Tourisme durable : l’heure du rêve (canadien) d’Huttopia et de ses villages nature a sonné

EVASION. Après une augmentation de capital d'un million d'euros conclue fin février auprès de ses propres salariés, l'hôtelier de pleine nature Huttopia conjugue ses ambitions RSE avec le développement d’un nouveau « camp de base » à Lyon. La crise, qui n’a pas raboté ses ambitions, le pousse même au contraire à s’affirmer comme un opérateur de référence du marché du tourisme durable.
On sent désormais que ce que l'on prône depuis 20 ans en matière d'éco-tourisme commence à émerger, affirme le cofondateur d'Huttopia, Philippe Bossanne.
"On sent désormais que ce que l'on prône depuis 20 ans en matière d'éco-tourisme commence à émerger", affirme le cofondateur d'Huttopia, Philippe Bossanne. (Crédits : DR)

Le nouveau "camp store" d'Huttopia, situé dans le 2e arrondissement de Lyon, est rempli de promesses. A l'image de certains lieux hybrides, il propose ainsi sur 300 m2 plusieurs fonctions au sein d'un même espace : boutique, espace café et restauration, librairie, agence de voyage... Le tout, sous des allures de bivouac.

Cet investissement (dont le montant n'a pas été communiqué) constitue surtout une nouvelle étape pour le groupe, dont le marché n'est pas inquiété par la crise sanitaire, bien au contraire : il vient même d'ouvrir un nouveau Village Huttopia dans les Adirondack, un massif situé dans le nord-est de l'État de New York, tandis qu'un autre est en projet en Californie.

De quoi étoffer encore un peu plus son offre de 65 sites en France à travers le monde, en France, mais aussi aux Etats-Unis, au Canada, ou encore en Chine.

Car le lyonnais, spécialiste de ce mode d'hébergement depuis sa création en 1999 par un couple (Philippe et Cécile Bossanne), avait vu venir de loin la vague vers un retour aux formules d'hébergement plus « nature » et éloignées de la bétonnisation des centres urbains. Au total, il gère désormais près de 40.000 lits au sein de ces chalets en bois ou sous des tentes.

La cabane au Canada, ou presque

« Nous avons créé le concept alors que nous revenions de deux années au Canada, pour l'ancien bureau d'ERAI basé à Toronto. Nous avions découvert sur place une autre forme de camping, plus nature et intégrée aux Parcs nationaux. Nous avons décidé de partir d'une feuille blanche et de créer l'utopie qui, à l'époque, n'existait que dans notre tête, sous la forme d'une hutte », se souvient Philippe Bossanne.

Ainsi, le réseau Huttopia a peu à peu grandi en restant entre les mains de ses fondateurs, qui détiennent toujours 80% du capital. Avec une philosophie précise : « trouver de beaux sites naturels pour s'y implanter sans abimer la nature, afin de respecter les lieux et de venir se reconnecter ».

Philippe Bossanne ajoute : « Nous ne sommes pas du tout dans l'image du camping avec des mobile-homes partout, mais des tentes toiles et bois ainsi que de quelques chalets en bois. De nombreux clients viennent même directement séjourner avec leur toile de tente ».

Après de premières installations dans les Alpes, le réseau est ensuite revenu aux sources de son idée en installant une tente au sein d'un parc national canadien en 2008, avant d'y monter un premier village nature en 2015, puis de traverser la frontière américaine, l'année suivante.

« Nous avons désormais une cinquantaine de sites en France, cinq en Amérique du Nord et trois aux Pays-Bas ainsi qu'en Chine, un marché que nous avons commencé à adresser en 2015 ».

Exploitant, mais aussi fabricant de tiny houses en bois avec sa filiale

De l'exploitation de ses hébergements nature, Huttopia est aussi devenu fabricant : de ses tentes d'abord, puis de ses chalets en bois brut, à travers sa filiale Hekipia, spécialisée dans ce type de construction depuis 35 ans. Elle aurait même déjà livré plusieurs dizaines de milliers de micro-maisons.

Pour Philippe Bossanne, tout l'intérêt est d'ailleurs de mieux maîtriser à la fois sa chaine de production, mais aussi son empreinte sur les lieux, ainsi que le confort de ses locataires : « Nous avons constitué un pôle industriel qui nous permet aujourd'hui d'adapter nos produits et d'intégrer nos hébergements au sein du paysage et des lieux », confirme-t-il.

