LGV Lyon-Turin : pourquoi le contenu du rapport du COI inquiète déjà les soutiens du dossier

Déposé, mais pas encore rendu public : le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) n'en a pas fini de faire parler de lui. Chargé de donner les grandes orientations en matière de projets d'infrastructures à l'échelle de la décennie à venir, ce rapport, présidé par le député apparenté Renaissance et vice-président de la région Grand Est, David Valence, n'intègrerait pas la livraison des voies nouvelles d’accès françaises au Lyon-Turin dans les enjeux prioritaires... avant 2045. Et ce, alors que l'ouvrage principal franco-italien doit lui-même être livré en 2032.
(Crédits : DR/S Meillasson)

Il ne sera rendu public que d'ici quelques jours, mais déjà, des fuites circulent en coulisses... Le prochain rapport Conseil d'orientation des infrastructures (COI), qui vise à proposer tous les cinq ans différents scénarios (généralement au nombre de trois) visant à guider les choix du gouvernement en matière de programmation des grandes infrastructures, représente un document très attendu, comme nous le mentionnions déjà ici.

Et depuis quelques jours, les premiers indices qui ont circulé en coulisses (et notamment au sein des sites d'information Mobilettre et Contexte) sont remontés jusqu'aux oreilles du Comité pour la Transalpine Lyon-Turin, dont la mission, fixée dès 1991, reste de « faciliter ou accélérer la réalisation de la liaison ferroviaire à haute capacité, voyageurs et marchandises entre Lyon et Turin ».

Présidée par Jacques Gounon, par ailleurs directeur général de Getlink Group (Ex Eurotunnel), ce Comité regroupe à la fois des collectivités territoriales, entreprises et organismes économiques, syndicaux, consulaires et des associations en faveur de ce dossier.

Et si, à la lecture des premiers éléments qui ont filtré dans la presse, la Transalpine salue « la confirmation, dans tous les scenarii, de l'irréversibilité du tunnel transfrontalier en cours de creusement sous les Alpes », lui reste une autre épine en travers de la gorge : celle du calendrier avancé dans ce document.

Car dans le scénario dit « central » recommandé par le COI, la livraison des voies nouvelles d'accès au Lyon-Turin depuis la France « n'interviendrait pas avant 2045, soit plus de 12 ans après la mise en service de l'ouvrage sous les Alpes et de la section italienne ». De quoi faire bondir l'association, qui s'appuie sur cette nouvelle pour exprimer dès ce lundi « son ferme désaccord avec le calendrier de la section française ».

Les principaux points de désaccord

« Après des années d'atermoiements, cette proposition n'est clairement pas à la hauteur des enjeux d'une liaison aussi structurante pour la transition écologique et le réseau ferroviaire européen », a estimé publiquement son président, Jacques Gounon.

La Transalpine enfonce même le clou en affirmant s'interroger sur ce qu'elle appelle « l'occultation par le COI de données fondamentales, pourtant connues à tous les étages nationaux et internationaux chargés de la conduite du dossier ». En témoigne notamment, selon elle, le fait que le nouveau calendrier proposé « condamne de fait la Déclaration d'Utilité Publique de la section française, signée en 2013 et dont la validité expire en 2028 », ce qui forcerait de fait le projet à solliciter une nouvelle DUP.

Mais aussi le fait qu'au lieu de créer de voies nouvelles comme cela était envisagé jusqu'ici, le rapport du COI donnerait également la priorité à la modernisation de la ligne historique Dijon-Modane, comme un accès français au tunnel transfrontalier.

« Cela ne correspond ni au projet Lyon-Turin tel qu'il a été conçu, ni aux engagements pris par la France, ni aux attentes et objectifs de nos partenaires internationaux sur le programme », tacle la Transalpine, qui estime même que « le COI passe sous silence les objectifs capacitaires de fret sur la section italienne (25 millions de tonnes par an et 162 trains de fret par jour) qui seront près de deux fois supérieurs à ceux prétendument possibles sur la ligne Dijon-Modane, structurellement inadaptée à un axe de fret massifié de dimension européenne ».

Et de pointer également que « le COI ne se réfère à aucun moment aux objectifs stratégiques et climatiques portés par son premier contributeur financier qu'est l'Union Européenne » sur ce dossier, « alors que Bruxelles martèle pourtant son souhait de voir la liaison complète terminée aussi vite que possible en proposant des taux de cofinancement exceptionnels. »

Quelle retombées pour ce rapport ?

Reste à savoir ce qu'il pourrait advenir des retombées de ce rapport, consultatif, sur la base duquel le gouvernement s'est engagé à rendre ses arbitrages définitifs au cours des prochains mois.

Avec cependant déjà, une certitude : le train des subventions européennes, qui courait jusqu'à la date butoir du 18 janvier prochain, est lui-même déjà passé et pourrait déjà traduire, de fait, la frilosité de l'Etat français sur ce dossier, qui oppose depuis plusieurs années différents services en interne. Et nécessiter de lui trouver par conséquent aussi une nouvelle équation, ou du moins, d'acter un nouveau calendrier financier. « Le prochain appel à projet du mécanisme pour l'interconnexion en Europe sera publié à l'automne, avec une date limite de réponse en janvier 2024 pour une décision en juin 2024 », précise la Transalpine à La Tribune, ajoutant que l'enveloppe s'annonce d'ores et déjà « moins élevée » que la précédente.

Qu'en sera-t-il également de la position du ministre des Transports, Clément Beaune, qui avait tenu une réunion avec les principales collectivités concernées par ce dossier à l'automne dernier, avant de souligner lui-même à la mi-décembre une position de principe : « Lyon-Turin doit contribuer au report de la route vers le rail pour le trafic de marchandises, améliorer les liaisons entre les communes alpines et sécuriser les déplacements entre la France et l'Italie. »

Du côté de l'opposition au projet également, ce rapport serivra-t-il à nourrir une fronde déjà présente à l'échelle du territoire ? Alors qu'un premier recours, concernant le dépôt d'une commission d'enquête au regard des impacts sur les ressources en eau des travaux, avait été annoncé par le député LFI Gabriel Amard (sans qu'il ne soit finalement choisi lors du « droit de tirage » annue accordé chaque année à chaque groupe parlementaire), une nouvelle tribune avait été publiée le 20 décembre dernier, dans le magazine Reporterre.

Rassemblant près de 150 personnalités (dont plusieurs dizaines d'élus), cet « appel commun pour l'arrêt du projet de nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin » demandait à ce que « les millions d'euros du projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin soient réinvestis dans les trains déjà existants » et que « la voie ferroviaire existante soit utilisée immédiatement à la hauteur de ce qu'elle était dans les années 2000 ».

Un point d'achoppement régulier entre partisans et opposants de ce projet titanesque, évalué dans son ensemble entre 17 milliards d'euros (par la Transalpine) et 26 milliards d'euros (selon un rapport produit en 2012 par la Cour des comptes et depuis contesté par la Transalpine).

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