Téléphérique de la Grave : tension autour du projet du 3ème tronçon

A la limite entre l’Isère et les Hautes-Alpes, le téléphérique de la Grave permet d’atteindre la haute-montagne. Mairie et exploitant du domaine prévoient la création d’un nouveau tronçon, provoquant la colère d’associations et d’habitants.
(Crédits : Multi-license with GFDL and Creative Commons CC-BY 3.0)

C'est un domaine unique, un glacier accessible par téléphérique, au cœur du Parc National des Ecrins. Le domaine de La Grave La Meije accueille chaque année les passionnés de haute-montagne. Actuellement, le téléphérique, construit à la fin des années 1970, dispose de deux tronçons en service, qui amènent les visiteurs jusqu'au col des Ruillans, à 3.200 mètres d'altitude. En hiver, il dessert un domaine skiable hors-piste, en été, VTT et randonnées sont au programme.

Un troisième tronçon est actuellement en projet. Il permettrait de monter 400 mètres plus haut, jusqu'au Dôme de la Lauze, à 3.559 mètres d'altitude. Soit 1,8 km de trajet, avec un pylône implanté à mi-parcours. Et surtout la suppression du téléski du glacier de la Girose, un matériel obsolète, fonctionnant grâce à un moteur diesel. Un projet défendu par la mairie et par SATA group, qui dispose d'une délégation de service public pour la gestion du téléphérique.

Supprimer une centaine de tonnes de ferraille

« On veut faire du nettoyage sur le glacier, qui est envahi par la ferraille et les engins", explique Jean-Pierre Pic, maire de la Grave, contacté par la Tribune. « Le projet nous permettrait de supprimer une centaine de tonnes de ferraille ainsi que l'utilisation de 100.000 litres de fuel par an. On est un peu des écologistes dans l'âme. On veut que notre pays vive bien, mais sans perturbation », précise-t-il.

« Depuis 2 ou 3 ans, on s'aperçoit que la saison d'été a pris le pas, avec davantage de visiteurs qu'en hiver. On veut développer ça, poursuit Jean-Pierre Pic. Nous sommes un des seuls endroits où on arrive avec un téléphérique sur un glacier vierge, nous voulons y mener une action pédagogique ». Pas question en revanche, affirme l'édile, de créer une liaison avec le domaine skiable des 2 Alpes.

« On essaie de faire tout ce qu'on peut pour garder nos jeunes au pays, qu'ils y travaillent. On veut revitaliser nos petits commerces et nos restaurants. » Parmi les projets à l'étude, notamment, l'amélioration des parkings mais aussi le développement d'activités touristiques 4 saisons.

« Monter jusqu'à 3.600 n'apporte pas grand chose »

Les opposants, eux, s'ils soutiennent la dépose du téléski du glacier de la Girose, prônent de se limiter à cela, dans une démarche plus respectueuse de l'environnement. « On est d'accord pour démonter ce téléski qui fonctionne à l'essence », expose Niels Martin, du collectif La Grave Autrement. « Mais ne rien mettre du tout à la place, c'est encore plus écologique ! », appuie-t-il« L'arrivée à 3.200 mètres est intéressante. Monter jusqu'à 3.600 n'apporte pas grand chose de plus, que ce soit en termes de vue ou d'ambiance. Il vaudrait mieux débarrasser le glacier de l'équipement actuel, le valoriser et valoriser l'existant à 3.200 ! »

Les opposants craignent que le projet cache en réalité des opérations immobilières dans le village, pour rentabiliser l'investissement et attirer du monde. « Notre hypothèse c'est que le 3ème tronçon n'est qu'un prétexte pour lancer de nouveaux projets immobiliers. Nous combattons ce modèle de développement, qui n'est plus réellement adapté au territoire. »

Le collectif, qui rassemble 850 personnes, exprime également « des doutes sur l'intérêt de faire cette remontée - que ce soit d'un point de vue touristique ou économique », remettant en question l'équilibre financier d'un projet estimé à 14 millions d'euros. « On ne voit pas comment l'amortissement va se faire », explique Niels Martin, dont le collectif a fait réaliser une étude par des cabinets indépendants. « Sur 30 ans, on nous annonçait 550 millions d'euros de retombées sur le territoire. Nos experts indépendants tablent sur moitié moins ! »

Lire aussiRemontées mécaniques et protection de l'environnement : de plus en plus de conflits devant les tribunaux ?

La Grave Autrement finance également une étude indépendante pour proposer un projet alternatif, sans troisième tronçon. Niels Martin déplore surtout le « manque de communication auprès des habitants ». Le collectif a demandé, en 2020, trois années de moratoire pour mettre en place une concertation. Demande refusée par les autorités.

Une enquête publique, réalisée entre décembre et janvier dernier, a rendu un avis favorable au projet, sous réserve de préserver l'androsace du Dauphiné, espèce rare qui pourrait être touchée par l'implantation du pylône intermédiaire. Mais les opposants dénoncent « une mascarade démocratique », estimant que la procédure a manqué de transparence et que tous les avis n'ont pas été écoutés.

Prochaine étape du projet : le dépôt du permis de construire. Les associations Mountain Wilderness et SAPN FNE 05 ont d'ores et déjà fait savoir par communiqué qu'elles envisageaient de saisir la justice.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.