Périmètre, calendrier : à Lyon comme à Grenoble, jusqu'où ira l'accélération des Zones à Faibles Emissions (ZFE) ?

Alors que le Conseil d'Etat vient de condamner à nouveau la France à deux astreintes de 10 millions d'euros en raison du dépassement des seuils de qualité de l'air à Paris, Lyon et Marseille, le dernier conseil métropolitain du Grand Lyon a été l'occasion de confirmer une double accélération pour la ZFE : d'abord sur le plan du calendrier, mais aussi du périmètre. Et ce, alors qu'à Grenoble, la majorité EELV conduite par Eric Piolle veut également mettre la pression dans la même direction à l'exécutif métropolitain PS.
(Crédits : DR/ML)

Imposées par la loi Climat et Résilience, les ZFE (Zone à faible émissions) s'instaurent progressivement en France. En tout, huit agglomérations l'ont déjà mis en place, dont trois dans la région Auvergne Rhône-Alpes : Lyon, Grenoble et Saint-Étienne.

Les autres agglomérations de plus de 150.000 habitants ont jusqu'à fin 2024 pour la mettre en place, selon leurs propres termes. A Lyon et Grenoble, les deux municipalités EELV poussent en faveur d'une accélération. Mais si à Lyon, les écologistes ont les manettes, à Grenoble, c'est la Métropole du socialiste Christophe Ferrari qui est en charge de conduire cette politique, que le maire écologiste Eric Piolle n'estime pas assez ambitieuse.

A Lyon, deux périmètres

A Lyon, ce sont environ 18.000 véhicules de particuliers classés Crit'air 5 qui ont déjà été interdits à la circulation du périmètre central de la ZFE depuis septembre 2022. Interdits, mais pas verbalisés pour l'instant, puisque les premières amendes ne seront envoyées qu'à compter de janvier prochain, à l'issue d'une phase dite "pédagogique". Les véhicules professionnels, quant à eux, sont toujours soumis à un autre calendrier. L'étau va se resserrer progressivement, jusqu'en 2026 où les véhicules classés Crit'Air 2 seront interdits.

Mais depuis le vote du conseil métropolitain de début octobre, c'est une périmètre "étendu" vers l'Est de la Métropole lyonnaise qui se dessine. Car désormais, la ZFE lyonnaise aura non seulement un périmètre central (Lyon, Caluire-et-Cuire et les secteurs de Villeurbanne, Bron et Vénissieux situés dans le périphérique Laurent Bonnevay) comme c'était le cas jusqu'ici, mais aussi un périmètre "élargi" qui ira jusqu'à la rocade Est et boulevard urbain Sud.

Il influera notamment de nouvelles communes (Pierre-Bénite, Saint-Genis-Laval, Oullins, La Mulatière, Sainte-Foy-lès-Lyon, Sathonay-Camp, Fontaines-sur-Saône, Rillieux-la-Pape, Vaulx-en-Velin, Saint-Fons, Chassieu, Saint-Priest, Décines-Charpieu, Saint-Priest, Mions et Corbas).

Résultat ? Les voies rapides métropolitaines M6 et M7, ainsi que le périphérique Laurent Bonnevay seront donc inclues dans ce nouveau périmètre étendu, dont le calendrier s'apprête également à s'accélérer.

En vertu de cette nouvelle disposition adoptée par le Grand Lyon, les véhicules Crit'Air 4 et 5 détenus par les particuliers seront en effet interdits dès 2024 sur le périmètre étendu de la ZFE (et à compter de septembre 2023 sur le périmètre central), suivis des Crit'Air 3 seront quant à eux proscrits dès septembre 2024 (sur le périmètre central) et en septembre 2025 (pour le périmètre étendu). Quant aux Crit'Air 2, ils ne pourront plus circuler au sein du périmètre central uniquement, à compter de septembre 2025.

Ce calendrier accéléré reste critiqué par l'opposition, mais Jean-Charles Kohlhaas, vice-président de la Métropole aux déplacements, aux intermodalités et à la logistique urbaine, tient bon : "il faut aller jusqu'au Crit'Air 2 pour répondre aux exigences de qualité de l'air."

La Métropole espère ainsi observer une amélioration pour 2028, et fait valoir qu'un certain nombre de dérogations sont déjà actées, prenant en compte la fréquence d'utilisation, le lieu de travail ou encore le revenu par foyer. Selon la Métropole, 70% des métropolitains auront droit à une aide financière pour le changement de véhicule ainsi qu'à une dérogation sociale, qui laissera jusqu'en décembre 2027 pour se débarrasser de leur véhicule Crit'Air 2. Mais ces mesures se termineront en 2028.

Grenoble veut pousser un cran plus loin

A une centaine de kilomètres de là, la lutte fratricide à la tête de l'outil métropolitain de juillet 2020 semble avoir laissé des traces, puisque c'est sur le terrain de ZFE que s'affrontent désormais ouvertement le maire écologiste de Grenoble Eric Piolle, et le président PS de la Métropole, Christophe Ferrari. Le premier accusant le second de porter une ZFE jugée à ce jour trop peu ambitieuse.

