[Ce qui m'inspire - De nouveaux VP à la tête de l'économie 3/5] Emeline Baume De Brosses, au Grand Lyon

[Série d'été / Grande interview] Engagée au sein du réseau EELV depuis plusieurs années, Emeline Baume de Brosses, 43 ans, est la nouvelle vice-présidente du Grand Lyon en charge de l’économie, de l’emploi, du commerce, du numérique et de l’achat public, aux côtés du président écologiste, Bruno Bernard. Issue d’un territoire rural à mi-chemin entre la Dombe, la Bresse et le Val-de-Saône, l’élue se confie plus longuement sur son parcours en politique ainsi que sur ses ambitions pour l’économie locale.
Emeline Baume de Brosses, la nouvelle vice-présidente EELV du Grand Lyon en charge de l’économie, affirme que la métropole souhaite instaurer une relation fondée de l'écoute, de la bienveillance, et du respect avec les acteurs économiques locaux.
Emeline Baume de Brosses, la nouvelle vice-présidente EELV du Grand Lyon en charge de l’économie, affirme que la métropole souhaite instaurer une relation fondée de l'écoute, de la bienveillance, et du respect avec les acteurs économiques locaux. (Crédits : DR/EricSoudan/MétropoledeLyon)

Vous êtes depuis 2008 élue locale (EELV), d'abord en charge des Espaces Verts et de l'Economie Sociale et solidaire dans le 1er arrondissement de Lyon puis, depuis 2015, en tant qu'élue métropolitaine et Conseillère déléguée à l'Economie circulaire et la Prévention des déchets. Mais également issue d'un parcours académique pour lequel vous êtes retournée plusieurs fois vous former. Vous êtes un peu "multi-casquettes" ?

Au départ, j'ai fait un bac scientifique suivi dans le parcours universitaire en biologie des organisations et des populations, avec une étude des écosystèmes et des organismes vivants jusqu'à la maîtrise. En même temps, j'avais bouclé un diplôme de niveau bac+2 en aménagement hydraulique en milieu agricole et urbain et décroché en parallèle le Bafa pour pouvoir travailler sur des sujets d'éducation populaire, autour de la nature et de l'éveil scientifique.

J'ai fait mon entrée en tant que salarié au Grand Lyon à la fin des années 1990, en occupant un poste de chef de projet pour la mise en place du tri des déchets. Je suis ensuite allée me former sur la communication au sein d'un cursus bac+5 au Celsa, tout en travaillant pour amplifier ma démarche. Ma logique a été de commencer par me débrouiller par moi-même à chaque fois que j'arrivais dans un nouveau milieu professionnel, pour aller ensuite me former de façon plus formelle. Si bien qu'à chaque fois, j'ai mis une brique de formation universitaire au sein de mon parcours.

Pourquoi avez-vous choisi de vous engager en politique (en devenant notamment attachée de presse EELV lors de la campagne de Philippe Meirieu pour les régionales) ?

Mais parents sont issus du monde rural et agricole, au sein d'une grande famille où nous avions tous le sens du collectif. J'ai baigné dans un milieu où il existait des chambres d'hôtes, ce qui m'a donné une grande ouverture sur le monde.

Dans cet univers, il était assez logique que mes premiers petits boulots soient de réaliser de l'animation en milieu rural. Je pense que ce sont ces expériences qui m'ont montré la nécessité du collectif au sein de la société, et m'ont donné l'envie de m'engager en politique.

Car même s'il y a eu, dans l'histoire ancienne de ma famille, un ancien préfet du Rhône, qui s'appelait lui aussi De Brosses, ainsi qu'un président de la région de Bourgogne, Charles de Brosses, je ne gravitais pas du tout dans cet univers. La bascule s'est réalisée dans les années 2000, quand je me suis investie sur le tri et que j'ai pris conscience du rôle des élus locaux à ce sujet. L'idée de penser local et d'agir global m'a beaucoup parlé.

Vous ne vous étiez jamais encartée avant de rejoindre les Verts ?

Non, mais je me suis sentie concernée par la protection de la nature depuis mon plus jeune âge. A l'époque de mes études scientifiques, je me posais déjà des questions en matière d'éthique sur les OGM ou l'intelligence artificielle.

Je suis tournée assez logiquement vers l'écologie et l'environnement, en y mettant des notions d'éducation populaire et d'écologie au service du territoire. Car je savais déjà ce que c'était que de ramasser des fruits moi-même, le respect du vivant, ou encore la lenteur d'une production...

Comment expliquez-vous aujourd'hui votre virage vers l'économie ?

Mon cheminement a d'abord été très porté par l'enseignement supérieur et la recherche, puis par l'agriculture et le développement territorial, et ce bagage m'a amené à me poser la question de l'entrepreneuriat et de l'économie.

Je me suis spontanément intéressée à l'artisanat, mais après avoir siégé 12 ans au sein de la commission économique du Grand Lyon, on peut dire que cela forme une certaine expérience !

Lorsque j'ai fait le choix de retourner vers un Master 2 en ESS en 2016, je me suis également replongée dans tous les concepts qui composent l'économie mondialisée actuelle. Je ne me suis donc pas réveillée un matin en me disant que j'allais accepter de prendre les commandes des sujets économiques par hasard, il existe une vraie logique au sein de mon parcours.

On présente souvent l'économie et l'écologie politique comme des éléments antinomiques : quelle est votre perception à ce sujet et quelle économie souhaitez-vous incarner ?

