conducteurs, c'est peu mais c'est tout de même deux fois plus que l'année dernière. Cette chasse aux candidats doit en effet se faire, selon la DRH de XPO, sans aller chasser chez les confrères. « A terme, cette stratégie ne serait pas viable pour la filière, il ne s'agit pas d'épuiser le vivier. Au contraire, nous devons tous travailler à l'élargir le plus possible », assure Gaëlle Provensal-Raoux.

D'autres stratégies doivent donc être déployées.

« Pour faire connaitre nos métiers, nous organisons depuis peu des portes-ouvertes dans nos agences. Nous avons pu recevoir des lycéens, des demandeurs d'emplois etc. Nous nous sommes également investis aux côtés de l'association Sport dans la Ville. Il s'agit vraiment de faire découvrir nos métiers, d'aller chercher des personnes qui ne seraient pas venues à nous naturellement ».

Dernière action en date : XPO s'est engagé avec Pôle Emploi, le mois dernier, dans un projet pilote afin de recruter, sans CV, pour son site de Calais afin de permettre une meilleure égalité des chances entre les candidats. « Le recrutement se fait par simulation, sur table. Le seul prérequis est d'avoir le permis B. », précise la DRH. 10 candidats (dont une femme) ont été retenus, la plupart présentant des profils de reconversion. Cette action pourrait être reconduite prochainement sur d'autres sites XPO.

Le transport régional aura besoin de recruter plus de 3.000 chauffeurs cette année

Cette démarche d'attractivité et d'informations tous azimuts menée par XPO est loin d'être unique. Beaucoup d'entreprises du secteur, confrontées à cette pénurie, travaillent sur le sujet. « Dans la région, nous avons 26 entreprises qui ont développé des actions pour faire connaitre le métier : des porte-ouvertes, des rencontres avec les jeunes ou les prescripteurs, des présences sur les salons. Globalement, les entreprises se sont beaucoup investies ces deux dernières années sur le terrain, elles sont dans la grande majorité prêtes à prendre des alternants et des débutants », détaille Cécile Rougeol, déléguée régionale AuRA de l'AFT Transport et Logistique, l'organisme dédié à la formation professionnelle de la filière.

Il faut dire que les tensions sur le marché de l'emploi, dans le secteur, sont particulièrement fortes.

« Certaines entreprises sont clairement freinées dans leur développement, elles refusent des marchés et limitent les réponses aux appels d'offres car elles se trouveraient dans l'incapacité de les assumer ».

Et cela risque de durer encore quelque temps... Selon le dernier Observatoire Prospectif des métiers et des qualifications dans les transports et la logistique, publié le mois dernier et réalisé par l'AFT et l'OPCO mobilités, les besoins en recrutements de conducteurs des entreprises de transport de marchandises de la région pour 2023 seraient de 4.234 cette année, 4.522 l'année prochaine. Sauf que... la déléguée régionale de l'AFT estime, elle, à environ 2.000 le nombre d'entrées en poste effectives qui pourront avoir lieu cette année, au rythme actuel des candidatures et entrées en formations. Ce qui pourrait permettre d'accélérer la cadence ? La déléguée régionale met en avant, comme la DRH de XPO, le sujet de l'image du métier en termes de contraintes supposées mais évoque aussi la question environnementale. Question désormais cruciale pour attirer, notamment des jeunes de moins de 25 ans.

« Les efforts des entreprises pour être moins polluantes, les équipements électriques, de plus en plus nombreux, pourraient changer la donne et faire évoluer les a priori. Il faut le faire savoir ».

Le transport routier de marchandises représente 53.623 salariés et 15.500 entreprises dans la région (dont 12.138 sans salariés), selon les chiffres de l'OPTL arrêtés à fin décembre 2021. Les effectifs ont ainsi progressé de 13% depuis 2016. Leur salaire annuel brut moyen était de 29.761 euros en 2021, avec un temps de travail hebdomadaire moyen de près de 46 heures. Ce montant devrait être significativement revalorisé cette année, à la suite des négociations de branches intervenues l'année dernière.

Selon la FNTR, il manquerait actuellement 50.000 conducteurs en France.

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Commentaires 2
à écrit le 06/04/2023 à 13:13
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La bonne blague, "on a du mal à trouver de nouveaux esclaves corvéables à souhait pour 11,52 de l'heure". Toutes ces boîtes qui battent des records de bénéfices d'années en années, grâce à de la main d'œuvre payée aux smic, qui ne comprends pas pour...

à écrit le 04/04/2023 à 9:56
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Des semaines à 55h, pas sur de rentrer à la maison en fin de semaine, des week-end sur des parkings, des horaires de nuits comme de jours qui mine la santé... tout ça pour des salaires de misères idem pour la logistique... une sorte d'esclavage moder...

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