BioGNV : le transporteur Berthelet et le CRMT misent sur le rétrofit d'un premier autocar scolaire

Moins d'un an après avoir fait connaître son besoin à une société d'ingénierie lyonnaise spécialisée dans les carburants alternatifs, le CRMT, le transporteur Berthelet a présenté ce mercredi son premier modèle d'autocar rétrofité au BioGNV. Une démarche qui s'inscrit dans la nécessité de trouver une alternative bas carbone et surtout rapide aux énergies fossiles, sur des modèles d'autocars scolaires qui représenteraient, à l'échelle française, un marché potentiel de plusieurs dizaines de milliers d'unités à transformer.
(Crédits : DR/ML)

Les cars scolaires roulent en moyenne 20.000 km par an, sont contrôlés tous les six mois, n'ont pas besoin d'une grande autonomie (cible 300 km), et n'utilisent pas ou peu leurs soutes à bagages... Ce qui en faisait, d'après les transports Berthelet, dont le siège se situe à Crémieu (Nord-Isère), de très bons candidats au rétrofit.

Car si cette transformation, d'un moteur thermique à un moteur à énergie alternative (le plus souvent à l'électrique ou à l'hydrogène, mais dans le cas présent, au bioGNV) n'était pas nécessairement jusqu'ici la solution envisageable à court terme, ils sont de plus en plus nombreux à y croire, compte-tenu de l'urgence climatique.

Après l'isérois Phoenix Mobility qui monte en puissance avec ses véhicules utilitaires convertis à l'électrique, cette fois ce sont les transports Berthelet qui ont tenté d'adresser un autre cas d'usage, toujours dans la Région Auvergne Rhône-Alpes. Et cette fois en misant sur une autre alternative, le bioGNV, qui doit lui permettre de rouler dans les ZFE comme celles de Lyon, avec à la clé, une réduction de 80 % des émissions de CO2, de 95 % des particules fines et de 70 % les NOx.

En opérant déjà, pour le compte du Sytral, les lignes de bus roulant au BioGNV dans l'Est-lyonnais ainsi que les navettes au sein de l'aéroport Lyon-Saint-Exupéry, les transports Berthelet n'en étaient pas à leur coup d'essai sur cette énergie, qui représentent aujourd'hui 30% de leur parc, et une station privative sur son site de Genas : mais ils avaient dû jusqu'ici investir dans une flotte neuve, alors qu'une partie de leur flotte demeurait encore en bon état d'usage.

"Nous sommes arrivés à un moment où nous sommes vraiment dans une situation d'urgence, où la France comme l'Europe se sont fixées des objectifs en matière de réduction des émissions de GES, mais derrière, le progrès technologique ne suit pas ou l'équation économique n'a pas de sens. Ce sont donc un ensemble de circonstances qui ont fait qu'aujourd'hui, les pouvoirs publics et les entreprises se rendent compte que le rétrofit a en réalité un sens, et qu'on aurait même pu le faire bien avant, car techniquement, c'était possible", contextualise Daniela Touzé, responsable du business développement au CRMT.

En lançant un cas d'études au Centre de recherche en machines thermiques (CRMT), une société d'ingénierie spécialisée dans le développement de solutions d'énergies alternatives (bioGNV et hydrogène), fondée à l'origine par des professeurs de l'école Centrale de Lyon à Dardilly (Rhône), le transporteur souhaitait étudier et tester une alternative à la motorisation diesel, tout en prolongeant la durée de vie de son parc de ses autocars.

"Nous avons choisi rapidement de proposer le BioGNV, plutôt que l'hydrogène ou l'électrique, principalement en raison de la rapidité d'implémentation. Car l'objectif de ce projet, c'était d'avoir une solution implémentable dès cette année et c'est ce que nous avons réussi à faire, car on a précisément choisi le gaz", confirme Daniela Touzé.

Le projet, ECOl'car, a donné lieu en l'espace d'une année seulement à la sortie d'un procédé de retrofit, spécifiquement adapté à ce modèle de bus, à travers notamment le remplacement de sa motorisation diesel Euro V par l'équivalente gaz neuve d'origine (norme Euro VI). Avec, au menu, l'intégration des composants gaz (y compris un nouveau système de post-traitement), ainsi qu'une adaptation de l'ensemble de fonctions du véhicule diesel pour un fonctionnement gaz. Le tout, pour un budget qui atteint "la moitié du budget moyen nécessaire à l'acquisition d'un modèle neuf", précise le transporteur. Soit près de 105.000 à 115.000 euros, selon le CRMT.

Le projet ECOl'car a d'ailleurs été soutenu financièrement par l'ADEME via le programme AURATRANS 2021 et par TotalEnergies (montant NC), et a été labellisé par le pôle de compétitivité CARA. Il aura également nécessité un travail conjoint en accord avec le constructeur, Iveco.