Dans une communication adressée à la presse, la Ville de Grenoble dresse trois principaux reproches : d'abord, une date de réalisation à horizon 2030 jugée "extrêmement lointaine et (qui) place Grenoble en queue de peloton des grandes métropoles", ainsi qu'une absence d'horizon fixé pour la sortie de l'essence, "alors que la fin de la vente de voitures thermiques est fixée en 2035 en Europe."

La municipalité EELV réitère ainsi son souhait d'une zone à faible émission au format dit maximum, c'est-à-dire "sans véhicule diesel en 2028", et avec un horizon sortie de l'essence qui puisse être anticipé rapidement, "afin d'éviter que des dizaines de milliers de ménages qui devront changer leur véhicules d'ici 2030 n'aient à en rechanger quelques années plus tard". Et d'ajouter : "Quoi qu'il arrive, la ville communiquera sur cet horizon".

Sauf que de son côté, la métropole grenobloise, autorité organisatrice en charge de la ZFE, a déjà dessiné ses propres objectifs. Soit un périmètre "élargi" (de 27 communes sur 49) et des ambitions plus rapides pour encadrer la circulation des véhicules professionnels, qui conduira à n'accepter plus que les Crit'Air 1 à compter de 2025.

Et un périmètre plus restreint à ce jour (seulement 13 communes sur 49) pour la ZFE destinée aux particuliers, qui ambitionne pour l'instant d'aller jusqu'à l'interdiction des Crit'Air 3 en juillet 2025 (mais pas encore au delà). Avec des modalités d'accompagnement et de dérogations ciblant les particuliers qui sont appelés à faire l'objet "d'une concertation à l'automne 2022".

Et on peut dire que la missive envoyée par la ville-centre passe mal : Cécile Cenatiempo, conseillère déléguée chargée de la qualité de l'air à la Métropole, réfute les remarques de la Ville de Grenoble sur le fond. "Concernant la sortie du diesel, aucune des 13 communes du comité de pilotage n'est contre, mais est-ce que ce sera 2028, 2029 ou 2030 ? En l'absence de précisions sur certains paramètres comme l'offre de véhicules qui seront réellement disponibles à cette date, elles n'ont pas souhaité s'engager sur une date précise dès maintenant. Car on en peut pas dire à des familles avec enfants de remplacer leur véhicule familial par une Zoé".

Du côté de la sortie de l'essence voulue par la Ville, la Métropole se veut plus tranchée : "sur ce point, la majorité des autres communes n'étaient pas favorables à une sortie de l'essence, et c'est aussi un pont qu'il faut respecter. Car lorsqu'on enlève l'essence, il ne reste pas grand chose avec quoi rouler aujourd'hui", tempère Cécile Cenatiempo.

Le choix de l'outil métropolitain s'est plutôt tourné vers une "double concertation", avec une première étape "volontaire", qui vient d'être lancée début octobre autour de cinq questions principales soumises à l'avis de la population (périmètre permanent ou non permanent de la ZFE, inclusion des voies rapides urbaines et des deux roues, dérogations et dispositifs d'aides). Une seconde phase de concertation publique obligatoire prendra ensuite le relai entre janvier et mars 2023.

Face aux craintes relayées par ses communes, et à la volonté affichée de ne pas aboutir sur une ZFE "antisociale", Grenoble Alpes Métropole ouvre déjà la porte à plusieurs aménagements : à commencer par "une mise en place à compter de juillet prochain, qui pourrait donner lieu à une phase pédagogique", mais aussi l'option d'une "ZFE non permanente", c'est-à-dire avec des interdictions de circulation seulement du lundi au vendredi comme sur le Grand Paris, qui est encore sur la table.

"C'est une mesure qui peut permettre d'aller tout de même dans le bon sens, puisque les gens ne vont pas fonctionner durablement avec un véhicule qui ne peut rouler que le week-end... mais à contrario, cela leur laissera tout de même plus de temps pour en changer", fait valoir la conseillère déléguée chargée de la qualité de l'air.

Selon elle, la question des radars reste cependant entière à ce stade pour Grenoble, alors que le président du Grand Lyon, Bruno Bernard, regrettait que leur arrivée et homologation ne serait pas prévue avant 2024 par les services de l'Etat.

Le conseil d'Etat serre la vis

Reste à savoir laquelle, de la ZFE au périmètre étroit ou élargi, rapide ou plus mesurée, sortira finalement gagnante au bout du chemin que l'ensemble des grandes collectivités françaises seront contraintes de parcourir pour améliorer leur qualité de l'air.

De son côté, le Conseil d'Etat a rappelé dans sa dernière décision communiquée ce lundi 17 octobre que le développement des nouvelles "zones à faibles émission mobilité" (ZFE-m), prévues par la loi Climat et résilience d'août 2021, "peut permettre une baisse significative des niveaux de concentration" en vertu de la possibilité de "restreindre la circulation des véhicules les plus polluants".

Il constate cependant que, malgré l'instauration de zones à faibles émissions (ZFE) à Paris et à Lyon, "aucune mesure nouvelle n'a été prise pour ces zones depuis la loi Climat. Le calendrier de mise en œuvre de restriction des véhicules les plus polluants a même été décalé à Paris".

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