Je pense qu'il s'agit d'une vision du monde d'avant, et on est d'ailleurs aidés à ce sujet par les opportunités qui s'ouvrent à nous depuis le Covid-19. Cet épisode a été extraordinairement douloureux et violent, mais aussi porteur d'opportunités pour les organisations économiques et sociales. Tout le monde s'est posé la question de sa consommation et l'on sait désormais que la trajectoire à venir est celle du respect du vivant et de la protection du climat.

La question est donc de savoir comment appréhender les chocs à venir, et la réponse se situe dans la résilience de notre territoire. Le monde de l'industrie et des entreprises, quel que soit son secteur ou son pouvoir d'achat, a subi un bouleversement qui remet en question les modes de production, de consommation, ainsi que l'organisation des chaînes de valeur. Certains groupes industriels ont d'ailleurs déjà mis en œuvre des transformations.

Quelles sont, d'après vous, les forces du tissu économique lyonnais et des atouts à conserver ?

Nous avons de la chance car il existe une belle diversité de production sur notre territoire, qui n'est pas  mono-industrie, contrairement à une ville comme Toulouse par exemple. Nous bénéficions de la présence d'un tissu économique, composé de grands groupes, PME, artisans, mais aussi d'un tissu d'intellectuels et de penseurs, de créateurs issus du milieu culturel.

La période post-Covid pose la question de souveraineté industrielle, à l'échelle nationale et européenne, avec l'enjeu de maintenir des capacités de production et de transformer aussi les choses à l'échelle du pôle métropolitain.

Pour autant, il n'est pas question d'envoyer nos industries polluantes dans la vallée du Giers ! Nous sommes favorables au maintien d'une activité industrielle utile, qui participe à la souveraineté industrielle française et nous garderons des projets comme la Vallée de la Chimie, mais il nous faudra également produire plus local et mieux.

Quelles seront vos priorités au cours de ce prochain mandat ?

Il va falloir se poser la question de la chaîne de réparation des biens manufacturiers, qu'il est nécessaire de revoir à la bonne échelle, qui est probablement la Région, en développant une approche de sobriété. Notre tissu dispose déjà d'un certain nombre d'acteurs à ce sujet. Car pour consommer moins de ressources naturelles, il faut avoir des capacités de réparation et aller vers une économie de la fonctionnalité de l'usage, en développant une offre de services aux côtés des intellectuels et des hommes qui ont un savoir-faire, tout en utilisant les moyens de robotisation disponibles.

Une autre priorité sera celle de l'emploi, et de l'accompagnement de la filière vers des activités économiques qui font sens et qui sont utiles à la société. Cela pose à la fois la question de développer des filières économiques équilibrées, reposant sur tous les niveaux de qualifications disponibles, et sur la manière dont on pense l'offre de formation au bassin d'emploi, afin de combler les éventuels trous dans la raquette.

Quelles relations entretiendrez-vous avec les chefs d'entreprises ?

Notre lien avec les entrepreneurs sera fondé de l'écoute, de la bienveillance, et du respect. La métropole reste une collectivité qui fait avec et pour ses habitants, dans lesquelles se trouvent les entrepreneurs, au même titre que des salariés, chercheurs, penseurs, etc.

Je me suis déjà rendue au H7 pour rencontrer des acteurs du milieu de l'entreprise. Même si l'abstention ainsi que le contexte particulier du Covid que tout le monde ne s'est pas forcément rangé derrière notre projet politique, nous nous devons de le mettre en œuvre dans une optique d'échanges avec les entrepreneurs, créatifs, et créateurs.

Notre chemin sera donc celui de la résilience territoriale, afin d'abaisser le niveau de production de gaz à effet de serre sur le territoire, mais en nous engageant à ne laisser personne au bord du chemin, pas même les entrepreneurs.

Quels seront vos réseaux et vos méthodes pour vous appuyer sur le tissu économique ?

Je reconnais aux entrepreneurs leur capacité à agir ainsi que leur indépendance, qu'ils soient sous format Scop, SCIC, auto-entrepreneur, PME ou ETI... Je sais qu'il existe des hommes extraordinaires au sein des grands groupes internationaux, bien que certains soient en même temps gouvernés par un actionnariat dont les objectifs peuvent être axés sur une forme de rentabilité personnelle. Il faut savoir séparer les deux éléments, car il peut exister des hommes et des femmes extraordinaires au sein de ces entreprises ainsi que des formes de créativité.

Je souhaite rencontrer ces entrepreneurs là où ils sont, c'est-à-dire sur leur lieu de travail. Il y aura forcément des moments où la métropole va affirmer sa position sur certains dossiers, comme la future politique publique des achats de la métropole, qui mérite d'être précisée lors de ce nouveau mandat. Cela donnera lieu à des échanges et des débats au sein de groupes de travail, en lien avec les filières professionnelles, ainsi qu'à des explications concernant son contenu, une fois le projet voté.

Pour finir, quelles ont été vos inspirations à la fois politiques et littéraires ?

J'ai beaucoup été inspirée dans mon parcours politique par des économistes comme Éloi Laurent (professeur à Sciences Po et à l'université de Stanford), ainsi que par l'économiste allemand Christian Arnsperger, qui a beaucoup écrit sur des sujets de RSE et RSO.

Je suis très en retard dans mes lectures, mais le livre qui m'a le plus parlé et certainement celui du philosophe franco-suisse Dominique Bourg sur l'Ecologie intégrale (co-écrit d'ailleurs avec Christian Arnsperger), car il répondait à beaucoup de notions d'auteurs connus.

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