Rétrofiter jusqu'à une centaine de véhicules par année

Et désormais, il est proche de passer dans une phase opérationnelle à plus d'un titre car le premier modèle de car scolaire vient de boucler ses derniers tests auprès de l'UTAC et attend désormais les dernières validations de son dossier d'homologation, "mais il ne s'agit plus que des étapes réglementaires", confirme le CRMT, qui estime que ces étapes seront complétées d'ici cet été.

Dès qu'il les aura reçues, le Centre de recherche en machines thermiques pourra ainsi envisager de transformer d'autres autocars sur le même principe, tant qu'il s'agit du même modèle et de la même technologie utilisée.

Le CRMT envisage d'ailleurs désormais de passer à l'échelle et estime que ses locaux pourraient être en capacité de rétrofiter jusqu'à 150 véhicules par année, avec une équipe de trois personnes dédiée à ce sujet. Avec, selon ses estimations, un parc adressable qui représenterait, rien qu'en France 17.000 véhicules sur les 69.000 qui existent, et dont 99% sont encore au diesel.

"Aujourd'hui, ce qu'il manque vraiment à la filière, ce sont des aides comme celles que l'on peut trouver sur l'électrique et l'hydrogène, car il n'existe actuellement pas de dispositif équivalent pour le BioGNV, alors que ce sont des solutions qui sont déjà capables de passer à l'échelle", revendique Daniela Touzé.

La durée de conversion est quant à elle estimée à environ deux semaines par véhicule, tandis que l'approvisionnement des autocars pourra ensuite être assurée directement par le réseau GRDF, qui rappelle que le bioGNV est déjà disponible en AURA, où sa production ne cesse d'ailleurs de monter en puissance.

Jusqu'à 20% de biogaz au sein des réseaux

"En tant que distributeur, notre rôle est de raccorder le réseau des producteurs et d'amener ensuite le biométhane jusqu'à la station du groupe Berthelet. Et sur ce sujet, les choses avancent bien en Auvergne-Rhône-Alpes car nous disons déjà d'une trentaine d'unités de productions, et nous prévoyons que ce chiffre soit encore multiplié par cinq par rapport à la production actuelle dans les 2 à 3 années qui viennent", confirme GDRF.

Plus largement, le distributeur de gaz estime que "ce sont ainsi près de 20 % de gaz renouvelable qui peut être injecté au sein des réseaux, alors même que le gaz importé de Russie, et donc nous souhaitons être plus indépendant, s'élève à 17%. Nous pourrions donc démontrer qu'avec une production locale et renouvelable, on devient indépendant de ce type d'importations", ajoute Stéphanie Wiese, déléguée à la communication de GRDF Région Sud-Est.

Côté prix cependant, ce type de projets ne protège pas nécessairement encore des fortes variations enregistrées sur les cours de l'énergie : car en étant indexé sur le prix du gaz, le bioGNV subit actuellement lui aussi la montée en flèche des prix de l'énergie.

Mais le principal argument avancé par Berthelet comme par le CRMT, est d'abord celui de l'empreinte carbone, et d'une solution rapidement industrialisable sur tous les maillons de la chaîne. "L'objectif sera bien entendu de le déployer ensuite sur d'autres véhicules de notre parc, car nous avons encore une bonne vingtaine de cars âgés d'une dizaine d'années comme celui-ci, et qui sont encore alimentés au diesel", confirme Sibylle Chabert, responsable de la communication du transporteur.

Un marché qui ne serait pas directement menacé par l'électrification

Face à ceux qui estiment que le rétrofit ne serait pas un marché d'avenir, compte-tenu des perspectives d'électrification des flottes neuves, le CRMT répond :

"Le marché ne va en réalité pas mourir, mais il va se rétrécir et se spécifier sur certains segments. On sait par exemple que dans le cas de ce modèle d'autocar, nous avons un horizon jusqu'en 2026 pour en transformer le plus possible, car ensuite, les véhicules en circulation seront trop vieux", estime Daniela Touzé.

Mais le CRMT regarde déjà du côté des véhicules Euro 6, produits à partir de 2014, pour une transformation au bioGNV qui pourrait s'effectuer sur la prochaine décennie, et évoque, plus largement, des perspectives au sein d'autres secteurs comme des trains, des bateaux, qui devront eux aussi être décarbonés.

Pour GRDF, on voit bien que "dans les scénarios de l'Ademe, la mobilité lourde se fera aussi avec du bioGNV, entre 13 et 39% suivant les scénarios, tandis que RTE qui a aussi modélisé des scénarios qui intègrent le bioGNV comme une solution complémentaire à l'électrique pour les mobilités lourdes".

(publié le 14/04/2022 à 11:00, actualisé le 15/04/2022)

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