Contrairement à d'autres concepts de villages-vacances, qui ont vu leurs projets bloqués au cours des dernières année par une opposition grandissante de la part des riverains ou des associations environnementales- comme en AURA, le Center Parcs de Roybon, finalement abandonné en 2020-, Huttopia ne rencontrerait pas les mêmes difficultés.

Et pour cause : « La structure de notre habitat, beaucoup plus léger, fait qu'une tente se démonte très facilement par exemple et ne sera pas considérée comme une construction. Nous n'avons connu qu'un dossier délicat en l'espace de 20 ans. Car notre philosophie, c'est aussi d'être en capacité de rendre un site à la nature si cela est nécessaire ».

A chaque fois que le groupe s'est vu confronté à une implantation sur une zone humide ou occupée par de la faune ou de la flore, « nous avons soit arrêté le projet, soit contourné la fleur ou l'animal », assure Philippe Bossanne.

Impliquer ses collaborateurs à travers le capital

Huttopia, qui compte désormais près de 1.300 collaborateurs (dont 500 équivalents temps permanents), a toujours l'objectif de réaliser un chiffre d'affaires de 100 millions d'euros en 2021. Soit environ 70 millions sur la branche camping, et 30 millions sur le volet de la conception de ses hébergements, à travers notamment sa filiale Hekipia.

En 2020, où l'activité du groupe aura été mise à l'arrêt pendant 3 mois, le groupe aura tout de même réussi à limiter fortement la chute, en affichant un recul "limité de -12%, et une croissance de sa saison estivale 2020 de +3%.

D'autant plus qu'en Amérique du Nord, où le marché de l'outdour demeure historiquement plus fort qu'en Europe, Philippe Bossanne précise que la demande est demeurée soutenue.

« Depuis notre origine il y a 21 ans, nous avons toujours été bénéficiaires, à l'exception des 2 à 3 premières années ». Et le pdg a également décidé, en février dernier, que sa réussite dans cette période délicate devait également être partagée, financièrement parlant.

Son programme « Tous Associés » vise ainsi à ses collaborateurs d'au moins quatre années d'ancienneté de devenir associés. Et ce, quels que soient leur fonction et leur niveau :

« Nous avons toujours eu à cœur d'impliquer nos collaborateurs, en commençant par nos cadres dirigeants, qui avaient eu l'occasion de prendre des participations depuis dès 2005. Mais petit à petit, nous avons souhaité ouvrir le programme afin que tous les salariés ayant passé 4 ans au sein d'Huttopia puissent devenir associés ».

Le processus ? Les salariés doivent en effet faire part de leur intérêt -la prise de participation n'est bien entendu pas obligatoire- et doit être approuvée par le CA.

« Nous partons du principe qu'il s'agit d'un juste retour. Détenir un bout de capital permet aussi aux salariés de se sentir un peu propriétaires de cette histoire. C'est aussi une façon de toucher du doigt la notion d'entrepreneur, et de s'acculturer à une petite dose de risque », précise le fondateur.

Une promesse qui résonne fort en pleine crise

Au total, Huttopia aura ainsi ouvert son capital à hauteur d'un million d'euros à près de 38 collaborateurs en ce début d'année, pour une moyenne d'investissement de 28.000 euros chacun.

Une somme qui change toutefois peu la structure actionnariale globale de l'entreprise, qui demeure composée à 80% des fondateurs et les équipes d'Huttopia, suivies du Groupe Crédit Agricole à travers Carvest (9%) et d'entrepreneurs de la région Rhône-Alpes (11%).

« On peut souligner qu'une augmentation de capital réalisée dans le domaine du tourisme en pleine période de Covid démontre aussi une certaine marque de confiance ! ».

Selon lui, près de 90 à 95% des collaborateurs répondant aux critères d'ancienneté ont sauté le pas, tandis qu'un réseau bancaire partenaire a mis à disposition des collaborateurs concernés des financements adaptés.

Le million d'euro ainsi levé devrait notamment servir à accompagner la poursuite du développement du réseau d'hébergements en camping nature et villages forestiers au cours des prochaines années. Pour autant, cette somme ne représente qu'une goutte d'eau dans le capital investi chaque année par la société, qui s'élèverait en moyenne à plusieurs dizaines de millions d'euros par an, en vue d'implanter « 5 à 6 nouveaux sites par année en Europe ».

Et force est de constater que sa promesse de proposer des hébergements nature à la campagne ou à la montagne résonne encore plus fort en pleine pandémie. « Nous cochons toutes les cases, avec des hébergements individuels en plein air, avec de l'espace, etc. On sent désormais que ce que l'on prône depuis 20 ans en matière d'éco-tourisme commence à émerger ».

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