« Le nouveau gouvernement italien a pris les décisions nécessaires pour une mise en service de la section italienne, en même temps que le tunnel transfrontalier. Nous demandons respectueusement à la France de prendre rapidement les mêmes décisions », a formulé en termes (très) diplomatiques Paolo Foietta, le président italien de la Commission Intergouvernementale (CIG) pour le Lyon-Turin.
Car ce vendredi, se tenait à Lyon l'assemblée générale de la Transalpine, l'association de promotion de la liaison ferroviaire à haute capacité qui fédère acteurs économiques et collectivités locales en soutien à ce projet de ligne à grande vitesse (LGV), qui se veut comme le maillon essentiel d'une future ligne ferroviaire européenne, reliant Kiev à Lisbonne, en passant notamment par Turin.
« Ces accès et les connections au réseau européen sont essentiels. Un tunnel sans accès, c'est comme un pont sans route qui y conduit, c'est ridicule », a rappelé le représentant italien, en illustrant à nouveau le risque que la France ne se retrouve dans une situation absurde en 2030 : soit celle d'avoir un tunnel de grande capacité, financé à grands frais.... sans être en mesure d'y acheminer les trains.
Car la construction du tunnel transfrontalier, long de 57 kilomètres sous les Alpes, a déjà démarré. Trois milliards d'euros de marchés publics ont été attribués cet été pour mener ce chantier pharaonique à son terme en 2030. Mais les accès italiens et français à ce tunnel n'en sont pas encore au même point...
Six mois pour décider
Côté italien, tout n'est pas si rose que le décrit Paolo Faietto. Le gouvernement de Mario Draghi doit encore déposer son dossier auprès de l'UE pour obtenir une aide au financement des deux milliards d'euros nécessaires à la construction de ses accès au tunnel transfrontalier.
Début septembre, à Turin, Iveta Radicova, la coordinatrice du Corridor européen pour la Commission européenne, a interpellé le gouvernement italien en rappelant que l'UE est prête à contribuer à 50% du coût des accès entre Turin et le tunnel sous les Alpes, à la condition que le dossier définitif soit déposé d'ici à avril 2022. Après, il sera trop tard ; la contribution européenne pourra être réduite.
La représentante de l'UE a effectué la même mise en garde lors de l'assemblée générale de la Transalpine.
« Les voies d'accès sont entièrement éligibles aux financements européens », a rappelé Iveta Radicova, la coordinatrice du Corridor européen pour la Commission européenne, tout en soulignant que les délais sont comptés.
À travers cette liaison, l'UE vise à relier les couloirs ferroviaires de l'est et de l'ouest des Alpes, afin de faciliter le transport international sur rail entre ses membres.
Une décision à Chambéry?
Côté français, on ne sait toujours pas comment Lyon sera relié au tunnel. Depuis 2013, le calendrier ne cesse d'être reporté jusqu'à ce que trois scénarios soient esquissés.
Il faudra surmonter les barrières naturelles que constituent les premiers contreforts des Alpes pour réaliser cette liaison. En résumé, il s'agit de choisir entre creuser sous le massif de la Chartreuse, ou creuser sous les massifs de Dullin et de l'Épine - là où passe déjà l'autoroute reliant Lyon aux deux Savoie. Il faudra aussi faire le choix politique d'intégrer ou non Chambéry sur le tracé.
Soit autant de questions qui continuent de diviser la scène politique. Au printemps dernier, une décision était annoncée possible pour cet automne. À présent, il faudrait attendre le rapport du Conseil d'Orientation des Infrastructures (COI) prévu fin février 2022, soit un mois et demi avant les élections présidentielles.
Est-il réaliste d'envisager une décision politique en pleine campagne électorale, portant sur un investissement de 5 à 6,7 milliards d'euros, selon le tracé choisi ? Sinon, la décision pourrait bien être encore reportée, au risque de perdre des financements européens.
La France et l'Italie accélèreront-elles les choses dans les prochaines semaines ? Un sommet France-Italie pourrait se tenir cet automne à Chambéry, avec le Lyon-Turin au menu. La rencontre entre Emmanuel Macron et Mario Draghi, le président du Conseil des ministres de l'Italie, pourrait alors mettre définitivement le Lyon-Turin sur les rails.
Le CFAL lié au Lyon-Turin
L'annonce des futurs accès français au tunnel transfrontalier répondra aussi à la question du contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise (CFAL), a estimé Jean-Pierre Farandou, le président de la SNCF, présent à l'assemblée générale de la Transalpine.
Le CFAL prévoit un raccordement avec la voie d'accès du Lyon-Turin au sud de l'aéroport Saint-Exupéry. « Comptez sur moi pour soutenir le Lyon-Turin (...) qui est un accélérateur de la stratégie de la SNCF et de ses homologues européens », a-t-il affirmé.
Le président de la SNCF a souligné également les enjeux environnementaux de ce projet de liaison ferroviaire, rappelant que l'agenda climatique justifiait le financement d'un tel équipement : « Il y a surtout le défi de l'urgence climatique qui exige un report modal massif sur le rail des voyageurs et des marchandises », a expliqué Jean-Pierre Farandou.
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